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Bessora

Tendre peau de vache

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Demande De Logement Désocialisé

novembre 19, 2012 par Bessora 30 Comments

Le jour bâille encore, comme la réceptionniste de la mairie.
–  Je viens, madame, réclamer un logement décent. C’est mon droit.
– On prend les inscriptions à partir de quatorze heures, mademoiselle.
– Je viens de la part de la Confrérie des Gens du Livre. C’est mon droit.
– Veuillez éteindre votre cigarette. C ’est la loi.
.

.

Neuf  heures à peine.  Pourtant, une bande de sauvages assoiffés de logement sont assis dans le hall où ils semblent attendre quatorze heures. La réceptionniste me briefe. Chaque jour, le premier arrivé écrit son nom sur une feuille blanche et s’assied dans la salle d’attente, sa liste en main. Les suivants s’inscrivent sur cette liste auto-gérée, qui ne doit pas comporter plus de quinze personnes. Il est neuf heures à peine, et ils sont déjà quatorze.
– Si vous préférez aller pique-niquer, marmotte la secrétaire,  c’est à vous de voir.
C’est tout vu. Par décret de la liste manuscrite au crayon papier,  je suis intégrée au club des quinze, en dernière position.
Membres de la même société, siégeant dans le hall d’entrée de la mairie, nous nous jetons des regards de connivence, rassemblés par  notre ennemi commun, le retardataire. Notre constitution, la liste  posée sur une table basse sous notre surveillance collective, nous protège de lui.
Le premier ennemi arrive à dix heures cinq, et tente d’adhérer au club des quinze, en inscrivant son nom sous le mien. Le numéro six lui arrache la liste des mains et je l’informe gentiment.
– Il n’est pas question d’élargissement.
.

Par Patrick Chappatte

.

Alliés contre nos ennemis communs, nous n’en sommes pas moins concurrents. Nous nous adressons des sourires aimables contrecarrés par  nos regards défiants. Le HLM que tu gagnes est perdu pour moi. Durant les cinq heures que dure notre garde rapprochée, nous puisons tous à la source des apparences, et des bribes de conversations volées,  pour nous faire une idée fausse, mais très précise,  du profil des quatorze autres membres de la communauté.

Quatorze heures sonnent.
Le numéro un se lève et, solennel,  remet notre liste à la réceptionniste, qui nous distribue des tickets selon l’ordre d’arrivée. Monsieur l’adjoint ne reçoit qu’à partir de dix-sept heures. Je suis le numéro quinze. J’ai largement le temps de sortir causer pollution avec les pigeons.  Surtout pas. Mieux vaux visser mon cul à  ce banc métallique  jusqu’à dix-sept heures, on ne sait jamais.

 Trois heures d’espérance.

 Dix-sept heures trente, on reçoit le numéro deux. Je suis toujours le numéro quinze. Je passerai donc à trois heures du matin ?

 Dix-neuf heures.
.

.

Les onze derniers candidats ont été expédiés en cinq minutes chacun, sauf le numéro treize, qui a tenu huit minutes. Ejections précoces.  Enfin, j’entre dans le petit bureau de l’adjoint et prends place sur une chaise éjectable.  Et je le vois. Qu’est-ce que ce hippie à peine pubère fabrique dans un endroit pareil ? C’est ça, mon adjoint ? Je pose mon dossier sous son nez retroussé et soudain, je me souviens à voix haute.
– Laetitia ! Il est sept heures et la garderie ferme à six !
Un tableau morbide naît de mon effroi,  mon bébé noyé dans ses larmes, mourant de faim au bord de la route.
– Excusez-moi jeune homme,  mais  je dois appeler les pompiers.
– Appelez la garderie d’abord, non ?
.

.
Une sonnerie. Deux sonneries. Trois sonneries. Enfin la voix de Laetitia gazouillant sur les genoux d’Hélène. Je me confonds en excuses pour ce retard inadmissible. Oui, elle sait. Oui, elle comprend.
Achevons maintenant  cet adjoint, un adjoint d’adjoint semble-t-il.

Il épluche hâtivement  mon épais dossier. Une épluchure de choix vole dans sa main droite,  un antique courrier adressé à la direction de l’habitat. Le hippie muncipal me considère avec une grave sollicitude. Il exhale un long soupir de désolation. J’attise sa compassion:
– Ils me répondent toujours la même chose…
Il regarde sa montre avec discrétion. Muette, j’attends une proposition immobilière immédiate.
–  Je suis veuve… avec deux enfants…
– Je comprends.
C’est un niais d’exception.
.

.
Mais je supplie.
– Monsieur,  je fais de l’urticaire géant, trouvez-moi un appartement.
Pour une fois que je peux  mettre un nom sur une  maladie constatée la nuit dernière par SOS Médecins.
– Dix-neuf heures sont largement passées. La permanence doit fermer.
L’estomac de l’adjoint crie famine.
–  Mais enfin, Monsieur ! Je cumule les critères de priorité !
– Pardonnez-moi, me répond-il pour excuser les gargouillis de son estomac. Je suis outré du traitement de votre demande car en effet, le logement social est calibré pour des cas comme le votre. Mais… vos revenus ne sont pas très élevés…
– Je paierai ! Je vous jure !
–  La ville de Paris se refuse à étrangler ses demandeurs de logement sous la pression d’un loyer trop élevé.
–   Vous avez des quatre pièces à moins de cinq cent euros !
–   Tentez votre chance sur le marché privé. Vous aurez plus de chances, oui, sur le marché privé…

Filed Under: Bouts de Romans & Critiques

Reader Interactions

Comments

  1. Père Austère says

    novembre 19, 2012 at 2:48 pm

    En tous cas, ne venez pas quémander dans notre église hein !

