Otto Promo faisant foi (toujours), il m’oblige à reproduire ici un article de presse. Moi qui n’ai pas d’égo, bien sûr, je ne voulais pas. Mais puisque j’y suis contrainte, sachez que ce papier est signé Jean-Claude-Loiseau et publié dans Téléréma, n° 3375. Télérama, c’est bien. Alors ne vous privez pas d’Alpha ! D’autant qu’ Otto Promo l’a juré : quiconque n’aura pas son Alpha sous le bras avant le coucher du soleil sera frappé, à mort, par la foudre. Courez donc acheter ce roman graphique tant qu’il est encore temps !
« C’est un homme qu’on évoque vaguement, de loin en loin, mais dont on ne sait rien en fait, et pour cause : il n’est que l’un des milliers d’Africains fantômes qui, un jour, ont décidé de se lancer dans un voyage sans retour vers l’Europe. « Tu ne sais jamais ce que te réserve le voyage, dit Alpha Coulibaly. Mais tu peux être sûr de ce qui t’attend si tu ne pars pas. Rien. » Il quitte Abidjan avec une obsession : retrouver sa femme et son fils, partis six mois plus tôt, sans visa, pour rejoindre Paris, et dont il est sans nouvelles. Il va devoir déjouer les pièges des passeurs cyniques et des rabatteurs voyous, les payer au gré de petits boulots misérables, croiser en chemin les soldats auxquels il faut fournir des « calmants » (des pots-de-vin), végéter en chemin dans des camps de réfugiés erratiques, avant de repartir pour affronter, après des mois et des mois de dérives, l’ultime épreuve, une traversée en bateau, terrifiante.
L’homme se raconte. Il trouve sa voix, d’une sensibilité lucide, dans les mots d’une romancière, Bessora, qui esquive le pathos pour mieux imprimer dans le fil des péripéties à forte valeur ajoutée documentaire les réactions à vif d’Alpha et celles de ses compagnons de (dé)route (un gamin de 6 ans, une jeune femme qui n’avait pas « beaucoup de choix pour faire de l’argent et payer la route », un fan de foot qui ne doute pas d’être, à l’arrivée, recruté par le FC Barcelone…). Au rythme de deux instantanés bruts par page, légendés par le monologue d’Alpha, on parcourt un simili-carnet de voyage, qui aurait pu être conçu sur le terrain, dans l’urgence. Un choix esthétique décisif : ce trait jeté, au feutre, hirsute, hâtif, faussement relâché, n’est pas pour rien dans le fort impact immédiat d’une histoire qui, à travers la figure d’Alpha, donne un visage mémorable à tous ces fantômes qui n’en avaient pas. »
Les mots comme le dessin sont pudiques et l’impact en est d’autant plus fort. Cette réserve porte une précision documentaire aiguisée comme un scalpel. Un témoignage nécessaire sur une réalité très dure.
Les mots comme le dessin sont pudiques et l’impact en est d’autant plus fort. Cette réserve porte une précision documentaire aiguisée comme un scalpel. Un témoignage nécessaire sur une réalité très dure.