Qui suis-je ? Selon les bons mots de Wally Badarou, je suis une façon élégante, en toute époque adaptable, de permettre à tout un chacun de copier des oeuvres pour son usage privé, sans devoir en demander l’autorisation à chaque ayant-droit, moyennant rémunération (allégorique), dont les fabricants de contenants, mécènes avérés, devraient savoir s’acquitter de bon coeur. Qui suis-je ? Je suis la copie privée !
Et puisque, aujourd’hui, l’assemblée nationale oppose écologie et culture, menace la création et les créateurs, j’ai pris ma plume d’auteure et de présidente (SNAC-CPE) pour envoyer le petit mot ci-dessous à Bruno Lemaire.
Monsieur le Ministre,
Ecrivain depuis vingt ans, je suis attachée au droit d’auteur, aux droits des auteurs, et à la liberté de chacun de copier nos œuvres, à titre privé, notamment sur son smartphone ou sa tablette.
La rémunération pour copie privée nous garantit une contrepartie à cet usage. Minime et forfaitaire, elle consiste en une part du prix de ces appareils au moment de leur achat.
Par ce biais, et aucun autre, les entreprises, qui prospèrent largement sur l’exploitation de nos œuvres, contribuent de manière tout à fait symbolique au financement de la création.
La rémunération pour copie privée s’applique aujourd’hui dans la plupart des pays de l’Union européenne. Elle a été initiée et mise en œuvre en France, par la loi Lang du 3 juillet 1985. L’an dernier, ce système, protecteur des œuvres, des auteurs et de la culture, a permis le soutien d’environ 200.000 auteurs, compositeurs, artistes, éditeurs et producteurs, et aussi de tous les secteurs culturels.
En outre, un quart des sommes collectées via ce système est dédié au financement d’actions d’intérêt général : sans la rémunération pour copie privée, un nombre considérable de salons du livre, festivals, salles de spectacle, etc, disparaissent purement et simplement. Ce système a également permis, pendant la crise COVID, de secourir plus de 10.000 créateurs et artistes en détresse.
En janvier dernier, le sénat a adopté la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France. Elle est débattue à l’Assemblée nationale où un amendement exonérant de rémunération pour copie privée les appareils reconditionnés a été adopté.
En quoi la disparition d’actions culturelles et de soutien aux créateurs réduirait-elle l’empreinte environnementale du numérique ?
En effet, si cette disposition était maintenue à l’Assemblée nationale, lors de la séance publique du 10 juin prochain, les métiers de la culture se verraient privés de 30 millions d’euros à échéance immédiate, et cela au bénéfice d’entreprises qui, quoiqu’exploitant nos œuvres, apportent une contribution tout à fait allégorique à la création. Et ceci dans le contexte que chacun connaît pour nos filières.
Bref, compte tenu de la part exponentielle des produits reconditionnés dans le marché dont nous parlons, cette disposition signerait tout simplement l’arrêt de mort de la rémunération pour copie privée. Inconcevable dans un pays qui se prévaut, à juste titre, de son exception culturelle,
Vous l’aurez aussi remarqué, ceux qui défendent avec le plus de véhémence l’exonération votée sont aussi ceux qui combattent, depuis toujours, l’instrument de justice sociale qu’est la rémunération pour copie privée. Mais opposer culture et développement durable n’est-il pas totalement absurde ? Abîmer notre modèle culturel sous couvert de construire un bilan écologique est inacceptable.
Alors que, enfin, se profile la réouverture des lieux culturels, ce mauvais coup sur la copie privée anéantirait les efforts de nos filières pour sortir de 14 mois d’impasse. C’est pourquoi je vous demande de soutenir la suppression de l’article 14 bis B de la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France.
Vous remerciant de votre attention, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à l’assurance de ma haute considération.
Bessora, écrivain, présidente du Conseil Permanent des Ecrivains, présidente du Syndicat National des Auteurs et des Compositeurs
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