A 8 ans, je me suis pris une porte en fer dans les dents.
De là, je pense, vient mon intérêt pour l’anatomie. Et aussi ma passion pour le sang : j’ai eu sept transfusions sanguines…
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Je suis né trois mois avant le suicide d’Adolf Hitler, en Pologne. J’ai commencé mes études de médecine à Iéna, la ville que Napoléon a prise aux Prusses. Je n’aimais pas beaucoup l’Allemagne de l’est, moi non plus, alors, après deux ans de prison pour tentative de fuite en Tchécoslovaquie, je me suis vendu à l’Ouest, comme dissident politique.
Une fois mes études terminées, j’ai commencé à oeuvrer à l’Institut d’Anatomie et de Biologie Moléculaire de l’université de Heidelberg.
Je donnais des cours.
En dehors du temps scolaire, les cadavres m’étaient déjà d’une compagnie tout à fait agréable.
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Une année, je suis tombée amoureux d’Angélina. C’était une élève de 1ère année, elle semblait fascinée par mon originalité. J’arrivais en cours avec des seaux remplis de reins et de foies, et je les jetais sur la table, comme des oranges. Angélina me trouvait un peu malsain, mais elle aimait bien ça : elle est ma femme, aujourd’hui. Elle s’occupe de notre petite entreprise.
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Je suis l’inventeur de la sculpture sur cadavre. Le brevet est deposé depuis 1977. Je ne donnerai pas mes secrets, mais en gros, je vous trempe dans un bain d’acétone, puis, une fois que vous êtes asseché et degraissé, je vous regonfle au silicone. Ensuite je vous retire la peau (pas d’inquiétudes, vous ne sentez rien car vous êtes mort), je façonne, et je sèche au gaz, un gaz de ma composition.
Un maccabhée siliconé, c’est 2000 heures de travail.
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Au début, j’oeuvrai pour la science, uniquement. Mais la femme de ménage s’intéressait plus à mon travail que mes savants collègues. Alors j’ai commencé à exposer.
Le monde des corps, à Mannheim en 1988, a drainé 15 millions de spectateurs.
J’ai promené mes sculptures au Japon, en Allemagne, en Corée, dans beaucoup de pays européens, et aussi aux Etats-Unis. La France l’a interdite. Ils sont fous, ces Francais.
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Au début, je n’en avais que deux cents. L’approvisionnement n’est pas facile. J’ai commencé avec un petit atelier en Chine. J’achetais des condamnés à mort. Je payais d’avance, bien sûr.
Parmi mes pièces, il y a mes deux Cavaliers, (l’un est un hommage à Fragonard, que j’aime beaucoup, et l’autre annonce l’Apocalypse), Le joueur d’échec (hommage au canal rachidien), et La nageuse coupée en deux (la série américaine Hannibal s’est inspirée de mon travail, semble-t-il…).
Le cycliste, dont j’ai atrophié les muscles et les os, a lui aussi été l’un de mes premiers succès public.
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Le public est toujours le meilleur juge.
Personnellement, mes préférés sont La femme qui se masturbe sur une balancoire, et Les amants qui copulent. J’ai eu du mal à la réaliser, celle-là.
Oui, mes expos rapportent. Des jaloux me tombent dessus : Doktor Death est un directeur de camp nazi… Doktor Death importe des cadavres russes… Doktor Death vole des corps au Kirghizistan… Mais si je gène, c’est parce que je n’ai pas de tabous.
Mon public me suit. Ça prouve que j’ai raison.
Angélina dirige nos affaires. La moitié de nos bénéfices servent à l’amélioration du procédé, et à l’achat des corps, quand c’est nécessaire.
Parce maintenant, on a des donneurs volontaires. On manque encore un peu d’embryons et de foetus, mais je pense que ça viendra aussi. Tout arrive, vous savez.
C’est juste une question de pédagogie : Angélina développe nos produits dérivés, pour expliquer. Nos crocodiles en peluche, dont on peut extraire les viscères, sont un exemple de ce qu’on peut faire pour initier les enfants aux vertus de la sculpture sur cadavre.
Ne prenez pas cet air dégoûté. Mes expositions apprennent aux vivants comment fonctionne leur corps une fois qu’il est mort. Et, pardon, mais le musée de Virchow, avec ces bouts de corps baignés dans le formol, c’est bien plus effrayant, et bien moins didactique.
Et puis ces beaux professeurs-là, ceux qui me crachent dessus… je ne voudrais pas dire, mais eux aussi font de la thanato-sculpture : je suis bien placé pour le savoir, c’est à moi qu’ils achètent les produits !
Jamais je n’ai eu autant de demandes d’autographes. Des collectionneurs privés s’intéressent à mon travail. Et puis il n’y a jamais eu autant de donneurs volontaires en Europe, et aux Etats-Unis.
J’ai pour ainsi dire une réserve de 134.765 corps : une gloire éternelle, ça vaut mieux qu’un quart d’heure de célébrité, non ?
Mais tous les appelés ne seront pas des élus.
Je préfère les corps jeunes et frais.
Fichtre ! C’est saisissant, à la limite du soutenable. Je ne crois pas que je serais capable de me rendre à une de ces expositions si j’en avais l’occasion. La démarche est un peu inquiétante mais décapante. Pourtant, la censure me paraît injustifiée : on a bien affaire à de l’art, à quelque chose qui n’est pas sans harmonie, à quelque chose qui apporte un regard neuf. S’il fallait voter, je me prononcerais pour. Merci Bessora de m’avoir fait découvrir cette oeuvre dont j’ignorais jusqu’à l’existence.
… pas convaincue de la valeur artistique du truc… ni scientifique ou pédagogique, d’ailleurs ! M’évoque les zoos humains du 19ème.
Fichtre ! C’est saisissant, à la limite du soutenable. Je ne crois pas que je serais capable de me rendre à une de ces expositions si j’en avais l’occasion. La démarche est un peu inquiétante mais décapante. Pourtant, la censure me paraît injustifiée : on a bien affaire à de l’art, à quelque chose qui n’est pas sans harmonie, à quelque chose qui apporte un regard neuf. S’il fallait voter, je me prononcerais pour. Merci Bessora de m’avoir fait découvrir cette oeuvre dont j’ignorais jusqu’à l’existence.
… pas convaincue de la valeur artistique du truc… ni scientifique ou pédagogique, d’ailleurs ! M’évoque les zoos humains du 19ème.
Ce qui manque, c’est l’âme. Quand tu regardes les corps en train de jouer du saxophone, de faire de la danse moderne ou de s’enlacer, il manque quelque chose d’important. Je trouve que c’est une exposition intéressante pour montrer à quel point notre force abstraite est vitale. Elle colore notre vie.
Ce qui manque, c’est l’âme. Quand tu regardes les corps en train de jouer du saxophone, de faire de la danse moderne ou de s’enlacer, il manque quelque chose d’important. Je trouve que c’est une exposition intéressante pour montrer à quel point notre force abstraite est vitale. Elle colore notre vie.
J’aime les humains….à la découpe !
JNVSTP
J’aime les humains….à la découpe !
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