Leur mĂ©pris pour la Nation sâaffichait dĂ©jĂ dans les journaux tĂ©lĂ©visĂ©s. Rarement sây invitaient-ils, et quand ils daignaient venir câĂ©tait pour des histoires de bombes, de grĂšve gĂ©nĂ©rale, ou de profitation.
Ils prĂ©fĂ©raient faire leurs Ă©missions dans leur coin, sur France Ă, la chaĂźne du ghetto, lĂ oĂč les gens sont de toutes les couleurs, blanc compris et sans quotas. France Ă, c’est comme la banlieue : on n’y met jamais les pieds, on n’y met pas la zapette. A-t-on jamais vu France Ă dans le zapping de Canal Plus ?
Mais ça n’est que justice : car la France, mes amis, vient d’ĂȘtre lĂąchĂ©e par ses fleurons corses et ultramarins.
Je tiens cette information dâune source incontestable : lâĂ©ducation nationale. Jâai mĂȘme des preuves que je publie ici, au risque dâĂȘtre convoquĂ©e par la directrice et l’ inspecteur.
Adieu filles des Ăźles, Adieu ile de beautĂ©…
Adieu Saint-Pierre ! Au revoir Miquelon ! Et bien le bonjour Ă la NoumĂ©a pacifique…
Voilà donc une France esseulée, enfermée dans un hexagone à peu prÚs régulier.
Comment voulez-vous que, ceints par les six cĂŽtĂ©s d’un polygone, les Français pratiquent sereinement des langues Ă©trangĂšres ?
La France est seule ! Voyez, le reste du monde est porté disparu.
LâocĂ©an Atlantique lui-mĂȘme sâest presquâentiĂšrement Ă©vaporĂ©, la MĂ©diterranĂ©e a Ă©garĂ© ses cĂŽtes africaines, l’Italie a perdu sa botte (dans lâAdriatique ?), la Suisse a Ă©tĂ© rĂ©pudiĂ©e par sa partie germanophone, lâAllemagne⊠rĂ©duite Ă peau de chagrin (pourtant la guerre est finie, nom de Dieu !).
Et la Belgique ? Inutile dâen parler.
Les Pays-Bas, eux, nâexistent plus, la mer du nord nâest plus quâun petit estuaire, lâEspagne a liquidĂ© Valladolid et ses controverses.
La Grande Bretagne… privĂ©e de Londres, et de l’appel du 18 juin⊠Ne reste Ă lâAngleterre quâune misĂ©rable bande de terre sudiste.
Entre nous, câest bien fait pour eux.
Car vous savez, jâespĂšre !, quâils nous ont volĂ© lâAmĂ©rique en 1763 ?
Nous avions accompli, sur le nouveau continent, lâĆuvre que paracheva CĂ©sar sur lâEurope. La Nouvelle-France, oui, Ă©tait digne dâun empire romain, jusquâĂ ce que les barbares anglais ne la dĂ©mantĂšlent…
Ils ne nous ont laissé que les Antilles.
Certes, un dénommé Choiseul nous avait eu la Corse et ⊠peuh⊠La Lorraine.
Puis la Savoie sâest jointe Ă nous. AprĂšs lâAfrique Ă©videmment.
Et il ne nous resterait que la Francofaunie ?
Comme si ça ne suffisait pas, voilĂ que la Corse et les Antilles sâenvolent.
Ne reste que l’hexagone…
Non, ce nâest pas une rumeur. Câest lâĂ©ducation nationale qui me l’a rĂ©vĂ©lĂ©. Classe de CM1, 1Ăšre leçon de gĂ©ographie, contrĂŽle vendredi matin. LâĂ©ducation nationale est le messie, elle dĂ©livre la parole, toujours ouverte, de lâĂ©vangile ultra-laĂŻc.
NâempĂȘche, vous imaginez un peu si la France Ă©tait restĂ©e en AmĂ©rique ?
Câest vrai, elle est restĂ©e en Afrique, et on a vu ce que ça avait donnĂ©. Mais si elle avait gardĂ© lâAmĂ©rique !
Obama serait un trappeur canadien.
Luther King travaillerait pour TF1.
Oprah Winfrey ne serait jamais sortie de sa banlieue (ils ne veulent pas sâintĂ©grer).
Et les Latinos seraient nos Arabes.
Si seulement NapolĂ©on n’Ă©tait pas mort en exil…
Les frontiĂšres et la culture, vaste dĂ©bat… On se dit que les frontiĂšres, la patrie, sont des notions trĂšs relatives mais pourtant, d’une frontiĂšre Ă l’autre, on ne vit pas de la mĂȘme façon, on ne voit pas les choses de la mĂȘme maniĂšre. « VĂ©ritĂ© en-deçà des PyrĂ©nĂ©es, erreur au-delà  », notait Pascal…
Les frontiĂšres et la culture, vaste dĂ©bat… On se dit que les frontiĂšres, la patrie, sont des notions trĂšs relatives mais pourtant, d’une frontiĂšre Ă l’autre, on ne vit pas de la mĂȘme façon, on ne voit pas les choses de la mĂȘme maniĂšre. « VĂ©ritĂ© en-deçà des PyrĂ©nĂ©es, erreur au-delà  », notait Pascal…