Maryland, 1793. Jane, fille de l'indĂ©pendance amĂ©ricaine et de la Bible, s'Ă©prend d'un rejeton de la rĂ©volution française, et des LumiĂšres… Mais Terreur… la guillotine rĂ©clame sa tĂȘte au prĂ©sident Washington.
Appetizer ( page 57).
AbigaĂŻl raconta tout. Comment je mâĂ©tais Ă©prise dâune odeur de narcisse, comment, par ses beaux pĂ©tales, cette fleur sâĂ©tait imposĂ©e dans son logis, comment, par ses belles paroles, ce Narcisse avait peu Ă peu ensorcelĂ© le vieux William, qui Ă©tait si facile Ă corrompre, nâestâce pas, et comment, fil Ă fil, elle lui avait cousu des vĂȘtements français, et comment Narcisse sâĂ©tait Ă©vaporĂ©, pour la Louisiane, un pays de bourreaux, allez, qui avait tuĂ© son pĂšre, mais Ă©taitâce une raison pour me laisser, moi la petite Jane, en si grand Ă©tat de choc et de convoitise ? Dans mes dĂ©lires je lâavais garanti : je mourrais si on ne me laissait pas rejoindre Narcisse en Louisiane espagnole. Il fallait trouver une solution. AbigaĂŻl pleurait Ă chaudes larmes. Le visage de Johanna ne laissait paraĂźtre aucune Ă©motion :
â Estâce quâelle sait ? demandaâtâelle dâune voix atone.
â Estâce quâelle sait quoi ? rĂ©pondit AbigaĂŻl, prise dâun lĂ©ger hoquet.
â Estâce quâelle saitâŠ
Johanna jeta un regard Ă son horloge antipode. Dehors, le jour sâĂ©teignait en douceur. Le ciel rougeoyait derriĂšre des collines dĂ©coupĂ©es. Le soleil, avant de se coucher dans leurs creux, offrait ses derniers rayons. Ils entraient dans la piĂšce et peignaient le visage de Johanna. Convaincre la petite Jane de rester ? Lui rĂ©vĂ©ler le mystĂšre de ses origines ?
Toutes ?
Johanna proposa la pire des solutions. Celle qui nâĂ©tait pas envisageable :
â Laisseâla partir.
Elle lâavait dit avec une telle autoritĂ© quâun frisson glaça les veines dâAbigaĂŻl. Comme si le cĆur, dâavoir Ă©tĂ© arrachĂ©, ne pompait plus le sang. Ma tante fut un moment interdite :
â La laisser partir ? Jane ? Mais⊠quâestâce quâelle va devenir ?
Johanna eut un geste dâagacement.
â Eh bienâŠ, ditâelle, elle deviendra.