• Skip to primary navigation
  • Skip to main content
  • Skip to primary sidebar
  • Skip to footer

Bessora

Tendre peau de vache

  • Accueil
  • Bio
  • Bibliographie
  • Contact

Alpha : vivre est ce qu’on aux morts

mars 29, 2021 par Bessora Leave a Comment

Alpha 1 et 4 Couv

Il y en a qui font les cent pas devant l’eau parce qu’ils n’arrivent pas Ă  se dĂ©cider. Trois pas en avant, trois pas en arriĂšre. Ils ne savent pas. De toute façon, moi, je n’ai plus le choix. Le choix, c’est trop cher pour moi. Le choix c’est du luxe.

 


Moi, ALPHA COULIBALY, alias sans pirogue, je monte dans un bateau avec  Antoine, avec le pagne d’Abebi,  sans Augustin.
La mer nous crie dans les oreilles, le sable nous fouette. Ils sont nombreux Ă  ĂȘtre restĂ©s sur le rivage : ceux qui ont renoncĂ©s, ceux qui n’ont pas rĂ©ussi Ă  avoir de place. Pourtant, ils avaient payĂ©. La nuit les enveloppe sur la cĂŽte. Et j’entends leurs pensĂ©es, qui  nous accompagnent.  Ils forment des vƓux. Nous qui avons embarquĂ©s, nous leur devons de rester vivants.
Le bateau est trop plein. Pourtant, il flotte encore. Le pilote a l’air sĂ»r de lui. Il fera attention : celui qui nous conduit ne veut pas mourir, que je sache. Je suis assis Ă  la tĂȘte de la pirogue avec Antoine. Avec le pagne. Sans Augustin.

Des deux cĂŽtĂ©s montent les vagues. Elles plongent, pointues, dans le bateau. Boum. C’est comme un coup de poing. Une fois. Le bateau tangue. On s’accroche. L’eau nous maltraite. Boum. Deux fois. Le bateau s’enfonce. Certains jettent du lest. Surtout des bidons d’eau. Le bateau s’enfonce. Il y en a qui sautent. Avec des cordes.

 

Ceux qui ont sautĂ© nagent au milieu des bidons. D’autres boivent la tasse. Certains s’encordent les uns autres. Et puis on ne les voit plus. Peut-ĂȘtre qu’ils ne savaient pas nager. Peut-ĂȘtre qu’ils sont retournĂ©s Ă  la terre ferme.

 


alpha_sept_15_12

 

 

Antoine et moi, on se cramponne, sans un bruit. Pas un cri dans la pirogue. Le pilote manƓuvre habilement. La vague est mauvaise, mais le pilote est malin.

Certain prient. La plupart vomissent. Je pisse dans mon slip. Pourtant, je ne sens pas ma peur. Antoine, lui reste stoïque. Sa peur le tétanise. Ferme les yeux, Antoine.

Ne regarde pas celle qui est assise à cÎté de nous. Ne dis pas son nom.

Le vent se calme, les vagues s’apaisent. C’est l’attente qui commence.

Le bateau avance, je suppose, mais je ne le sens pas se dĂ©placer. J’ai mĂȘme l’impression qu’il ne bouge pas. On a pris du retard avec la tempĂȘte.

Cette eau, c’est un dĂ©sert liquide que le soleil assĂšche. Je vois comme de la vapeur Ă  la surface.  On y voit aussi des mirages, dans l’ocĂ©an, comme en plein Sahara. DĂ©sert liquide et lisse comme un miroir brĂ»lant. Le soleil te crame la tĂȘte et la peau.

Pourtant, les Canaries, c’est tout prùs. Quelques minutes à vol d’oiseau. Huit heures en bateau. Par beau temps.

Mais on a pris du retard, et les heures n’en finissent pas de couler.

J’ai mal au crĂąne. Comme si quelqu’un me battait à l’intĂ©rieur de la tĂȘte.

Dans ma fiĂšvre, je crois reconnaĂźtre Augustin sous les traits d’un petit garçon qui accompagne un homme. Cet homme n’est pas son pĂšre. Pas son oncle non plus. Le petit semble terrorisĂ©. Il a dĂ» servir de monnaie d’échange pour je ne sais quel trafic.

