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Bessora

Tendre peau de vache

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Encore Un Petit Coup de 53 Cm ?

janvier 9, 2012 par Bessora 12 Comments

ChĂšre mademoiselle Alexandre Dumas, je suis enceinte de deux mois, quand, il y a sept ans, je dĂ©barque d’une pirogue creusĂ©e dans le bois d’okoumĂ©, sur les bords de la Seine ; comme Pocahontas, en son temps, dĂ©barqua sur les bords de la Tamise.

PremiĂšre Edition, Chez Le Serpent Ă  Plumes

J’ai vingt et un ans et j’entends bien me consacrer Ă  l’ethnologie des peuples primitifs, inventorier leurs talismans. Je m’assigne donc un terrain, la Gaule. Oui. Je suis gaulologue ; contrairement Ă  Pocahontas, qui n’était pas anglologue.

L’accĂšs Ă  la Gaule, vous le savez, exige un long et pĂ©nible dĂ©tour : l’escalade du mont prĂ©fectoral. Un temple se dresse sur son sommet, centre des Ă©tudiants Ă©trangers. Mon premier dessein sera d’y pĂ©nĂ©trer pour dĂ©rober un talisman appelĂ© ca’t de sĂ©jou’.

Ah, mademoiselle Alexandre Dumas, vous, comme moi, voyez cela d’ici :

La ca’t de sĂ©jou’, plus fort que la minute de silence dont on ïŹt une symphonie, que l’Empire State Building ïŹlmĂ© en continu pendant huit heures, que le pot dorĂ© de Beaubourg, et que les frigidaires superposĂ©s.

Avec la ca’t de sĂ©jou’j’entends rĂ©volutionner l’art contemporain, inventer mon genre Ă  moi, toute seule. ChĂšre ca’t de sĂ©jou’, ton compte est bon : je saurai faire de toi une Ɠuvre d’art, car la valeur de l’art, c’est le dollar. L’expĂ©dition terminĂ©e, je tirerai un bon prix de ta vente Ă  un musĂ©e d’art moderne. À moi Beaubourg, le Guggenheim, le MOMA de New York et le MIKO de Kyoto ; si l’art ne veut de moi, un musĂ©e-cimetiĂšre te conservera, toi, l’objet mort, tel un vieil appendice dans un bocal plein de formol. Ou alors, le MusĂ©um d’histoire naturelle t’empaillera. Tu seras trĂšs bien, entre les restes d’une girafe et le cadavre sans sĂ©pulture d’une vĂ©nus hottentote.

Mademoiselle Alexandre Dumas. Puis-je vous appeler Alexandre ? Comment ? Vous vous prĂ©nommez Hermenondine ? Personnellement, je prĂ©fĂšre Alexandre. Bien. Aujourd’hui, je porte un sweat-shirt de synthĂ©tique bleu sur un jean dĂ©chirĂ© ; mais il y a sept ans, je suis vĂȘtue d’une minijupe en Ă©corce battue et d’un corsage en pagne de raphia. Oui. Je ploie sous la lourde charge de mon Moutete, cette hotte de portage gabonaise que j’ai, depuis, remplacĂ©e par un Caddie albanais, Ă  quatre roues.

C’est ainsi que j’arrive rue de la Grande-Truanderie, devant la porte du temple, centre des Ă©tudiants Ă©trangers. Des explorateurs multicolores pĂ©nĂštrent la demeure sacrĂ©e un par un. D’autres sortent par une porte de service, la mine dĂ©faite : ils ont Ă©chouĂ© aux Ă©preuves, le talisman, ca’t de sĂ©jou’, est encore lĂ . Je fouille Moutete, Ă  la recherche d’un cadeau de bienvenue. J’y trouve un casque de cauri, un sachet de frites belges dĂ©shydratĂ©es, un paquet de Ricola, le bonbon suisse aux plantes, et divers instruments utiles Ă  l’expĂ©dition.

Moutete manque cruellement des objets usuellement recommandĂ©s aux explorateurs : nulle bouteille de whisky, nulle fausse perle, pas la plus petite verroterie. Tout explorateur digne de ce nom sait combien ces babioles sont indispensables avant toute tractation en terre citadogĂšne. Moi, Zara la gaulologue, l’exploratrice du siĂšcle, comment ai-je pu oublier ?

J’arrime Moutete sur mon dos et entre dans le temple. Il fait trùs chaud.

Un petit visage pĂąle Ă  longs cheveux noirs, valeureusement armĂ©, est postĂ© dans l’entrĂ©e. Il parle français, un crĂ©ole extrĂȘmement vivace. Je pratique cet idiome couramment : il Ă©tait en option dans mon cursus scolaire. J’ai aussi suivi un cours intitulĂ© : la Gaule, presqu’üle des Antilles, oĂč j’ai appris que les ancĂȘtres des Gaulois Ă©taient des AmĂ©rindiens appelĂ©s CaraĂŻbes.

— Votre panier, mademoiselle.

Le Peau-Blanc ouvre Moutete. Il en sort un buste miniature, en plĂątre, du roi belge LĂ©opold Ier, et un bĂąton de manioc d’origine amĂ©rindienne emballĂ© dans des feuilles de bananier africain. Il les inspecte tour Ă  tour avec un air d’étonnement mĂȘlĂ© de curiositĂ©. Je remarque son beau costume d’apparat, bleu ciel ; son prĂ©nom est Ă©crit sur les quatre poches du vĂȘtement : Police.

Police est trÚs enrobé, ventripotent comme un gardien de harem.

— Cher Police, gardien du temple sacrĂ©, es-tu Eunuque ? Qui est ton maĂźtre ? Un Sultan gaulois ?

