
J’ai été interviewée dernièrement pour le magazine Lire, au sujet de la collection Continents Noirs – Gallimard, avec d’autres auteurs. Vous trouverez le lien vers l’article publié en bas de page. Non les amis, je n’ai pas été censurée dans cet article qui me semble plutôt malin. Il reprend mes réactions en partie, je vous livre le tout ci-dessous. Please, fasten your seat belts !
Après cinq romans au Serpent à plumes, chez Denoël et Eden, vous avez publié Cueillez-moi jolis messieurs… et Et si Dieu me demande, dites-Lui que je dors chez Continents Noirs. Pourquoi ?
Cueillez-moi jolis Messieurs avait été refusé par mon éditeur de l’époque. J’ai envoyé le texte à une dizaine de maisons, Jean-Noël Schifano l’a accepté, avec beaucoup d’enthousiasme. On s’est bien entendus.
Quelle a été votre expérience dans la collection Continents Noirs ?
Similaire à mes expériences dans les collections Continents Blancs. Il y avait une petite différence cependant : chez Continents Noirs les auteurs étaient plus métissés.
Pourquoi en êtes-vous partie ?
Parce que j’ai proposé un recueil de nouvelles qui a été refusé. J’ai ensuite publié Cyr@no ailleurs. Mon texte suivant a été refusé. Nouveau départ. Entretemps, j’ai récupéré pas mal de droits sur des bouquins. J’ai envoyé Zoonomia à plusieurs éditeurs, j’ai décliné des propositions de publication dans des collections dédiées au voyage (on me prenait pour un écrivain-explorateur). Je publie aujourd’hui chez Le Serpent à Plumes, mon premier éditeur : il est spécialisé dans une littérature générale ouverte à tous les genres.
(Ajout : Entretemps, Le Serpent à Plumes a été interrompu, par le groupe d’édition La Martinière, lui même racheté par le groupe Média Participations, lui-même préoccupé du problème récurrent de la surproduction de livres. En gros, il y avait trop de livres inutiles au Serpent à Plumes)
Que vous semble être la ligne éditoriale de Continents Noirs ?
La francophonie. Mais une francophonie dont s’exclut la France et où, comme à la Bibliothèque Nationale de France et comme chez d’autres éditeurs, les auteurs francophones sont des écrivains étrangers qui écrivent en français, ou des écrivains français qui ont une gueule d’étranger.
Avez-vous l’impression que les deux romans que vous avez publiés chez Continents Noirs correspondaient plus particulièrement à cette ligne ?
Si j’étais une laiterie, je vous dirais dans quel rayon du Franprix ranger mes fromages. J’écris des bouquins, je ne peux pas vous répondre : je ne suis jamais entrée dans une ligne éditoriale, et je connais peu d’auteurs réductibles à une définition.
Que pensez-vous de l’existence de Continents Noirs au sein d’une maison d’édition dont la collection la plus prestigieuse se nomme « la Blanche » ? Et dans le paysage éditorial français ?
Pour parler paysage éditorial, je n’ai jamais vu de non-Blanc dans une réunion de libraires, une assemblée de représentants, un comité de lecture, etc… Ces ghettos ne me dérangent pas : la moitié de ma famille est blanche. J’ai l’habitude de me trouver dans des milieux homogènes, où je suis l’exception, et parfois l’alibi. Je me fiche donc des stratégies éditoriales de Gallimard, qui est une entreprise privée.
Mais je m’intéresse pas mal aux représentations de l’Etat. Par exemple, je ne sais pas si la Martinique est au courant, mais la BNF lui a donné son indépendance : Edouard Glissant est un auteur francophone dont le pays est la Martinique. La Martinique est en effet un pays à la BNF, un pays du « reste du monde ».

L’Etat a donc cédé la Martinique à la Francophonie, la France s’en exclut parce que parlant une langue qui, je suppose, n’est pas le français, et les auteurs français ou franco-quelque chose sont rarement catalogués francophones lorsqu’ils sont blancs, ou perçus comme tels. Dès lors, je comprends mal qu’on s’inquiète de l’existence de Continents Noirs. Continents Noirs est à l’image d’un secteur du livre qui s’accommode assez bien de sa maladie.
"Pas la peine d'en faire un Continent". Lire - Juillet - Août 2018
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