Je suis Ravi, Ravi B. Bakshi, poète, compositeur et physicien quantique, spécialiste de la catastrophe ultraviolette.
Après que je me fus marié à une femme qui n’était ni de ma caste, ni de ma classe, ni de ma race, et qu’elle me donna trois filles, une cavité utérine se substitua naturellement à ma glande prostatique. Neuf centimètre de haut pour sept de large à l’échographie. Et quatre et demie d’épaisseur. Ma matrice a toutes les caractéristiques d’un utérus ayant déjà enfanté, et porte deux fibromes sous-muqueux.
Si cette catastrophe hormonale a été diagnostiquée récemment, j’en ai éprouvé les premiers symptômes dès la première grossesse de ma femme.
A la naissance de ma seconde fille, trois ans plus tard, mes testicules se sont rétractés. Ils sont remontés dans mon abdomen où ils se sont convertis en ovaires. C’est le phénomène inverse qui se produit généralement : en cours de gestation, tout fœtus est femelle par défaut. C’est pendant le second trimestre de grossesse, je crois, que les organes féminins se masculinisent, et que les ovaires deviennent testicules.
Nous avons encore eu un enfant, Lisbeth et moi. Au moment de son retour de couche, mon pénis s’est ramené aux dimensions d’un clitoris.
Comme vous pouvez l’imaginer, notre vie sexuelle a évolué avec mes transformations : nous nous adonnons à une espèce de lesbianisme hétérosexuel. Mon épouse est très habile dans le maniement du godemichet.
Je souffre peu des changements liés à cette catastrophe hormonale et ultraviolette. Mes règles sont brèves, régulières et sans douleurs. Mon fibrome ne mesure que 28 mm.  Mon pénis ne me manque pas, il m’a toujours un peu encombré, comme mes testicules, qui étaient, objectivement atrophiés.
Sinon, j’étais déjà imberbe, j’avais la voix douce. Elle est désormais un peu trop aigüe à mon goût mais bon… on fait avec. Certes, ma voix aigüe me gêne parfois : une voix grave en impose toujours plus au téléphone.
Pour résumer, d’un point de vue physiologique, la catastrophe hormonale ne présente pas d’inconvénients majeurs. Maintenant, du point de vue sociologique, voire philosophique, c’est vrai, il y a la misogynie, souvent sournoise. Quand j’étais un homme, l’on me trouvait spirituel et intelligent. Depuis que je suis une femme, on me juge cocasse et sympathique. Evidemment, je passe sur les conditions salariales délétères subies depuis que mon changement de sexe a été officialisé à l’état civil.
Mais il paraît qu’il faut laisser courir les misogynes, surtout quand ils sont féministes,  et les racistes, en particulier quand ils adhèrent à SOS Racisme ou à la LICRA : la ségrégation des sexes, et toute forme d’apartheid, se dilue naturellement dans la démocratie.
Je dis ça parce que, bien que né homme, et ayant bénéficié de ce statut pendant la moitié de mon existence, j’ai déjà connu les affres du communautarisme, ou de la ghettoïsation. C’est peut-être pour ça, d’ailleurs, que je supporte si facilement ma condition féminine. En effet, je suis né dans la caste des Brahmane Pir Ali, déjection de la société hindoue depuis que le grand vizir Ali Pir, mon ancêtre, s’est converti à l’islam avec ses deux frères. J’étais physicien enturbanné et me voici femme voilée.
Oui, je porte le voile. Mais étant donné le contexte, c’est un geste de résistance et non de soumission. De misogynes islamophobes prétendent m’en libérer. Mon voile cependant m’émancipe de l’orthodoxie masculine et hindoue.
Tatata, n’allez pas croire que j’ai foi en les Dieux des livres et des chants. L’espace et le temps ne sont-ils pas, au bout du compte, qu’un mode de notre sensibilitĂ© ? Peut-ĂŞtre existĂ©-je encore comme homme, dans un univers parallèle ?  Peut-ĂŞtre suis-je dans une superposition des Ă©tats homme et femme ? A mi-chemin.
C’est vrai, ma prostate me manque parfois…
Mais j’ai toujours eu l’âme d’un rĂ©formateur. De tout temps mes aĂŻeux se sont opposĂ©s au système de castes, des races et des classes (aussi ma femme est-elle une Anglaise de pure souche aristocratique). Ils ont contribuĂ© Ă l’amĂ©lioration de la condition de la femme, indienne ou autre.
Pourtant, je jure devant l’Etre suprême avoir souffert d’être un homme plus que je n’en ai joui. Les hommes s’ennuient, car on leur prête a priori toutes les qualités. Les femmes en revanche, doivent toujours justifier des leurs. D’où une meilleure irrigation du cerveau chez la plupart d’entre elles.
Oui, mais, avez-vous gardĂ© un cerveau d’homme ?
(toujours pas internet Ă la maison, je consulte d’un autre pc…)
Oui, mais, avez-vous gardĂ© un cerveau d’homme ?
(toujours pas internet Ă la maison, je consulte d’un autre pc…)