Manifestement, ces adolescents n’en sont pas. Ce sont des hyènes qui ricanent dans des fauteuils de théâtre. On aurait pu me prévenir.
Une femelle à poil ras se noie dans son siège, proférant un bâillement prodigieux derrière de grosses pattes croisées d’ennui. Un grand dadais scrute mes chaussures. Ses oreilles sont décollées, il est un peu chauve, la chose est surprenante pour un animal de son espèce, mais ai-je pour autant un soulier différent à chaque pied ?
– Je suis Juliette Ebinel, écrivain professionnel et réputé. J’habite un château, dans la Loire.
Quelques feulements ébahis traduisent une forte impression. Mais mon château habite l’Espagne, bien que je sois, en effet, l’auteur d’un seul ouvrage, le Fantôme Amnésique. Quatre cent soixante exemplaire vendus. Une voix aigrelette jaillit soudain de ces ténèbres.
– Juliette quoi, Madame ?
– Crétinel, lui souffle son voisin à voix haute. C’est l’écrivain de la prof.
– J’ai une formation en zoologie, en économie appliquée, et en inférence et décision statistique. Je suis donc habilitée à vous former à l’écriture, d’œuvres radiophoniques notamment.
Silence atterré.
– Vous êtes un vrai écrivain ? m’interroge la demoiselle.
J’en veux pour preuve la phrase que j’écris au tableau.
ELLE SE PROMENAIT DANS UNE ALLEE DESERTE.
Rires dans la horde que je pétrifie aussitôt.
– Votre travail sera noté et je serai sans pitié.
Je suis une gorgone tropicale et mes cheveux sont venimeux.

– C’est dégueulasse, pleurniche un jeune débris. Ce que vous faites, ça sert à rien. L’école ne sert à rien. On sera tous chômeurs !
– J’en conviens. Votre note comptera donc triple dans votre moyenne de français.
Ils attendent mes instructions.
– Vous ! La demoiselle qui n’avez pas compris mon nom ! Vous m’écrivez la phrase qui figure au tableau sur une feuille blanche !
Pétrifiée, elle s’exécute.
– Ensuite ! Vous m’écrirez une phrase à la suite ! Puis vous passerez la feuille à votre voisin, qui écrira une phrase à la suite ! Et ainsi de suite ! Quand la feuille aura fait le tour de la classe, nous aurons un texte qui devra faire sens ! C’est compris !
Non. C’est pas compris. Et d’abord, je manque un peu de respect, ils trouvent.
– C’est vrai, leur dis-je. Vous devriez avoir l’habitude.
Ils réfléchissent. Et ils murmurent.
– Assez discuté ! Au travail !
Je passe dans les rangs où la feuille circule et noircit. Je renifle, ici à droite, du bouffeur de profs ; cette carne-là se régale des blancs-becs à chair tendre, une friandise. Dans la jungle des origines, elle est la plus forte, mais ici, elle se fera bouffer par un sot, à l’âge adulte. J’arrive à côté d’un nabot, blondinet, un peu trapu, avachi au troisième rang de la deuxième rangée.
– Qui êtes-vous ! je lui demande.
– Euh… Ducobu ?
– Qu’est-ce que voulez-vous que j’en sache !
– Vous avez raison, Madame. Tout le monde nous parle mal… Mais au moins, ça nous apprend la vie.
La vie est donc faite d’humiliations ? Si jeune et déjà résigné ! Je suis dégoûtée.
A travers les bugs informatiques (c’est mon ordi ou c’est le blog ?), se révèle un texte dont on reconnaît l’auteur : tu as un style qui t’est propre, Bessora, et qui se reconnaît, mais comment le définir ? Il est truculent, rapide, rythmé, fleuri, il fait penser aux auteurs du dix-huitième. Et tu as ton univers : de livre en livre, on retrouve les grandes constantes : le racisme, l’héritage naturel et culturel (qui s’exprime souvent dans tes oeuvres par la possession du narrateur habité par un esprit étranger). Oui, vraiment, tu es un écrivain à lire, à découvrir, une langue originale, bien meilleure qu’un grand nombre de célibrités dont les livres plaisent aux sots !
A travers les bugs informatiques (c’est mon ordi ou c’est le blog ?), se révèle un texte dont on reconnaît l’auteur : tu as un style qui t’est propre, Bessora, et qui se reconnaît, mais comment le définir ? Il est truculent, rapide, rythmé, fleuri, il fait penser aux auteurs du dix-huitième. Et tu as ton univers : de livre en livre, on retrouve les grandes constantes : le racisme, l’héritage naturel et culturel (qui s’exprime souvent dans tes oeuvres par la possession du narrateur habité par un esprit étranger). Oui, vraiment, tu es un écrivain à lire, à découvrir, une langue originale, bien meilleure qu’un grand nombre de célibrités dont les livres plaisent aux sots !