    Répondre
  2. Père Austère says

    novembre 19, 2012 at 2:48 pm

    En tous cas, ne venez pas quémander dans notre église hein !

    Répondre
  3. Soeur Tout Sourire says

    novembre 19, 2012 at 2:50 pm

    Ca se passe vraiment comme ça ?

    Répondre
  4. Soeur Tout Sourire says

    novembre 19, 2012 at 2:50 pm

    Ca se passe vraiment comme ça ?

    Répondre
  5. Lecteur à Lunettes says

    novembre 19, 2012 at 2:51 pm

    L’attente, ça va encore, pourvu qu’on ait un bon Bessora sous le bras !

    Répondre
  6. Lecteur à Lunettes says

    novembre 19, 2012 at 2:51 pm

    L’attente, ça va encore, pourvu qu’on ait un bon Bessora sous le bras !

    Répondre
  7. Villon says

    novembre 19, 2012 at 2:52 pm

    Je vois que rien n’a changé : les poètes ont faim ! On leur ferme les portes des HLM !

    Répondre
  8. Villon says

    novembre 19, 2012 at 2:52 pm

    Je vois que rien n’a changé : les poètes ont faim ! On leur ferme les portes des HLM !

    Répondre
  9. Marine Nationale says

    novembre 19, 2012 at 2:52 pm

    Faites voir un peu les noms sur votre liste, là !

    Répondre
  10. Marine Nationale says

    novembre 19, 2012 at 2:52 pm

    Faites voir un peu les noms sur votre liste, là !

    Répondre
  11. Faux Bruno says

    novembre 19, 2012 at 2:54 pm

    Une colocation, ça vous dit pas ? Avec une seule chambre et un grand lit ?

    Répondre
    • Bernard Pivotant says

      novembre 19, 2012 at 2:55 pm

      Et une télé (à la place de la bibliothèque) !

      Répondre
      • Amélie Nono says

        novembre 19, 2012 at 2:55 pm

        Oh oui, pour que je puisse m’y voir comme dans un miroir !

        Répondre
  12. Faux Bruno says

    novembre 19, 2012 at 2:54 pm

    Une colocation, ça vous dit pas ? Avec une seule chambre et un grand lit ?

    Répondre
    • Bernard Pivotant says

      novembre 19, 2012 at 2:55 pm

      Et une télé (à la place de la bibliothèque) !

      Répondre
      • Amélie Nono says

        novembre 19, 2012 at 2:55 pm

        Oh oui, pour que je puisse m’y voir comme dans un miroir !

        Répondre
  13. Docteur Renard says

    novembre 19, 2012 at 2:58 pm

    En HLM t’entendra la télé du voisin, les mômes du voisins, les pets du voisins, le lit du voisin, la radio du voisinnnnnnnnnn !!! c’est pas génial pour un écrivain, non ? tu dois avoir besoin de calme pour écrire…

    Répondre
    • Mégane says

      novembre 19, 2012 at 2:58 pm

      Tentouse ! Un vrai nécrivain nécrit n’importe où n’importe comment !

      Répondre
      • Philippe Chiant says

        novembre 19, 2012 at 2:59 pm

        Ouais, surtout n’importe comment, la preuve…

        Répondre
        • Philippe Chiant says

          novembre 19, 2012 at 3:01 pm

          Enfin, je parlais pour moi…

          Répondre
  14. Docteur Renard says

    novembre 19, 2012 at 2:58 pm

    En HLM t’entendra la télé du voisin, les mômes du voisins, les pets du voisins, le lit du voisin, la radio du voisinnnnnnnnnn !!! c’est pas génial pour un écrivain, non ? tu dois avoir besoin de calme pour écrire…

    Répondre
    • Mégane says

      novembre 19, 2012 at 2:58 pm

      Tentouse ! Un vrai nécrivain nécrit n’importe où n’importe comment !

      Répondre
      • Philippe Chiant says

        novembre 19, 2012 at 2:59 pm

        Ouais, surtout n’importe comment, la preuve…

        Répondre
        • Philippe Chiant says

          novembre 19, 2012 at 3:01 pm

          Enfin, je parlais pour moi…

          Répondre
  15. le vrai et seul bruno says

    novembre 20, 2012 at 6:29 pm

    Il y en a qui sont morts pour moins que ça.

    Répondre
  16. le vrai et seul bruno says

    novembre 20, 2012 at 6:29 pm

    Il y en a qui sont morts pour moins que ça.

    Répondre
  17. Maison à vendre à la Réunion says

    novembre 21, 2012 at 11:20 am

    Bonjour
    Une façon originale de présenter les choses! Rien n’a vraiment changé depuis ces années!

    Répondre
  18. Maison à vendre à la Réunion says

    novembre 21, 2012 at 11:20 am

    Bonjour
    Une façon originale de présenter les choses! Rien n’a vraiment changé depuis ces années!

    Répondre
  19. Calimity Marie says

    décembre 11, 2012 at 3:40 pm

    J’ai ma tante en pot de chambre en plein terrain sioux près d’Issy.
    Gare à celui qui m’expulse! Je l’attends avec mon arc et des flèches empoisonnés au curcuma.
    Quand viens tu fumer le calumet BESSORA?

    Répondre
  20. Calimity Marie says

    décembre 11, 2012 at 3:40 pm

    J’ai ma tante en pot de chambre en plein terrain sioux près d’Issy.
    Gare à celui qui m’expulse! Je l’attends avec mon arc et des flèches empoisonnés au curcuma.
    Quand viens tu fumer le calumet BESSORA?

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