Ci dessous, 2mn16 secondes de 53cm, soit à peu près 2 pages et 3000 signes… où vous ferez connaissance de Zara, gaulologue pour ceux qui ne la connaîtraient pas. Sûre de son bon droit, Zara s’en va donc conquérir le mont Préfectoral et le Gymnasium (notamment).
PS : bonne fête les morts avec un jour de retard. Mais vous avez tout votre temps, maintenant, alors vous ne m’en voudrez pas.
— Bonjour ! Bienvenue au Gymnasium !
Le gentil animateur, immense et athlétique, me sourit. Il ajuste une mèche rebelle, échappée du Nylon blond de sa perruque. Je fixe son iris de synthèse bleu méthylène :
— Jolies lentilles.
Je me dirige vers les vestiaires. Soudain, je l’entends courir derrière moi ; je hâte le pas pour lui échapper, mais il me rattrape, saisit mon bras droit, et, m’écrabouillant les os, me force à lui faire face :
— Je suis pénisopyge, me déclare-t-il. Es-tu stéatopyge ?
— Plaît-il ?
— Tu es de race stéatopyge si, et seulement si, le périmètre horizontal de ton postérieur
dépasse 791 millimètres. La stéatopygie est un caractère racial révélé par Cuvier et Montandon, des naturalistes célèbres et réputés ; il faut connaître ses classiques. Alors, as-tu les fesses assez grosses, oui ou non ?
— Hélas non.
— Moi, en tout cas, j’ai un gros sexe. Et toi ?
— Qui es-tu ?
— Je suis Bambara de Neuilly.
— Bambara ? C’est un prénom indien ?
— Non. Absolument pas. Du tout. Je m’appelle Keita. Le Bambara est un indigène du Mali ; mais le Bambara peut également être généré à l’hôpital américain de Neuilly ; c’est mon cas : je suis né à Neuilly-sur-Seine.
— Soit. Tu es pénisopyge du Mali de Neuilly-sur-Seine ; mais je ne pense pas être de race pénisopyge, ni même stéatopyge.
— Tu n’as pas le nombre de millimètres qu’il faut. Tant pis pour toi.
Il s’en va, l’air méprisant.
Ronchon, je regarde le sol ; la moquette vert pelouse est hypoallergénique : pas le moindre grain de poussière. Sur tous les murs, des miroirs portent cette inscription : Et le Gymnasium créa la forme. Tous les deux mètres, de gros appareils rougeauds, à tube de fer priapique, à poids ou à pression, dégoulinent de sueur.
Au fond de la salle, une animatrice anabolisée est agenouillée devant un appareil à gonfler les dorsaux au millimètre près. Elle cambre les reins pour atteindre le long tube métallique au centre de l’appareil pénisopyge, et y passe un coup d’éponge, avec application. L’opération terminée, elle se relève en soupirant, et s’en va frotter l’appareil voisin.
Plus loin, un Arabe gris cendré, à Bandana et survêtement de sudation, fait du body-trainer, en téléphonant :
— Non. Pas un siamois ! Un singapora. (L’homme s’éponge les yeux et décolle quelques mèches gluantes de son front.) Je veux un singapora. (Il tousse d’épuisement.) C’est… c’est quand même moins commun. Oui ma chérie, c’est un chat de type asiatique.
Il consulte son tableau de bord :
— Merde… j’ai brûlé que 42 calories. Quoi ? Mais non ma chérie ! Le singapora est une race félinidée découverte par les Américains dans les égouts de Singapour ; un pur-sang de race hyperpure, oui.
Derrière le body-trainer, un Blanc, gris cendré comme l’Arabe, vagit sous le poids des haltères ; ses biceps sont tendus, veineux, trop pleins. Face à lui, une demoiselle olivâtre tente douloureusement de résister à une grosse sangle en caoutchouc, poisseuse, sadique ; elle sanglote, hoquette, éructe. Plus loin, un Tamoul chocolat fortifie sa circulation sanguine en haletant. Plus loin encore, un Blanc laiteux crache son stress en poussant un râle.
Un autre… encore un autre… toujours un autre… toujours l’altérité…
Ils m’encerclent. C’est un piège. Ils dégoulinent de partout, comme des chaussettes mal essorées, tout autour de moi. Ils puent de dedans et de dehors, comme des chaussettes mal lavées, tout autour de moi. Moi, je ne pue pas : je suis une chaussette propre.
Ils vont payer.
Je pousse un soupir d’agacement, remarquablement sonore. Personne ne l’entend : mon souffle est couvert par leurs mugissements.
Ma serviette sera peut-être à la hauteur. Rien ne peut rivaliser avec ma serviette. Je la secoue nerveusement, amplement, pour les chasser, eux, ces mouches.
Mais non. Personne ne bronche. J’ai juste réussi à créer un courant d’air assez millimétré pourme renvoyer, en pleine figure, les effluves malodorants d’un petit moustachu, dégoulinant d’un genre de mucus.
C’en est trop.
Je dois les humilier. Tous. Musculocentristes, afrocentristes, européanocentristes. Tous les millimètres. Et mêmes les décimètres, s’il le faut.
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