Quatre ans déjà que cette saloperie m’a contrainte à prendre neuf avions en quinze jours. Et un bateau.
Quatre Boeings d’Ethiopian Airlines, agrémentés d’Hélène Rolles pour le premier vol aller, et de Jean-Christophe Rufin pour le second vol retour, deux Boeings d’Air France, sans agréments, deux avions à hélices de Nationale Régionale Transport, équipés de pilotes sud-africains, un aéroplane non identifié d’Allegiance (je crois que c’était un Boeing, ma foi), et aussi le ferry de la SONAGA, société de navigation gabonaise.
.
Grâce Ă ces neufs avions et ce seul bateau, j’ai pu faire deux visites Ă mon père. Je lui ai rendu les hommages les plus intimes possibles, malgrĂ© la publicitĂ© de ses funĂ©railles.
Papa, toi-mĂŞme tu sais.
Bon.
Tourner la page.
Ces nombreux déplacements m’ont amenée à prendre trois bonnes résolutions.
1. Ne jamais prendre le bateau entre Libreville et Port-Gentil, surtout en cas de tempête. On s’imagine plus à l’abri dans un bateau que dans un avion. On se fourvoie. Dans un bateau, ça remue beaucoup plus, on vomit d’autant mieux. Et rien ne sert de s’échapper s’il se retourne. Les vagues librevilloises ne vous épargneront pas. Que les plus téméraires prennent donc, avant d’opter pour le bateau, conseil auprès des rescapés du Joola.
2. Eviter la ligne Addis Abeba-Libreville en haute saison de pèlerinage Ă la Mecque. Cet itinĂ©raire revient deux fois moins cher que le vol Air France, mais les salles d’embarquement Ă©thiopiennes sont envahies de faux musulmans gabonais. Nombreux sont les convertis de fraĂ®che date, qui ont au prĂ©alable tentĂ© le catholicisme, ou le clientĂ©lisme politique, et les voilĂ qui revĂŞtent l’habit de l’Islam, comme Angelina Jolie a revĂŞtu celui du bouddhisme. Ils se croient lavĂ©s de tout parce qu’ils sont allĂ©s Ă la Mecque. Mais ces Gabonais dĂ©guisĂ©s pĂŞchent Ă coeur joie : aussi grossier que le franchouillard, ou que le touriste en troupeau s’en revenant d’un pèlerinage Ă Disney World, le Gabonais grimĂ© en musulman vous bouscule dans l’escalator, vous grille la prioritĂ© devant la porte d’embarquement, vous pique votre coffre Ă bagages, vous filme avec sa mini camĂ©ra, vous Ă©ternue au visage, et pue des pieds.
Enfin, ma dernière rĂ©solution, la plus importante, consiste Ă m’intĂ©resser davantage au cinĂ©ma quĂ©becquois. Ne me demandez pas sur quel vol j’ai dĂ©couvert Starbuck, j’ai oubliĂ©. Mais je vous recommande ce film, en particulier quand votre père est mourant. Parce qu’il en de la chance, votre père, lui n’a produit que six enfants. Starbuck, en revanche, a donnĂ© son sperme plus de cinq cents fois.
Alors tu vois papa, il y avait peut-être trop de monde près de ton cercueil pour que tes proches puissent se recueillir. Mais imagine qu’en plus de toutes ces délégations officielles, venues te couvrir des couronnes de fleurs artificielles, tu aies eu 533 enfants ?
Toi-mĂŞme tu sais.
Bon.
Tourner la page.
François Prunier says
« Je ne crois ni en Dieu ni en la mort » as-tu Ă©crit dans l’un de tes inĂ©dits. Je crois, moi, en l’au-delĂ , mais je ne sais pas si l’on y accède ou pas après la mort, si elle n’est qu’un passage ou vraiment la fin. Mais ça me touche, ce que tu Ă©cris chaque annĂ©e sur ton papa. Et s’il est encore lĂ d’une manière ou d’une autre, tes paroles et l’amour que tu as pour lui doivent lui aller droit au coeur.