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Bessora

Tendre peau de vache

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Puisqu’il Fait Encore Jour Sur Moi

février 11, 2013 par Bessora 30 Comments

Donc vous ĂȘtes mort, tranquille enterrĂ© Ă  peine refroidi ouf. Et voilĂ  qu’un des vĂŽtres vous exhume, photographiquement parlant s’entend, mais quand mĂȘme, il trouble votre sommeil sous prĂ©texte que lui ne dort pas.

 .

.

Non pas que ce vĂŽtre profane votre tombe, non, votre tombe est inviolable, scellĂ©e au bĂ©ton armĂ©. Mais ce vĂŽtre, zombifiĂ© par le deuil de vous, dĂ©terre votre belle  image d’un vieil album photo. Jaune et gondolĂ©e, l’image outrepassĂ©e vous raconte dans la force d’un bel Ăąge, vous aviez quoi, cinquante-huit ou cinquante-neuf ans, c’était le temps oĂč l’avenir Ă©tait un peu derriĂšre, beaucoup devant.  Entretemps, vous ĂȘtes mort ouf tranquille enterrĂ© tout juste refroidi. Mais ce vĂŽtre zombifiĂ© ne veut pas vous laisser reposer,  le jour le brĂ»le et il vous refuse la nuit, alors il brandit le souvenir de vous et il chante : il est vivant, il est vivant, il est vivant, mĂȘme s’il y a quatre-vingt-dix jours qu’il est  mort pour nous !

 .

Résurrection par Rafaelino del Garbo, 1510

.

De force, vous voilà  revenu au jour, par photo interposĂ©e. Sa guerre au temps soi disant gagnĂ©e, le zombifiĂ© installe votre portrait comme un trophĂ©e, sur le plus haut Ă©chelon de sa plus belle  étagĂšre (une boulangĂšre en fer forgĂ©, avec de jolis torsades). Et il se console de votre rĂ©surrection, gloire au papier glacĂ©, un bout de votre tronc en deux dimensions est juchĂ© lĂ -haut, cinquante ans et des poussiĂšres, pas du tout dĂ©cati, les chairs imputrescibles et les pigments photographiques Ă  l’abri d’une pochette en plastique (le zombi n’a pas de  cadre). Alors dĂ©ni : votre tombe lĂ -bas, fariboles et falbala,  le deuil n’existe pas.

 .

 

Le soir tombe, et enfin  le zombi s’interroge : Ă©taler mon disparu Ă  la vue de ceux qui restent ? Et si mon disparu voulait disparaĂźtre ? S’il  prĂ©fĂ©rait la nuit sous la terre, et jaunir en paix  dans les albums ?
Oui da, tel est mon vƓu. Mais comment le signifier à un cornichon de descendant.

Une nuit, c’est lui qui m’invoque : mon proche, cher disparu, viens me parler en rĂȘve et me dire la rĂ©ponse Ă  l’insoluble question.

 .

 .

J’essaie de rĂ©pondre. Nuitamment,  j’y parviens. J’entre dans son rĂȘve.  Mais faute d’entraĂźnement, je n’arrive pas Ă  m’y incarner exactement comme je voudrais. Je surgis en effet onirique, debout Ă  la porte de mon bureau en dĂ©sordre, mais paupiĂšres semi-closes,  visage inexpressif : je n’arrive pas Ă  bouger un cil, incapable de dire un mot. Pas d’avis, pas d’opinion, un mort  neutre comme un vif helvĂ©tique. Je fais un fantĂŽme pitoyable, j’en conviens.

.

.

Or au petit matin, mon zombi de descendant se souvient de son rĂȘve. Comment interprĂ©ter mon inertie ? M’exposer sur le plus haut grade de sa magnifique Ă©tagĂšre ? Dans une pochette plastique parce qu’il n’a pas de cadre ? Mais qu’il tient quand mĂȘme Ă  protĂ©ger ma mortalitĂ© des UVA-UVB ?