Sur l’eau, le temps est plus lent. Encore plus pour nous qui arrivons au bout d’un voyage interdit. Le bout de l’interdit, c’est le moment oĂč tu as le plus mal. Toutes les douleurs que tu n’as pas voulu entendre jusque lĂ  te sautent Ă  la figure. Ce que tu fais, c’est interdit.


Tu sais que ça peux te coĂ»ter la vie. La vie est fatiguĂ©e de ce que tu lui infliges, elle voudrait te quitter. La vie en a marre de toi, marre de l’eau, marre du soleil, marre du bateau.
Plus on s’approche des Canaries, plus elles semblent s’éloigner de nous. Elles se dĂ©robent. Elles jouent avec nos vies impatientes.

J’ai si mal Ă  la tĂȘte. Et les Canaries qui reculent pour m’échapper.

La nuit tombe. Le soleil Ă  trop tapĂ©. Le pilote dit qu’il faut ĂȘtre prudent, que finalement, ça va nous prendre toute la nuit.

Une passagĂšre se jette dans l’eau. Comme ça. Sans raison. Tout le monde crie. Il y en a qui deviennent dĂ©jĂ  fous. La vie veut les quitter.  Le petit garçon, celui qui me fait penser Ă  Augustin, il pleure doucement.

Huit heures de voyage par beau temps, qu’ils disaient

Huit heures hors incident, hors retard, hors imprĂ©vu, hors tempĂȘte, hors fĂącherie de la vie.

C’est sĂ»r qu’on n’est pas rĂ©glĂ© comme un ferry. Il va falloir se faire Ă  l’idĂ©e de dormir ici.

Et de ne peut-ĂȘtre pas se rĂ©veiller.

Je préfÚre ne pas prendre de risque. Je ne dormirai pas.

Lever de soleil.

Un enfant est mort avant l’aube. Certains ont proposĂ© qu’on le mange.  Ils sont devenus fous. Au bout du voyage, si la vie ne te quitte pas, c’est la folie qui t’invite. Mais cet enfant, qui Ă©tait-il ? En tout cas pas le petit bonhomme qui pleure toujours. Maintenant, il a le hoquet.

Quelques-uns vomissent. Mais vivre, c’est ce qu’on doit aux morts.


Alpha, Barroux, Bessora

 

 

Filed Under: Celle qui partage

Reader Interactions

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Primary Sidebar

Je suis écrivain, ghost writer et scénariste, contactez-moi !

Les auteurs et les autrices sont-ils lĂ©gitimes Ă  Ă©crire sur des sujets qui ne les concernent pas intimement L’écrivaine Bessora s’exprime sur le plateau de #28min.

https://t.co/T20UNCzWZk pic.twitter.com/N7Ok4EygnG

— 28 minutes (@28minutes) April 13, 2021
Le flux Twitter n’est pas disponible pour le moment.

« 53 cm » lu par Aminata Aidara

https://youtu.be/HVcKlq78bMw

Loupiac !

Nouvelles traductions !

AprÚs sa publication au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, en Espagne et en Croatie, Alpha poursuit sa route ! Prochaine étape : la Slovénie !
Pour la suite, je vous concocte un roman franco-germano-sud-africain...
Bon, c'est pas tout ça, j'ai rendez-vous avec mon garagiste, je file ! pic.twitter.com/UlQzAwSfD9

— Bessora (@BessoraOnOff) January 31, 2020

Echos…

« On s'est habituĂ© Ă  un systĂšme oĂč la rĂ©munĂ©ration de l'auteur sert de variable d'ajustement », regrette la prĂ©sidente du Conseil permanent des Ă©crivains https://t.co/Z1AhKgnbXC

— Les Echos (@LesEchos) February 20, 2020

Ecoute-moi sur Radio Canada !

Newsletter

Citizen Narcisse et son gilet jaune

https://www.youtube.com/watch?v=xEX-pGX8G8A

Adhérer au SNAC


Flux Du cÎté du Snac

  • L’IAG un an et demi aprĂšs la table ronde au FIBD 2024 avril 6, 2025 SNAC
  • 9e art+ : la bulle est pleine ! avril 1, 2025 SNAC
  • Lettre ouverte collective – RĂ©forme TVA mars 21, 2025 SNAC

Footer

Copyright © 2025 · News Pro sur Genesis Framework · WordPress · Log in