Je l’ai rencontrée à Naples, vers 1629. Elle venait d’arriver dans Parthénope, sur la requête de son vice-roi, le Duc d’Alcaline.
Moi, j’arrivais de Facebook, dont, suite à une plainte fallacieuse déposée par mon ami n° 3234, je venais d’être expulsée.
Bannie de la cité virtuelle à la cotation boursière incertaine, je m’étais retrouvée dans l’atelier d’Artémisia, au rez-de-chaussée d’un palais aristocratique. Elle y peignait, à l’aide de ses nombreux apprentis, la Naissance de Saint-Jean Baptiste.
Je m’apprêtais à m’excuser de mon intrusion, quand j’aperçus un calendrier romain accroché au mur. Force me fut de constater que nous n’étions plus en 1629, mais, si je sais bien compter, en 1635. Pourtant, je n’étais là que depuis 10 minutes…
Je m’excusai tout de même. Occupés à peindre le coin supérieur gauche de leur toile, Artémisia et ses élèves ne semblaient pas m’entendre. Pourtant, ce que je leur racontais n’avait rien de banal : j’avais été expulsée de Facebook, vers le siècle 17ème .
Quoique ma situation fût remarquable, ils ne me prêtaient toujours aucune attention. Pas même quand je leur annonçai que 53% des Français ( à la louche) étaient satisfaits des violations des droits de l’homme mis en œuvre par François la Tulipe de Hollande.

Bon, déclarai-je, puisqu’on ne m’écoutait pas, puisqu’on me prenait pour une ombre, puisqu’on me méprisait, je m’en allais.
Alors, elle me prit la main… m’écouta.
Un citoyen de Facebook, lui dis-je, l’ami 3234, donc, avait envoyé un mail à contact@facebook.com, pour voter contre moi. Tout ça parce que j’avais publié, sur mon mur, une ôde aux California rolls.
Je fus accusée de faire l’apologie du multiculturalisme.
A cause de cet homme, dont j’avais soi-disant violé les droits (et alors ?), j’avais été chassée de Linked in, Badoo, Twitter, Google, Ebay et Paypal, Swisscommunity.org et Bluenity, le réseau social des voyageurs d’Air France qui ont la carte flying blue sur eux mais pas de bombes.
Exclue de ces sociétés démocratiques, atteinte au plus profond de mon droit de l’homme (moi aussi, j’en ai !), j’avais pensé m’enfoncer une lame dans le sein gauche… et m’y percer le coeur.

La persécution dont j’avais été victime, je crois, la toucha :
Moi aussi, murmura-t-elle, j’ai subi l’injustice. Sept fois, j’ai été violée par un ami de mon père. Il n’a pas respecté mes droits d’homme. J’ai affronté avec courage le procès éprouvant qui s’en est suivi. Comment s’appelle ton tourmenteur ?
Bombois de Wilhelm Uhde 1924 de Maillol, lui dis-je.

Nous partîmes en direction de l’année 1639, où se trouvait Londres.
Pour l’agrément, nous avons pris trois toiles dans nos bagages : Vierge à l’enfant et au rosaire, qu’Artémisia n’avait pas encore peinte, mais tant pis. Judith égorgeant Holopherne, parce que c’est bien fait pour sa gueule, et Yaël et Sisera, car il faut, pour libérer Israël, enfoncer un clou dans la tempe du général Sisera.
A Londres, nous avons pris le thé avec les grandes-duchesses Christine de Lorraine, Marie Madeleine d’Autriche et Lady Gaga. Officieusement, bien sûr, car tout le monde croyait Lady Gaga en voyage dans Twitter.
Nous avons beaucoup parlé, en particulier de l’Union Européenne, un mythe qui avait existé autrefois, et que quelques naïfs prenaient encore pour une réalité ; or l’Europe était une somme de tribus protectionnistes. Sans compter la Suisse, dont les cantons primitifs parlaient d’interdire la double nationalité. En effet, des Jean-Jacques Rousseau et autres Michel Simon s’étaient montré parfaitement déloyaux envers la Suisse : un jour, ils étaient sortis de leurs cantons d’origine, et ils avaient même eu le toupet de mourir en terre étrangère.

Or voilà que la cyclotomique Artémisia s’écrie : «L’Europe, je m’en tamponne, je suis de la tribu romaine, et j’agis comme les Romains !»
Silence de mort… surtout de la part de Lady Gaga.
J’ouvris finalement la bouche, pour affirmer que je n’étais pas moi, tribaliste : européenne convaincue, j’étais aussi afrosepticémique. Artémisia entra dans une colère noire. Elle prit l’un de ses nombreux sabres pour fondre sur moi. A peine sentis-je sa lame se poser sur mon cou, que je me trouvai projetée dans un siècle antérieur.
J’avais eu chaud…
A nouveau exilée, je trouvai, en cette nouvelle ère, un mien ancêtre. Traducteur de grec et chef d’une délégation papale, il achevait la traduction d’un manuscrit signé Martino de León de Moriconde d’Otrante, (frère herboriste et enlumineur, 1327-…), Il Nomme De La Rosa.
De ce que m’apprit ce cousin antérieur, Artémisia mourrait de la peste vers 1654.
Je ne connaissais pas ce peintre (et oui, « ce peintre », encore le machisme insupportable de la langue française… j’aurais pu écrire « cette artiste » mais je voulais signaler au passage ce sale machisme de notre langue rétrograde et qui a de plus la stupidité d’attribuer une connotation sexuelle aux objets, comme aux voitures, aux avions, etc… tout porte à croire que le français est une langue de demeurés).
Magnifque ! Quel coup de pinceau ! Et quelle inspiration torturée…
Toi aussi, tu as un joli coup de plume, mais ça je le savais déjà. Poésie, humour, imagination débridée et déjantée : on trouve dans ce billet numérique (pour ne pas dire ce post) tout ce qui fait ton talent !
Je n’ai pas du tout aimé votre voyage dans le temps ! Enfin…Artémisia et Facebook, c’est un plaisanterie et je dirai même plus, une plaisanterie de mauvais goût.
C’est dommage, Vous auriez pu vous contenter de décrire une artiste, à la rigueur « une dame peintre », mais que vient fait ce réseau social dans cette galère ?
Décidément, je vous comprendrai jamais ! JNVSTP