Devine qui vient danser le Watusi ?

Un zébu, issu de la diversité, rencontre un  boeuf égaré au Burundi.
De leur union précaire nait  un bovin à cornes blanches et à muselière bleue.

On l’appelle  Watusi, il vit près de Kigali.

La bête porte une robe blanche tachetée de rouge acajou (ou l’inverse ?). En tout cas, cette vêture  de poils   inspire les Etats-Unis, qui inventent le nouveau Watusi que voici : San Francisco, un soir avant dîner. Larry, un livreur de zébu,  et Dorothy, une aide de cuisine possiblement tusti, dansent le Watusi dans l’entrée  d’une grande résidence.

Cependant deux hommes discutent sur la terrasse. Devine un peu qui vient dîner ce soir ? Il s’appelle John, il convoite Joanna, alias Joey.  Mais le père de Joanna n’est pas chaud chaud bouillant s’agissant du mariage. Pourtant, John a un avis sur le Watusi. Et Joanna envisage un futur président  pour les Etats-Unis.

Un secrétaire d’état ? Allons John, tu manques un peu d’ambition. Heureusement qu’il y a Joanna.

John et Joanna se sont rencontrés à Hawai, quelque part dans l’année 1967, quelques temps avant le début du film.  Sur une plage d’Honolulu, ils  croisent un petit basané d’une demi-douzaine d’années.  Barack n’a plus de père.  Le Kényan s’est déjà barré. Joanna regarde le garçon s’ébattre dans les vagues. Tous mes enfants, rêve-t-elle, seront président des Etats-Unis.

Un peu plus avant, dans la pellicule, on a deviné, oui, qui venait dîner ce soir.

Les bonnes gens seront scandalisées,  offensées, épouvantées. Mais elles iront se faire foutre en effet. Car Joanna et John se marieront après le film.

Le tournage est bouclé. Spencer Tracy meurt en été.  Sydney retourne à Poitier. Katharine revient à  Hepburn. De temps en temps, elle rend visite à sa nièce, qui jouait sa fille dans le film.
Décembre 1967,  un Noir et une Blanche se marient en la ville de Genève.  Devine qui vient dîner sort au cinéma.  Et dans la vie, Sydney Poitier cherche un amour de cinéma.
Il le trouve un beau jour, au Canada.
Elle s’appelle Joanna.  Elle ne sort pas du film, et pourtant elle est là.
De cette union cinématographique naît un Watusi à robe lamé or et boucles d’oreilles en diamant (ou l’inverse ?).

Et l’Amérique s’éveille avec  un  Watusi  président.
Alors, monsieur Tracy. Scandalisés,  offensés, épouvantés, les bonnes gens ?
Point du tout.
Il y a mieux, cher Spencer,  que le scandale, l’épouvante et l’offense.
Il y a le déni.
Faire comme si  John et Joanna ne s’étaient  jamais unis : non, les petits Watusis, ça n’existe pas. Les bonnes gens oublient qu’Obama est demi-blanc pour mieux le penser  noir et musulman. Ennemi, pour certains, des Blancs catholiques.

Qu’est-ce que vous racontez, Mme Hepburn ?  Vous auriez  reçu le golden globe de la meilleure actrice pour ce film ? Vous en auriez partagé l’affiche avec votre mari mourant et votre nièce bienaimée?
Cessez de raconter des histoires,  Katharine : ce film n’existe pas. Les Watusis et leurs robes blanches mêlées d’acajou,  c’est pour demain, s’il vous plaît. Pas maintenant, par pitié, et surtout pas avant-hier !