— Ça s’appelle le ministre de l’IntĂ©rieur, mademoiselle ! Descendez dans la salle des guichets. Hop !

Un escalier me mĂšne Ă  une grande piĂšce carrĂ©e, bordĂ©e par douze guichets, les douze autels sacriïŹciels ; un pour chaque divinitĂ© gauloise, j’imagine. Ils sont abritĂ©s par des parois blanches translucides, derriĂšre lesquelles on devine des ombres, Ă  forme possiblement humaine ; possiblement. Je transpire de peur. Heureusement, ma sƓur Ninon, citadogĂšne de son Ă©tat, m’hĂ©berge depuis mon arrivĂ©e dans cette tribu gauloise. Elle vit parmi les autochtones de ton espĂšce depuis quinze annĂ©es. Elle m’a expliquĂ© la coutume.

Réédition, Chez La Margouline

L’ascension du mont prĂ©fectoral est un rite puriïŹcateur ; il rend la prĂ©sence immigrĂ©e mĂ©taphysiquement acceptable aux yeux des reprĂ©sentants gaulois. Il permet de passer du statut de sans-papiers au statut intermĂ©diaire d’ex-sans-papiers, et enïŹn, au statut plus ou moins dĂ©ïŹnitif de futur-sans-papiers.

Le rite de l’ascension du mont prĂ©fectoral a lieu une fois l’an. Dans le temple sacrĂ©, on rencontre une prĂȘtresse, et on lui offre une pĂąte sĂ©chĂ©e de ïŹbres vĂ©gĂ©tales broyĂ©es, papier, symbole animiste chez les Gaulois. Papier est parfois recouvert d’écriture, une forme primitive de langage. Les Gaulois auraient hĂ©ritĂ© cette Ă©criture d’anciens colons, l’ayant eux-mĂȘmes hĂ©ritĂ©e d’anciens encore plus anciens que les anciens. L’écriture est le croupion de la parole ; le verbe de la parole prĂ©cĂšde toujours le cul de l’écriture. Mais cet anus a pris le pouvoir en coupant la parole Ă  la bouche. L’écriture se nourrit dĂ©sormais de parole mais ne parle plus : sa bouche est trop pleine ; elle n’est plus qu’un oriïŹce rectal distendu, un anus boulimique.

En Ă©change du papier, l’ofïŹciante donne le talisman, ca’t de sĂ©jou’. Il protĂšge de mille oiseaux volants, charters, qui boutent les explorateurs hors de la tribu, dans le plus grand secret. Ca’t de sĂ©jou’protĂšge aussi d’esprits vengeurs et innombrables, nommĂ©s Police, comme l’Eunuque aux cheveux longs.

J’entends une clameur, des voix fĂ©minines monter derriĂšre les parois translucides. Les prĂȘtresses ? Je m’assieds, espĂšre un accueil. Mais personne ne vient…

« 53 cm », roman, 1999, 2011, copyright moi-mĂȘme, disponible

Chez La Margouline 

Filed Under: Bouts de Romans & Critiques

Reader Interactions

Comments

  1. Lecteur Ă  Lunettes says

    janvier 9, 2012 at 2:00 pm

    Je prĂ©fĂšre les deux derniĂšres couvertures Ă  celle de la premiĂšre Ă©dition. J’ai quand mĂȘme les trois chez moi. Je les ai toutes lues. A part la couverture, elles se ressemblent mot pour mot. C’est scandaleux !

    Répondre
  2. Lecteur Ă  Lunettes says

    janvier 9, 2012 at 2:00 pm

    Je prĂ©fĂšre les deux derniĂšres couvertures Ă  celle de la premiĂšre Ă©dition. J’ai quand mĂȘme les trois chez moi. Je les ai toutes lues. A part la couverture, elles se ressemblent mot pour mot. C’est scandaleux !

    Répondre
  3. Finger says

    janvier 9, 2012 at 2:01 pm

    Tu peux en faire un un peu plus long ?

    Répondre
  4. Finger says

    janvier 9, 2012 at 2:01 pm

    Tu peux en faire un un peu plus long ?

    Répondre
  5. Soeur Tout Sourire says

    janvier 9, 2012 at 2:02 pm

    Ca me rappelle quand j’Ă©tais missionnaire et que j’Ă©vangĂ©lisais les sauvages…

    Répondre
  6. Soeur Tout Sourire says

    janvier 9, 2012 at 2:02 pm

    Ca me rappelle quand j’Ă©tais missionnaire et que j’Ă©vangĂ©lisais les sauvages…

    Répondre
  7. Frédérik Mitran says

    janvier 9, 2012 at 2:04 pm

    Aaaa la grùce juvénile au pagne en feuilles de bananier !

    Répondre
  8. Frédérik Mitran says

    janvier 9, 2012 at 2:04 pm

    Aaaa la grùce juvénile au pagne en feuilles de bananier !

    Répondre
  9. Le vrai et seul Bruno says

    janvier 9, 2012 at 2:35 pm

    Etre gaulologue, vous y connaissez un rayon ?
    JNVSP

    Répondre
  10. Le vrai et seul Bruno says

    janvier 9, 2012 at 2:35 pm

    Etre gaulologue, vous y connaissez un rayon ?
    JNVSP

    Répondre

Trackbacks

  1. Bessora Blogue - De L’AltĂ©ritĂ© Dans Le RĂšgne Gymnasial. dit :
    mars 19, 2013 Ă  12:44 pm

    […] Encore Un Petit Coup de 53 Cm ? […]

    Répondre
  2. Bessora Blogue - De L’AltĂ©ritĂ© Dans Le RĂšgne Gymnasial. dit :
    mars 19, 2013 Ă  12:44 pm

    […] Encore Un Petit Coup de 53 Cm ? […]

    Répondre

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