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Bessora

Tendre peau de vache

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Puisqu’il fait encore jour sur moi

février 8, 2016 par Bessora 2 Comments

 

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Donc vous ĂȘtes mort, tranquille enterrĂ© refroidi ouf. Et voilĂ  qu’un des vĂŽtres vous exhume, photographiquement parlant s’entend, mais quand mĂȘme, il trouble votre sommeil sous prĂ©texte que lui ne dort pas.


 

 

De force, vous voilĂ  revenu au jour, par photo interposĂ©e. Sa guerre au temps soi disant gagnĂ©e, le zombifiĂ© installe votre portrait comme un trophĂ©e, sur le plus haut Ă©chelon de sa plus belle Ă©tagĂšre (une boulangĂšre en fer forgĂ©, avec de jolis torsades). Et il se console de votre rĂ©surrection, gloire au papier glacĂ©, un bout de vous en deux dimensions est maintenant juchĂ© lĂ -haut, quarante ans et des poussiĂšres, pas du tout dĂ©cati, les chairs imputrescibles et les pigments photographiques Ă  l’abri d’une pochette en plastique. Alors dĂ©ni : votre tombe lĂ -bas, fariboles et falbala, le deuil n’existe pas.

 

Résurrection par Rafaelino del Garbo, 1510

 

Le soir tombe, et enfin le zombi s’interroge : Ă©taler mon disparu Ă  la vue de ceux qui restent ? Et si mon disparu voulait disparaĂźtre ? S’il prĂ©fĂ©rait la nuit sous la terre, et jaunir en paix dans les albums ?
Oui da, tel est mon vƓu. Mais comment le signifier à un cornichon de descendant.

Une nuit, c’est lui qui m’invoque : mon proche, cher disparu, viens me parler en rĂȘve et me dire la rĂ©ponse Ă  l’insoluble question.

J’essaie de rĂ©pondre. Nuitamment, j’y parviens. J’entre dans son rĂȘve. Mais faute d’entraĂźnement, je n’arrive pas Ă  m’y incarner exactement comme je voudrais. Je surgis en effet onirique, debout Ă  la porte de mon bureau en dĂ©sordre, mais paupiĂšres semi-closes, visage inexpressif : je n’arrive pas Ă  bouger un cil, incapable de dire un mot. Pas d’avis, pas d’opinion, un mort neutre comme un vif helvĂ©tique. Je fais un fantĂŽme pitoyable, j’en conviens.

 

 

Or au petit matin, mon zombi de descendant se souvient de son rĂȘve. Comment interprĂ©ter mon inertie ? M’exposer sur le plus haut grade de sa magnifique Ă©tagĂšre ? Dans une pochette plastique parce qu’il n’a pas de cadre ? Mais qu’il tient quand mĂȘme Ă  protĂ©ger ma mortalitĂ© des UVA-UVB ?

Autre nuit, autre rĂȘve, je fais mieux.
Me voilĂ  souriant, quoiqu’assis sur le lit de mon agonie (la derniĂšre), dans la chambre d’hĂŽpital oĂč je fus si mal soignĂ© (le dernier). Mais ce n’est pas grave, je pardonne aux mĂ©decins, aux infirmiĂšres et au ministĂšre de la santĂ©. Je souris car je suis entourĂ©, les miens m’entourent, et moi qui avais perdu la tĂȘte et les mots, je retrouve la parole et la mĂ©moire, je prononce les prĂ©noms des miens autour de moi rassemblĂ©s, je leur souris, les voilĂ  soulagĂ©s, fin du rĂȘve.

Mais encore une fois, je suis mal compris. Moi je voulais juste dire au revoir et merci, maintenant je m’en vais Ă  la nuit. Or ma descendance zombifiĂ©e se rĂ©veille et se dit Ah, papa va mieux, il veut rester sur mon Ă©tagĂšre.

Forte de cette fausse impression, elle se lĂšve, marche Ă  la cuisine, se prĂ©pare un cafĂ© dĂ©cafĂ©inĂ©, amĂ©liorĂ© d’un chapeau de chantilly saupoudrĂ© de cacao. Or voilĂ  que, passant Ă  cĂŽtĂ© de son Ă©tagĂšre, elle dĂ©couvre ma photo couchĂ©e face contre la tablette. Franchement, pouvais-je envoyer signe plus Ă©vident ? Dans la nuit j’ai fait choir l’image pour marquer ma volontĂ©, oui, je revendique l’oubli. Mais elle ne veut rien entendre. ImpĂ©rieuse, elle redresse la photographie.

Douze jours de suite, je me couche. Douze jours, elle m’oblige Ă  me remettre debout. Et le treiziĂšme, elle va au Monoprix, rayon papeterie, acheter un cadre rigide. De retour chez elle, elle y enferme mon image, et me fixe Ă  son Ă©tagĂšre pour m’interdire la nuit.

En vĂ©ritĂ© je vous le dis, de jour comme de nuit on ne devrait jamais faire d’enfants.

Filed Under: Celle qui partage

Reader Interactions

Comments

  1. Le vrai et seul Bruno says

    février 8, 2016 at 9:28 pm

    Les pensĂ©es de ceux qui nous regardent derriĂšre la fenĂȘtre d’un cadre, nous envahissent, Ă  la nuit tombĂ©e. Ils nous fixent sans nous observer. Ils sont Ă  la fois lĂ  et absents. Ils ne vieillissent plus. Leur image se confond avec celle de l’Ă©ternitĂ©. Lasse, nous sommes, de percevoir un signe ou un mot. Les jours et les nuits se succĂšdent mais ne dĂ©truisent pas le souvenir. JNVSTP

    Répondre
  2. François Prunier says

    février 9, 2016 at 12:55 pm

    Encore s’agit-il d’un usage digne et Ă©mouvant de la photographie. Mais dans certains cas, avec quelques petits montages pernicieux…

    Répondre

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