Comme chacun sait, je couche avec Chateaubriand. Depuis le 23 janvier 2012, je lui suis à peu près fidèle. Seulement voilà, il y a de cela quelques semaines, j’ai retrouvé un ex, un Isérois qui se fait appeler Stendhal…

Marie-Henri et moi nous sommes connus bien avant que François-René ne tombe éperdument amoureux de moi (j’étais sa petite femme jaune des Açores). C’était en 2008 (je m’en souviendrai toute ma vie), je le rencontrais entre les murs du ministère des affaires étrangères. Il cherchait alors des écrivains ayant un projet d’écriture à l’étranger. Devant un verre de thé glacé à la pêche, je lui ai exposé mon souhait de partir aux Etats-Unis, où avait été déportée Molly Bannaky, une anglaise du siècle 17 qui, après avoir été déportée dans une plantation de tabac Maryland, avait fondé une dynastie de boiteux…
Séduit par Molly et sa descendance bancale, Stendhal m’a d’abord demandé de lui montrer un sein, voire les deux. J’ai dû lui rappeler qu’il ne s’appelait pas DSK, qu’il n’était pas producteur de cinéma, que j’étais trop âgée pour qu’il joue les Polanski, et qu’il ne devait pas me défoncer la gueule sous prétexte que je pesais cinquante kilos toute mouillée. Et accessoirement qu’il ne risquait pas de me la défoncer, ma gueule, parce que j’étais un puissant gorille. Ce dernier argument a semblé le convaincre : mes seins sont restés dans leur soutien-gorge, et Marie-Henri a bien voulu financer ma mission littéraire dans le nouveau monde.
Une condition a néanmoins été posée : que je fasse étalage de ma science dans divers comptoirs coloniaux, appelés instituts français ou alliances françaises. Moi qui rêve de voir la Nouvelle-France s’implanter sur les trois quarts de l’Amérique, j’ai accepté. Au passage, si la monarchie voulait bien se restaurer en métropole, et si l’Indochine acceptait de redevenir française, et si la Corée du nord prenait le statut de territoire d’outre-mer, franchement, le monde se porterait mieux : tout le monde parlerait québecquois et chacun pourrait se vanter d’avoir la bombe atomique.
Ainsi commença notre relation, qui, pour ne pas choquer l’opinion publique, fut tout à fait platonique. En quatre ans, je n’ai subi aucun attouchement sexuel de la part de Stendhal. C’est pour cette raison que, le 23 janvier 2012 (je m’en souviendrai toute ma vie) je l’ai quitté, pour François-René. Avec Chateaubriand au moins, il y avait du sexe (j’étais sa petite femme jaune des Açores). Il paraîtrait même qu’il a abusé de moi sans que je m’en rende compte. C’est le problème des femmes et des gorilles : elles sont trop bêtes pour penser, elles ne comprennent pas ce qui leur arrive, il faut tout leur expliquer. Surtout quand elles portent le voile.
Etant donné ma sexualité débridée avec Chateaubriand, je suis retournée à mes anciennes amours avec Marie-Henri. Je l’ai croisé un jour, rue du Capitaine-Scott, et nous sommes allés boire une tisane à la camomille. Là, je lui ai annoncé la sortie de Zoonomia, car oui, Marie-Henri, j’ai écrit les boiteux transcontinentaux pour lesquels tu m’as envoyée en Amérique. Et oui, chéri, j’ai un nouveau projet, cette fois entre l’Allemagne et l’Afrique du Sud, ça te dit ? Stendhal a regardé mon sein gauche, puis mon sein droit, il s’est rappelé que j’étais une proie facile mais aussi une prédatrice redoutable. Alors il a accepté de m’envoyer en mission en Afrique du Sud, où, une fois encore, j’implanterai la Nouvelle-France et ma science littéraire.
Avez-vous été mission pour couch…avec Stendhal ?
Je dirai même plus…missionnée.