OĂč Narcisse est un insoumis, prĂȘchant l’Ă©galitĂ© depuis son piĂ©destal. Toujours en librairie !
Un rayon de soleil traversa une meurtriÚre. Il alla se poser sur les yeux ouverts de Narcisse. Il ne les avait pas fermés depuis des heures, et psalmodiait toujours doucement. Un rai de lumiÚre lui chatouilla la rétine, il détourna le visage vers ses barreaux. Alors il me vit. Il se précipita vers moi et secoua furieusement les barres de métal. Il cria :
â LibĂ©rezâla !
Je me réveillai en sursaut, exultai sous la caresse brûlante de ce regard enfin plongé dans le mien. Il écumait de rage, Narcisse, réclamait ma libération en hurlant.
â Sortezâla de cette prison ! Nul ne doit ĂȘtre accusĂ©, arrĂȘtĂ© ni dĂ©tenu, que dans les cas dĂ©terminĂ©s par la loi et selon les formes quâelle a prescrites !
Il en appelait toujours Ă la Constitution de sa rĂ©publique. Pourtant, je nâĂ©tais pas prisonniĂšre. CâĂ©tait lui. Il me croyait quand mĂȘme dĂ©tenue derriĂšre ses propres barreaux. Câest quâil sâimaginait libre. Absolument libre. FonciĂšrement libre. Dans ses conceptions, les autres seuls pouvaient ĂȘtre enfermĂ©s. Lui, nĂ©cessairement, il Ă©tait libre. Son essence Ă©tait de lâĂȘtre. Comment sinon, auraitâil Ă©tĂ© le libĂ©rateur quâil revendiquait. Un Ă©mancipateur nâest jamais rĂ©duit Ă la dĂ©tention. Il surpasse toujours les esclaves quâil dĂ©livre. Narcisse, victime dâune sĂ©questration ? Narcisse, jouet dâune aliĂ©nation ? Il ne pouvait lâimaginer : libertĂ©, raison, justice et Constitution Ă©taient de son cĂŽtĂ©. Les lois, câĂ©tait Ă lui de les Ă©crire et de les imposer. Aux autres de sây soumettre. La lumiĂšre pour lui. Câest pourquoi, bien quâenchaĂźnĂ©, il pensait que jâĂ©tais la captive. Je le comprenais enfin⊠Narcisse ne sâĂ©tait jamais senti plus supĂ©rieur Ă ses semblables que depuis quâil prĂȘchait leur Ă©galitĂ©. . Cela ne mâempĂȘcha pas de poursuivre mon culte indisâ cutable Ă cet Ă©goĂŻste frĂ©nĂ©tique, dĂ©sormais mon mari devant notre fils Ă venir, devant le Soleil, devant les spectres et les saints. Dans le livre de MichĂ©e aussi, qui mâavait promis cette puissante descendance. Elle me viendrait par lui, qui me regardait de si haut. Lui, qui sâĂ©tait placĂ© auâdessus du peuple pour le dĂ©fendre, ce peuple misĂ©rable. Lui, et son rĂ©publicanisme condescendant.
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