Autre nuit, autre rĂȘve, je fais mieux.
Me voilĂ  souriant, quoiqu’assis sur le lit de mon agonie (la derniĂšre), dans la chambre d’hĂŽpital oĂč je fus si mal soignĂ© (le dernier). Mais ce n’est pas grave, je pardonne aux mĂ©decins, aux infirmiĂšres et au ministĂšre de la santĂ©. Je souris car je suis entourĂ©, les miens m’entourent, et moi qui avais perdu la tĂȘte et les mots, je retrouve la parole et la mĂ©moire, je prononce les prĂ©noms des miens autour de moi rassemblĂ©s, je leur souris, les voilĂ  soulagĂ©s, fin du rĂȘve.

Mais encore une fois, je suis mal compris. Moi je voulais juste dire au revoir et merci, maintenant je m’en vais Ă  la nuit. Or ma descendance zombifiĂ©e se rĂ©veille et  se dit  Ah, papa va mieux, il veut rester sur  mon Ă©tagĂšre.

.

.

Forte de cette fausse impression, elle se lĂšve, marche Ă  la cuisine, se prĂ©pare un cafĂ© dĂ©cafĂ©inĂ©, amĂ©liorĂ© d’un chapeau de chantilly saupoudrĂ© de cacao. Or voilĂ  que, passant Ă  cĂŽtĂ© de son Ă©tagĂšre, elle dĂ©couvre ma photo  couchĂ©e face contre la tablette. Franchement, pouvais-je envoyer signe plus Ă©vident ? Dans la nuit j’ai fait choir  l’image pour marquer ma volontĂ©, oui, je revendique l’oubli. Mais elle ne veut rien entendre. ImpĂ©rieuse, elle redresse la photographie.

Douze jours de suite, je me couche. Douze jours, elle m’oblige Ă  me remettre debout. Et le treiziĂšme, elle va au Monoprix, rayon papeterie, acheter un cadre rigide. De retour chez elle, elle y enferme mon image, et me fixe Ă  son Ă©tagĂšre pour m’interdire la nuit.

En vĂ©ritĂ© je vous le dis, de jour comme de nuit on ne devrait jamais faire d’enfants.

 

Filed Under: Intérieurs

Reader Interactions

Comments

  1. François Prunier says

    février 11, 2013 at 2:21 pm

    C’est beau… et touchant…

    Répondre
  2. François Prunier says

    février 11, 2013 at 2:21 pm

    C’est beau… et touchant…

    Répondre
  3. Soeur Tout Sourire says

    février 11, 2013 at 2:22 pm

    Jésus ! Jésus !!!

    Répondre
  4. Soeur Tout Sourire says

    février 11, 2013 at 2:22 pm

    Jésus ! Jésus !!!

    Répondre
  5. Jean Vigot says

    février 11, 2013 at 2:23 pm

    Les images sont belles, aussi !

    Répondre
  6. Jean Vigot says

    février 11, 2013 at 2:23 pm

    Les images sont belles, aussi !

    Répondre
  7. Descartes says

    février 11, 2013 at 2:27 pm

    Les enfants pensent savoir ce que les parents pensent, mais il est sĂ»rement trĂšs content que sa fille pense Ă  lui…

    Répondre
  8. Descartes says

    février 11, 2013 at 2:27 pm

    Les enfants pensent savoir ce que les parents pensent, mais il est sĂ»rement trĂšs content que sa fille pense Ă  lui…

    Répondre
  9. Transi LidolĂątre says

    février 11, 2013 at 2:30 pm

    Si toutes les filles auxquelles je pense étaient contentes que je pense à elles !

    Répondre
  10. Transi LidolĂątre says

    février 11, 2013 at 2:30 pm

    Si toutes les filles auxquelles je pense étaient contentes que je pense à elles !

    Répondre
  11. Lecteur Ă  Lunettes says

    février 11, 2013 at 2:31 pm

    Tu sais de qui je rĂȘve, moi, toutes les nuits ?

    Répondre
    • Soeur Tout Sourire says

      février 11, 2013 at 2:32 pm

      De Jésus !

      Répondre
      • Lecteur A Lunettes says

        février 11, 2013 at 2:34 pm

        Ah bon !? Je savais qu’il avait les cheveux longs mais je ne savais pas qu’il Ă©tait mĂ©tisse et encore moins qu’il Ă©tait de sexe fĂ©minin…

        Répondre
  12. Lecteur Ă  Lunettes says

    février 11, 2013 at 2:31 pm

    Tu sais de qui je rĂȘve, moi, toutes les nuits ?

