
Extrait de  Le Testament de Nicolas, où Nicolas nous explique, en bref…, pourquoi il est passé du petit Nicolas au grand méchant loup.
 Nicolas, c’était foutu d’avance : ça veut dire la victoire du peuple, en grec.
Il paraît que les Grecs ont inventé la démocratie. Mais le peuple n’est jamais victorieux. Le peuple sert de marchepied aux toiseurs. Et puis confier le pouvoir aux hommes… Ils volent, ils violent, ils s’entre-tuent. Dieu seul est juste. La victoire ne peut appartenir qu’à Dieu. Lui regarde tous ses enfants. Lui nous aime tous. À égalité.
Alors j’ai choisi Nasrallah.
Nasrallah, c’était gagné d’avance : ça veut dire le victorieux secours de Dieu, en arabe.
Papa et maman me demandent toujours de quoi je me plains. Eux ne se plaignent de rien. Ils ronchonnent un peu, quelquefois, rien de plus. Le monde va comme il va, ils s’en contentent. Il y a toujours plus malheureux que soi. Des fois, j’ai l’impression que de voir des gens crever à la télé, ça les console. Tu vois, ils se disent, on n’est pas si malheureux. De quoi tu te plains, Nicolas ?
C’est vrai, on habite un beau quartier, le seul immeuble HLM de la rue. Pourtant, avec maman coiffeuse en CDD, on n’était pas un bon dossier. Le cancer de papa a aidé : une santé en ruine, ça t’assure des allocations régulières. On te paye un peu pour que tu te laisses mourir à petit feu. Et bingo, HLM. Pourtant, le maire réservait notre appartement à une vieille dame de sa connaissance. Mixité sociale : les pauvres, d’accord, mais pas chez nous. Par chance, on avait une assistante sociale. Acharnée.
Illusionnisme, injustice, non-assistance à personnes en danger, elle était en guerre contre ça, l’assistante sociale. Sous couvert de démocratie, elle disait toujours ça, l’assistante sociale. Sans parler des crimes de guerre en loucedé.
Allah n’a pas voulu ça. »