Publiée en 2011, elle avait son arobase, parce conçue dans la toile. Elle avait trois genres parce que de sexe neutre, masculin, et féminin… Puisque c’est la mode aujourd’hui, j’exhume un extrait de Cyr@no. Cyr@no… essence d’intelligence artificielle.
Ces présentations achevées, on m’invite à remplir un profil d’hétérosexuel romantique. Je crée mon pseudo, disons que je m’appelle Cyr@no.
— Or çà, madame ! Quel est ce chamaillis ? Où emmènes-tu mon nom, scélérate ! Attention, je vais groindre !
— Je te transforme, voilà tout. Il ne peut te déplaire que je vienne troubler la pièce d’un confrère.
— Tu es plus fourbe qu’un Scapin. Quel rôle veux-tu me donner cette fois ? Garce ou garçon ?
— Que je sache, Cyrano, depuis l’enfance nous sommes amoureuses des mêmes galants.
— Crois-tu, fillette ? Je ne suis pas seulement ton autre, sais-tu. J’ai mon existence propre. Elle te préexiste et te survivra. Ne maltraite pas mon nom, Roxane.
— Fais-moi confiance, je ne te trahirai pas. Tu fus mon éducatrice par procuration, alors ne te formalise pas. Je veux que tu libères Christian, c’est tout.
— Cesse de te fiche de moi. Explique, vielle sotte, je n’y entends rien encore.
— Laisse-moi d’abord nous inscrire sur le site.
L’écran me demande ma date de naissance. Cyrano me donne la dictée.
— Tu naquis le dix-septième mars mil neuf cens soixante quatorze, Roxane, progéniture d’un gentilhomme inconnu, mais supposé Jean Rochefort, Charles Bronson ou Sydney Poitier, et de damoiselle Rose Berger, démiurge saltimbanque. Tu vins au monde sans noble parrain, et tu reçus pour marraine damoiseau Hercule Savinien de Cyrano de Bergerac, ton cousin irrégulier, âme mousquetaire et fantasque née à Paris quelque temps avant toi, ami intime de sieur Lebret, dramaturge extravagant et ferrailleur bien membré, épicurien libertin plus qu’amant éploré, disciple impénitent du philosophe Gassendi, hétéroclite cadet de Gascogne, coureur de culottes et de cabarets, voyageur intersidéral de…
— Suffit ! Assez de fables. Je te suis reconnaissante, cependant, de confirmer le lien qui nous unit. Et d’endosser tous les sexes utiles à la comédie.
— Je puis contenir tous les genres qui t’agréent, fanfaronne. Souviens-toi de l’époque où, six mois durant, tu fis de moi un garçon.
— Balivernes…
— Les suites d’un bouleversement hormonal, veux-tu dire. Treize ans, tes premières règles, ton premier baiser. Cette langue était répugnante.
— J’en garde un souvenir…
— Râpeux. Pouah! Ton professeur de théâtre avait la bouche trop vieille pour ton jeune organe, Roxane. Mais, diantre, il parlait bien : soyez verge autant que vulve, disait-il, inventez un troisième sexe, celui qui cumule les tares des deux autres. Jamais tu ne m’aurais pensée garçon, folle enfant, si ce grand homme ne t’avait pas inspirée.
— Sottises.
— Tu m’intéresses, saligaude. Continue notre inscription.
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