Par un 17ème jour d’août, un samedi, je cours dans Paris, accablée de soleil, cherchant deux bottes de pluie.
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32° degrĂ©s Ă l’ombre, horizon sans nuages, et ma mission, d’ores et dĂ©jĂ acceptĂ©e, dĂ©nicher deux bottes impermĂ©ables, bleues de prĂ©fĂ©rence, et surtout de taille trente-huit.
L’ordre m’est arrivĂ© d’un service secret, grimĂ© en colonie de vacances. PoĂ©tiquement dĂ©nommĂ©e Vacances Arc-En-Ciel, cette agence officieuse, mais municipale, vous dĂ©barrasse chaque Ă©tĂ© de votre progĂ©niture. Honoraires Ă©quitables, puisque calculĂ©s en fonction de votre coefficient CafkaĂŻen.
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DĂ©part de vos enfants donc, J-2 avant leur dĂ©portation, soi-disant Ă destination d’un centre de loisirs, sis Ă Pierrefontaine-les-Varans.
Je sais, vous preniez les varans  pour d’inoffensifs  reptiles, du genre des ceux qui peuplent le jardin gabonais de ma mère. Moi, je n’ai jamais doutĂ© de leur dangerositĂ© : prĂ©cĂ©dĂ© de Pierrefontaine, le varan n’est pas un lĂ©zard, mais un abattoir pour enfants abandonnĂ©s au mois d’aoĂ»t.
Pourquoi croyez-vous qu’ils rĂ©clament des bottes de pluie ?
Pour forcer vos petits Ă s’enfoncer dans des rivières oĂą il se noieront, Ă moins qu’ils ne soient dĂ©vorĂ©s par des crocodiles avant de suffoquer.
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C’est vrai, je voudrais me dĂ©sencombrer de mes enfants douze jours en aoĂ»t. Mais j’ai du mal Ă me rĂ©soudre Ă quelque chose de si radical : les jeter en pâture aux caĂŻmans de Franche-ComtĂ© ? Il le faut bien, il n’y a pas d’autre solution.
Docile et disciplinĂ©e, je cherche mes deux bottes de pluie, parce que oui, je veux m’offrir une petite semaine d’excursion sans enfants Ă l’île de la RĂ©union. Abandonner ses gnards pour une ridicule Ă®le volcanique, lĂ -bas, dans l’ocĂ©an qui n’a d’indien que le nom, c’est idiot, non ? D’autant que je regretterai fort mon voyage, oĂą mes hĂ´tes tenteront de me supprimer. Mais je leur Ă©chapperai, et ensuite je leur sauverai la vie. Oui, je vous dirai tout dans un prochain Ă©pisode.
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En attendant les surprises réunionnaises, direction Décathlon.
Grand soleil et Paris dépeuplé, j’aime Paris quand son peuple est parti en exil sur les plages de Méditerranée, ou de Bretagne. Le problème, c’est qu’il revient toujours à Paris, le peuple de Paris, alors qu’il est si facile de se faire électrocuter par un banc de méduses.
Pourquoi le peuple de Paris n’est-il jamais bouffĂ© par un requin pendant ses vacances ?
Pourquoi reviennent-ils tous sains et saufs ?
Mais en ce 17 août, Paris est vide, et pour oublier un peu les bottes bleues, je rêvasse à Port-Gentil : c’est aujourd’hui fête d’indépendance, au Gabon.
Ce beau pays, qui s’aima tant sous statut de colonie, s’est vu infliger l’autonomie un 17 août.
Pour compenser, sa fĂŞte nationale fut quelques temps le jour anniversaire de sa colonisation.
Que d’espoirs, pourtant, ont germé dans le cœur de mon père, ce 17 août 1960.
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Espoirs déçus,  et puis hop le caveau. Mais enfin, mieux vaut ça, je pense que devenir un gentil DOM-TOM du genre de la RĂ©union. C’est ce que je disais Ă Papa, justement, papa qui ne m’a jamais forcĂ©e Ă partir en « colonie de vacances », lui, papa que j’ai vu au Gabon en juillet dernier.
Le matin, je lui apportais parfois un cafĂ©. Assise sur la tombe que nous lui avons creusĂ© dans le jardin, je n’osais pas lui parler de peur qu’il ne me rĂ©ponde pas. Alors bien sĂ»r, il ne disait rien. Evidemment, puisque je ne lui parlais pas. Mais je n’allais quand mĂŞme pas lui raconter que je fomentais d’envoyer ses petits-enfants en « colonie de vacances » ?
A la différence de papa, ma grand-mère, elle, m’a parlé quelques semaines après. Suite à ma visite chez maman et papa, je suis allée me rappeler à son bon souvenir, dans sa maison de retraite lausannoise.
Mamie, Ă qui je n’ai rien dit non plus de mes projets d’infanticide, s’est dĂ©clarĂ©e navrĂ©e de la disparition de son gendre dont, malgrĂ© Alzheimer, elle se souvenait parfaitement.  Ensuite, elle a demandĂ© des nouvelles de son père dont, grâce Ă Alzheimer, elle avait oubliĂ© qu’il Ă©tait mort depuis soixante ans.
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Et moi, qui avec mes enfants ai joui des soirs d’or du Léman, et des gabonais matins d’argent, je livrerais mes petits aux varans de francs-comtois ?
Puis s’enfuir vers les vanilleraies de Bourbon ?
Allez…
Je leur ramènerai des gousses couleur chocolat, va, des lingots de vanille parfum pruneau ou réglisse.
Comment se fait-il que les crocodiles ne vous aient pas dévoré ? JNVSTP
Comment se fait-il que les crocodiles ne vous aient pas dévoré ? JNVSTP
Et alors finalement, vous avez fait quoi ? Partie ? Restée ?
Jean-Marc Parisis m’a dit un jour, l’oeil tragique, dans un cafĂ© : « On est toujours seul ».
Et moi, toujours gentil et con, j’ai dit le contraire de ce que je pensais, j’ai dit :
_ Oui.
Pour dire que j’Ă©tais d’accord avec lui. Alors que pas du tout. Quand il y a quelqu’un avec nous, c’est vraiment pas pareil. Sur le coup, je voulais lui rĂ©pondre :
_ On est toujours seul, oui, mais il y a une différence entre « être seul » et « se sentir seul ».
Et maintenant que je suis seul, je lui dirais :!
_ Non, on n’est pas toujours seul. Il faut n’avoir pas Ă©tĂ© seul et se retrouver seul pour se rendre compte que c’est une erreur de penser qu’on est toujours seul.
Amen.
Et alors finalement, vous avez fait quoi ? Partie ? Restée ?
Jean-Marc Parisis m’a dit un jour, l’oeil tragique, dans un cafĂ© : « On est toujours seul ».
Et moi, toujours gentil et con, j’ai dit le contraire de ce que je pensais, j’ai dit :
_ Oui.
Pour dire que j’Ă©tais d’accord avec lui. Alors que pas du tout. Quand il y a quelqu’un avec nous, c’est vraiment pas pareil. Sur le coup, je voulais lui rĂ©pondre :
_ On est toujours seul, oui, mais il y a une différence entre « être seul » et « se sentir seul ».
Et maintenant que je suis seul, je lui dirais :!
_ Non, on n’est pas toujours seul. Il faut n’avoir pas Ă©tĂ© seul et se retrouver seul pour se rendre compte que c’est une erreur de penser qu’on est toujours seul.
Amen.
Ah, encore un mot : très beau, le nouveau blog !
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