Je me trouvais dans une carte postale quand, le 17 août dernier, le Gabon fêtait ses soixante ans, soixante ans d’indépendance. Une indépendance de carte postale…
Je ne vais pas vous faire le coup de l’écrivain engagé dans la défense des opprimés, parce que les opprimés devraient se méfier des écrivains qui s’engagent : en général, l’opprimé sert de faire-valoir, ou de marche-pied à l’écrivain, au gourou, ou au pervers narcissique. Mais je pense à mon père, âgé de vingt-six ans et quatre mois en ce temps-là. Formé dans les meilleures écoles françaises, il a rêvé de meilleurs lendemains africains et, comme d’autres jeunes présomptueux de son âge, il a pensé devoir y jouer un rôle.
J’ai la chance de ne pas avoir perdu mon père trop tôt. A la différence d’un Germain Mba, d’un Joseph Redjambé, d’un Omar Blondin Diop, ou d’un Lumumba, il n’est pas mort en prison, n’a pas connu le poison, ou disparu corps et biens dans de l’acide. La prison, il l’a goûtée à un âge avancé, et ses rêves l’ont tué à petit feu parce qu’il n’a pas voulu y renoncer.
Aujourd’hui pourtant, côté Afrique, nous avons nos dynasties de régnants. Côté France, nous avons notre francophonie. Où sont cantonnés des écrivains étrangers qui écrivent en français…. et des écrivains français qui ont une gueule d’étranger. Mais ça ne dérange presque personne. Et côté Françafrique, nous avons le franc CFA qui se perpétue en prétendant se réformer. Monnaie de singe… Et mon père parti avec le chagrin de voir ses rêves devenus un cauchemar.
Il me laisse un héritage précieux, celui d’être sa fille, cadeau inestimable et partagé. Avec les trafiquants de fromage qui ont fabriqué ma mère, il a sans doute fait un bout de l’écrivain que je suis.
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