Mère célibataire de trois enfants de pères différents, Marie-France n’a pas de chance : la première exerce le métier de tueur en série. Mais au moins, c’est une enfant légitime. Le second, un fils naturel, est animateur dans un camp en Syrie. La troisième, une fille adoptée, vient de rater un suicide commandité par une secte. Pour protéger sa famille, Marie-France s’est donc trouvée dans l’obligation de déchoir certains de ses enfants de la nationalité française : après avoir expédié son fils naturel au Maroc, elle s’est vue contrainte de découper sa fille adoptive en morceaux. Mais ce qu’elle redoute par-dessus tout, c’est l’arrivée du Front National au pouvoir.
Entretien.
Marie-France, parlez-nous un peu de votre famille.
Eh bien… pour Océane, j’étais mariée. Ce serait trop long à expliquer, mais en gros, mon mari était stérile. Je ne me voyais pas recourir au don de sperme. Bref, nous avons utilisé la technique du clonage. Océane est une reproduction de moi-même. Nous avons la même tête, les mêmes goûts, les mêmes valeurs, la même culture, quoi, tout à fait.
Comment expliquez-vous qu’à dix-huit ans, Océane ait déjà à son actif le meurtre de 147 personnes et de 38 chiens ?
Océane a toujours préféré les animaux aux humains.
Mais… un tel palmarès… si jeune ?
Océane est une enfant précoce. Elle tient de moi.
Et vous ne l’avez pas déchue de son acte de naissance ?
Quand on est parent, monsieur, c’est pour la vie.

Venons-en maintenant à votre second enfant, Mourad, je crois.
Oui, c’est son père qui a choisi le prénom. Moi je voulais l’appeler François-Marie. Ce serait trop long à raconter, mais en gros, mon tout premier mari était stérile, et je ne me voyais toujours pas recourir au don de sperme. Bref, nous avons divorcé. Mais moi, je voulais une belle et grande famille, la famille de Marie-France, avec un tas d’enfants que j’aimerais pareillement. Alors je me suis amourachée de Tijani, un franco-marocain.
Et vous avez fait un enfant avec lui.
Pas tout de suite. Au départ, je voulais me marier. Mais lui voulait que je me convertisse à l’Islam. Or Océane et moi ne souhaitions pas que la France devienne musulmane : nous somme laïques, vous comprenez ?
Je comprends ce que vous voulez dire, oui. Mais cet enfant alors, vous l‘avez fait quand et comment ?
Hors mariage, monsieur. De nos jours, on ne fait plus la différence entre les enfants naturels et les enfants légitimes. Pourtant, Mourad était convaincu que je l’aimais moins que sa sœur.
Et vous l’aimiez moins qu’Océane ?
Point du tout. C’est la culture de l’excuse, ça. Tout pour vous faire culpabiliser.
Mourad est donc parti en Syrie sans votre autorisation.
Ah ça… Quand je l’ai appris, autant vous dire que je l’ai tout de suite renié. Océane et moi on était d’accord : pas de terroristes dans la famille. Alors on a mis Mourad dans un avion pour Rabat.
Donc Mourad n’était pas digne de vous, mais le Maroc était digne de lui ?
Je ne sais pas. Je n’ai jamais mis les pieds au Maroc. Mourad non plus. Mais après la Syrie ça ne devrait pas trop le dépayser.
Océane était-elle déjà tueuse en série à l’époque ?
Oui. Mais elle n’avait tué que 87 personnes. Et puis vous savez, ce n’est pas facile d’être un clone.
Vous nous faites le coup de la culture de l’excuse ?
Point du tout. Comprendre vaut mieux qu’exclure, c’est tout.
Du moins en ce qui concerne les enfants légitimes, on l’aura compris. Et Oriane, votre dernière fille, comment l’avez-vous exclue, elle ?
Pour commencer, je l’ai adoptée. Ce serait trop long à raconter, mais en gros, mon tout tout premier mari ayant été stérile, et m’étant vue dans l’obligation d’en divorcer puis d’emprunter du sperme marocain pour concevoir un deuxième enfant, je voulais encore et toujours une belle et grande famille, la famille de Marie-France, avec un tas d’enfants que j’aimerais pareillement. Alors je suis allée acheter Oriane en Thaïlande.
En Thaïlande ? Pourquoi en Thaïlande?
Une opportunité. Et puis les Thaïlandais sont des gens bien. Après les attentats du treize novembre, ils ont allumé des bougies pour nous.
Et vous, le dix-sept août, est-ce que vous avez allumé des bougies ?
Pourquoi j’aurais allumé des bougies le dix-sept août ?
Alors Oriane…, racontez-moi.
Au départ, pour tout vous dire, je voulais un enfant de la même couleur que moi. Je ne suis pas raciste. Mais quand même Nadine Morano n’a pas tout à fait tort quand elle dit que la France est un pays de race blanche.
Vous vous rendez compte de ce que vous dites ?
Je sais de quoi je parle : quand je me promenais avec Mourad dans la rue, un tas de gens me demandais si je l’avais adopté. Pourquoi croyez-vous qu’ils me posaient cette question ? C’est vrai qu’il était drôlement foncé pour une enfant biologique… Je ne voulais pas revivre ça, vous comprenez. Alors au départ, je voulais adopter un enfant de la même couleur que moi.
Mais pourquoi ne pas avoir fait un nouveau clone de vous-même?
Ç’eut été la solution idéale. Mais Océane et moi avions une relation si exclusive. Elle ne l’aurait pas supporté. Océane est mon enfant de souche. Je ne pouvais pas lui imposer un enfant qui lui soit tout à fait égal.
Donc vous adoptez en Thaïlande.
Là, au moins, pas de métissage, plus de risque de confusion. Pour Mourad, il fallait toujours que je me justifie. Alors j’ai adopté, une petite fille jolie comme un cœur. Les Asiatiques sont très jolis, quand ils sont petits.
Mais ils grandissent…
Oui, hélas. Oriane se plaignait toujours d’être moins aimée que sa sœur : pourquoi est-ce que tu ramènes toujours mes origines sur le tapis maman ? Je suis française depuis une génération, et il faut toujours que tu me ramènes à la Thaïlande ? Tu ne m’aimes pas, c’est ça ?
Mais vous l’aimiez.
Quelle mère n’aime pas ses enfants ? Alors quand j’ai su qu’elle avait fomenté un attentat suicide pour une secte tueuse, Océane et moi l’avons découpée en 148 morceaux et l’avons renvoyée en avion à Bangkok.
Un dernier mot, Marie-France ?
Oui.
Dites !
Dans les circonstances tragiques que nous traversons, j’ai très peur de la montée du Front National. Compatriotes… restons soudés. Aimons-nous les uns les autres. Vive la liberté, vive l’égalité, vive la déchéance de nationalité.
Cette Marie-France, là, ce ne serait pas une abonnée des prestations sociales, par hasard ? Hein ?!
C’est déjà assez compliqué comme cela, s’il faut en plus adopter des étrangers !
JNVSTP
C’est bon, Bessora!