    Répondre
    • Soeur Tout Sourire says

      février 11, 2013 at 2:32 pm

      De Jésus !

      Répondre
      • Lecteur A Lunettes says

        février 11, 2013 at 2:34 pm

        Ah bon !? Je savais qu’il avait les cheveux longs mais je ne savais pas qu’il Ă©tait mĂ©tisse et encore moins qu’il Ă©tait de sexe fĂ©minin…

        Répondre
  13. Lepenseur de Grodaim says

    février 11, 2013 at 2:37 pm

    C’est tellement bizarre, la vie, la mort, tout ça…

    Répondre
  14. Lepenseur de Grodaim says

    février 11, 2013 at 2:37 pm

    C’est tellement bizarre, la vie, la mort, tout ça…

    Répondre
  15. Bardamu says

    février 11, 2013 at 2:38 pm

    Est-ce bien CĂ©line qui Ă©crivit : « BientĂŽt je serai vieux et tout sera fini… » ? En tout, c’est une belle connerie : qu’est-ce qu’il en savait, que ce serait fini, ne serait-ce pas trop facile ? trop simple ?

    Répondre
    • Louis Ferdinand says

      février 11, 2013 at 2:40 pm

      Toujours ivre, mon p’tit Bardamu, Ă  moins que ce soit le paludisme, relisez-vous, mon vieux !

      Répondre
  16. Bardamu says

    février 11, 2013 at 2:38 pm

    Est-ce bien CĂ©line qui Ă©crivit : « BientĂŽt je serai vieux et tout sera fini… » ? En tout, c’est une belle connerie : qu’est-ce qu’il en savait, que ce serait fini, ne serait-ce pas trop facile ? trop simple ?

    Répondre
    • Louis Ferdinand says

      février 11, 2013 at 2:40 pm

      Toujours ivre, mon p’tit Bardamu, Ă  moins que ce soit le paludisme, relisez-vous, mon vieux !

      Répondre
  17. Lecteur Ă  Lunettes says

    février 11, 2013 at 2:41 pm

    Moi, je préfÚre relire Bessora !

    Répondre
  18. Lecteur Ă  Lunettes says

    février 11, 2013 at 2:41 pm

    Moi, je préfÚre relire Bessora !

    Répondre
  19. le vrai et seul Bruno says

    février 11, 2013 at 6:34 pm

    Encore une fois, vous me prenez au dĂ©pourvu. J’Ă©tais venu l’arme au poing, me voilĂ  larme Ă  l’oeil.
    JNVSTP.

    Répondre
  20. le vrai et seul Bruno says

    février 11, 2013 at 6:34 pm

    Encore une fois, vous me prenez au dĂ©pourvu. J’Ă©tais venu l’arme au poing, me voilĂ  larme Ă  l’oeil.
    JNVSTP.

    Répondre
  21. Dédé says

    février 18, 2013 at 6:22 pm

    « Mais ce n’est pas grave, je pardonne aux mĂ©decins, aux infirmiĂšres et au ministĂšre de la santĂ©… »….cette phrase m’a arrachĂ© un de ces rires!

    Répondre
  22. Dédé says

    février 18, 2013 at 6:22 pm

    « Mais ce n’est pas grave, je pardonne aux mĂ©decins, aux infirmiĂšres et au ministĂšre de la santĂ©… »….cette phrase m’a arrachĂ© un de ces rires!

    Répondre
  23. etpouruneblondedeplus says

    février 19, 2013 at 1:08 pm

    Cueillie Ă  l’estomac, moi aussi. CƓur et gorge serrĂ©s dĂšs les premiĂšres phrases. Simplement bravo Ă  toi!

    Répondre
  24. etpouruneblondedeplus says

    février 19, 2013 at 1:08 pm

    Cueillie Ă  l’estomac, moi aussi. CƓur et gorge serrĂ©s dĂšs les premiĂšres phrases. Simplement bravo Ă  toi!

    Répondre

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