J’emballe mes effets personnels, prenant soin de ne pas abîmer mes lingots. Je les dissimule dans un grand sac à dos, puis cherche sur le net un vol pour une destination clémente.
Mon peuple veut ma peau depuis hier au soir. Avant-hier, il m’adulait. Vile engeance…
Fuir au Canada ? Trop froid.
Le Zimbabwé ? trop éloigné.
La France. J’y suis déjà.
La Floride ? Corsair a ouvert une ligne Orly-Miami très bon marché. Aller simple, je vous prie, prenez ma carte de crédit.
Ciel ils ont bloqué ma carte ! Pour une histoire de lingots ?
Les airs me rejettent. Je partirai par les terres. Je prendrai les souterrains. La nuit couvrira ma fuite !
Le dos chargé de mon or en barres, j’arrive dans les caves, et creuse à main nue la terre battue.
Les souris me cèdent la passage, les cafards s’enfuient, le silence est d’or. Mon tunnel progresse sous la terre, mes lingots et moi avançons vers notre rédemption.
Soudain, des bruits de pas. Ils s’approchent, se précisent, s’arrêtent…
C’est un homme roux, terré dans une minuscule galerie. Dans son dos, un sac déborde de photocopies.
Bonjour, me dit-il, je suis plagiaire. Je fuis des putes qui jouent les vierges farouches.
Bonjour, monsieur, je suis dictatrice en fuite. Qu’avez-vous fait à vos fausses pucelles ?
Je leur ai donné le sexe d’Hemingway dans un livre.
Connais pas ce monsieur…
Mes détracteurs non plus ! Et les plus virulents m’ont autrefois servi la soupe.
Moi, monsieur, je châtiai mon peuple avec amour. Me voilà bien récompensée.
Et je laisse le plagiaire à sa fuite.
Quelques poignées de terre plus loin, j’entends des pleurs. Encore trois mètres et je piétine un homme. Sec comme une momie égyptienne, il est couché à terre. Un linceul blanc l’enveloppe.
De toute évidence, il est mort. Il pleure quand même.
Il est trop tard pour pleurer, lui dis-je. Vous êtes trépassé.
Bonjour, me répond-il. Je suis biographe. Mort, peut-être ! Mais je suis encore protégé par le code de la propriété intellectuelle. Or le plagiaire roux a pompé le sexe d’Hemingway dans mon livre !
Connais pas ce livre.
Je suis un illustre inconnu. Tout le monde se fout de mon nom. Personne n’a jamais daigné me lire. Maintenant on se sert de moi pour abattre le sinistre plagiaire ! Mes pseudo-défenseurs auront tôt fait de m’oublier. Tout ça parce que le plagiaire est plus connu que moi.
Il ne fallait pas écrire la biographie d’Hemingway, monsieur : il semble trop connu pour vous.
Oh…
A ce moment passe un ministre. Pour sa part, il fuit des ragots. Lui, je le connais. Je le prends à témoin et le cite en exemple.
Voyez, dis-je au biographe plagié, cet homme est ministre de la culture. Croyez-vous qu’il soit pour autant votre ami ? Il est l’ami de Ben Ali, de Polanski, mais pas des Auteurs Anonymes. Il faut savoir, monsieur, se borner à sa caste.
Ah…
Arrive alors une licorne en fuite. Elle prétend passer là par hasard.
Protégeons nos colonies ! psalmodie-t-elle.
Sa litanie tuniso-ivoirienne sonne comme une incantation. Car soudain une femme vêtue d’un bonnet phrygien sort de terre.
Elle porte une pince à linge sur le nez.
Pfuiii ! fait-elle. ça puire par ici !
Elle s’appelle Marianne, et, avisant les lingots qui débordent de mon sac, se propose de me conduire à l’exil le plus proche.
Je l’invite à passer devant, mais elle préfère rester derrière, d’où, dit-elle, elle me donnera des directives. Le coeur battant, je suis ses ordres, et progresse vers la liberté.
Bientôt elle m’indique qu’il est temps de creuser vers le haut. Alors que mon énergie se concentre dans ma libération, et qu’enfin la lumière perce dans le tunnel, Marianne m’arrache mon sac à dos, et s’enfuit avec mes lingots.
Marianne ! Reviens ! C’est juste du chocolat !
Je sais, bigleuse ! Mais c’est du Milka !
Délestée de mes trésors, je regarde la lumière qui m’aveugle. En quelle terre vais-je débarquer ? La gorge serrée, je me hisse vers le jour.
Et je me retrouve sur un quai de métro, Porte de Versailles.
Déjà, un bataillon de contrôleur me donne la chasse.
Etait il important de se couper les cheveux en quatre pour raconter la fuite de Mme Ben Ali ?
Etait il important de se couper les cheveux en quatre pour raconter la fuite de Mme Ben Ali ?
Au fait…..JNVSP !
Au fait…..JNVSP !
Et moi je vous remercie pour votre dernière fuite
Et moi je vous remercie pour votre dernière fuite
Ca s’appelle de la littérature, cher monsieur.
Jamais un coiffeur ne vous coupera les cheveux en quatre comme ça…
Aller, d’un château l’autre, Cendrillon !
Ca s’appelle de la littérature, cher monsieur.
Jamais un coiffeur ne vous coupera les cheveux en quatre comme ça…
Aller, d’un château l’autre, Cendrillon !
Eh ho ! Les commentateurs, les commentatrices, on s’réveille, merde, il est bientôt 17 heures, qu’est-ce que vous foutez ! J’voudrais bien m’amuser avec vos délires avant l’heure de sortie du bureau, moué ! Alors, sortez de vos tombeaux ! De l’air, on ventile ! Les relents de pourriture se mélangeront avec ceux de la surface, hummmm la bonne odeur de décomposition !
Eh ho ! Les commentateurs, les commentatrices, on s’réveille, merde, il est bientôt 17 heures, qu’est-ce que vous foutez ! J’voudrais bien m’amuser avec vos délires avant l’heure de sortie du bureau, moué ! Alors, sortez de vos tombeaux ! De l’air, on ventile ! Les relents de pourriture se mélangeront avec ceux de la surface, hummmm la bonne odeur de décomposition !