Vous connaissez les fiches de la Bibliothèque Nationale de France ?
Non, sans doute. Elles illustrent pourtant le grand écart de nos institutions, entre les belles déclarations de principes universalistes et des… assignations identitaires ?
Ainsi, selon la BNF, institution tout ce qu’il y a de républicain, un écrivain français est de nationalité française s’il est blanc. Sinon, il est de nationalité martiniquaise (ou francophone)

Data.bnf.fr, d’où sont extraites les deux fiches ci-dessus, est une base de données sur les œuvres, les auteurs et les thèmes du catalogue de la Bibliothèque nationale de France. Lancée en 2011, elle nous instruit de ce que Raphaël Confiant, Fabienne Kanor ou Edouard Glissant, quoique de nationalité française, ne sont pas des auteurs français. Patrick Chamoiseau, si. Aimé Césaire, aussi. Ces deux là ont été élevés à la dignité française : le premier a reçu le prix Goncourt en 1992. Le second est cité au Panthéon. Il s’est donc passé, pour eux, ce qui advenait de certains sujets coloniaux : élevés à la qualité d’évolués, il avaient un droit de vote relatif.
La BNF a-t-elle promu Daniel Maximin au titre France ? Non. Lui, c’est la Guadeloupe. Maryse Condé a-t-elle été promue au titre France ? Non. Elle, c’est la Guadeloupe. Lisez aussi la note qui la concerne : » a vécu en Afrique ». C’est vrai… comme Houellebecq, ces auteurs sont nés dans les outre-mer. La BNF a donc élévé Houellebecq à la dignité d’auteur réunionnais. Tiens… Non ? Régionalisme colorisé ?

« A vécu en Afrique », nous informe la BNF concernant Maryse Condé. Mais alors comment nous présente-t-elle, les auteurs multinationaux ? Alors ça dépend. Charlotte Gainsbourg, née à Londres d’une Anglaise et d’un fils d’immigrants russes, dont le père était né en Turquie est bien titrée France. Alain Mabanckou lui, est titré Congo. C’est qu’à la différence de Chamoiseau, il n’a pas encore gagné le Goncourt. Mais si, après sa mort, on le cite au Panthéon, il aura (peut-être), comme Césaire, gagné le statut d’évolué.
Et toi ? me direz-vous. Alors moi, oui, j’ai aussi ma fiche. Je n’y ai pas de titre. Point de note non plus ( cela arrive à des auteurs de toutes les couleurs, blanche comprise).
Mais rassurons-nous, l’assignation identitaire a d’autres lieux… et c’est aussi une injonction de contenu (« Vous n’auriez pas un livre sur l’esclavage ? » « Vous n’êtes pas rescapée du génocide du Rwanda ? » « Vous avez écrit un livre qui s’appelle Cyr@no, vous ? » » Ah bon ? Claire n’est pas noire ? « , etc, etc, etc.)

Pour en revenir à la question de l’universalisme, je vous recommande chaudement les collections « littératures francophones », de la BNF.
Egalement, les très nombreux programmes « littératures francophones », de l’université française (des fois on dit littérature négro-africaine).
Egalement, les rayons « francophones » de nombreuses librairies françaises.
Moi qui, femme métisse, évolue dans ces milieux en noir et blanc depuis une vingtaine d’années, j’en suis arrivée à ce constat, étrange définition : un écrivain francophone, c’est un écrivain étranger qui écrit en français, ou un écrivain français qui a une gueule d’étranger.
Si encore ça ne s’appliquait qu’aux écrivains, et à la littérature. Mais ça marche partout. Et j’ai bien peur, les amis, que malgré de saines indignations, très ponctuelles, le mal soit incurable.
[…] française s’il est blanc. Sinon, il est de nationalité martiniquaise (ou francophone) », relève-t-elle. Bessora tire cette conclusion des notices d’autorité de la Bibliothèque nationale de […]