Johann a 15 ans au début de  Zoonomia. 1846, 2 ans avant une révolution, celle qui fera tomber un  roi des Français. Avant on disait roi de France. On pourrait dire  empereur ou président, se trouver en 1830 ou en 2017, ça ne changerait pas grand chose pour Johann, il le sait bien.
Car Johann est un bĂątard, fils des amours accidentelles d’une trieuse de gousses rĂ©unionnaise et d’un aventurier amĂ©ricano-breton. C’Ă©tait du temps de Charles X, dernier roi de France. C’Ă©tait Ă Saint-Denis de la RĂ©union. Naturellement illĂ©gitime, il dĂ©barque Ă Paris Ă 15 ans pour demander des comptes Ă ce pĂšre mythique. Jean-Marie a baroudĂ© dans les Ăźles, bien sĂ»r, et en Afrique, un must en ce 19Ăšme siĂšcle. Johann, dont il ignore l’existence, entend bien se faire connaĂźtre et reconnaĂźtre. Et puis lui piquer sa femme, si c’est possible. Et surtout le surpasser dans l’art de l’aventure et de l’exploration : c’est dĂ©cidĂ©, il sera le premier homme blanc Ă rencontrer le gorille. C’est comme ça qu’on dit.
ProblĂšme n°1 :  Johann nâest pas blanc. Heureusement, ça ne se voit pas trop, du moins au dĂ©but.
ProblĂšme n°2 : sa belle-mĂšre n’en veut pas comme amant. Pourtant, comme elle frissonne…
ProblĂšmes n° 3, 4, 5,…, 18, etc : BĂątard, moche, dĂ©sargentĂ©, autodidacte, tout Ă fait pĂ©riphĂ©rique, boiteux quoi.
Et il voudrait entrer dans le cercle cadenassĂ© des aventuriers  ? Faut pas rĂȘver.
Pourtant il rĂȘve, fabrique des mensonges inspirĂ©s pour rĂ©aliser son rĂȘve dâaventures et assouvir sa soif de reconnaissance. A  mesure quâil construit sa lĂ©gende, il dĂ©couvre la gĂ©nĂ©alogie de son pĂšre : des boiteux, et surtout des boiteuses, improbables qui donnent leur nom Ă cette saga.
Car Zoonomia est le premier tome de la Dynastie des Boiteux !
Ce gros… trĂšs gros roman (bon appĂ©tit) est une adaptation libre de la vie de Paul Belloni du Chaillu. Comment vous ne connaissez pas Paul ? Il a pourtant inspirĂ© Tarzan Ă E.R. Burroughs. Il a rĂ©ussi Ă se faire passer pour natif de la Nouvelle-OrlĂ©ans, voire de Paris. On l’a cru descendant d’une lignĂ©e de nobles huguenots rĂ©fugiĂ©s en Louisiane. Sa vie ? Un roman. Mais oui madame, il a menti. Sans ça, il nâaurait  jamais pu explorer le monde, ce serait le monde qui l’aurait explorĂ© : dans les zoos humains, il a choisi le bon cĂŽtĂ© de la cage.
AprÚs le réalisme sobre du « Testament de Nicolas », Bessora retrouve son style foisonnant et délirant. Elle dénonce une fois de plus les absurdités et les injustices avec un humour corrosif. Jubilatoire !