Invitée à la Rochelle au CIEF un mois de juin , je devais réagir sur le thème Féminitude et Filiation. Je suis arrivée à cette rencontre à court d’inspiration, simplement escortée de mon allergie aux essentialismes, mythes aryens, féminins, négro-africains et compagnie. Et avec une pensée très émue pour Louise, mon arrière-arrière, qui fait la gueule ci-contre
Qu’en penses-tu, Louise chérie? Mocheté adorée, je suis invitée pour évoquer la féminitude, la filiation, les utérus effacés de ma biographie.
Face à l’homme qui lui tire le portrait, Louise tire la gueule. Elle n’y comprend rien et ne sait pas quoi penser. Elle n’a pas fait d’études, Louise, elle ne se la joue pas intello.
Moi je suis formée à la recherche, mais je ne suis pas chercheuse. Je suis auteur, auteure, autrice, comme on voudra, dotée d’un utérus, de deux ovaires, et d’un cerveau que j’ai martyrisé pour coller au cadre académique d’une thèse écrite il y a des années.
Féminitude et filiation. . .
C’est assez loin de ma thèse, de mes romans, de ma Louise moche comme un pou et de ses p’tits Boches beaux comme des Dieux. De mon père aussi, de son père à lui, qui mesurait deux mètres quand il était déplié. De leurs mères, de leurs femmes, de leurs sœurs, effacées par le patrilignage.
Féminitude.
Je ne suis pas douée pour les concepts, qui me glacent comme des cadavres refroidis avant autopsie. Alors j’ai choisi le roman plutôt que la recherche, la littérature comme terrain de jeu, la fiction comme vérité, et parfois je joue au Monopoly.
Féminitude, filiation.
Voilà donc deux mots en f, Louise, comme toi venus se faire tirer le portrait. Ils portent une robe noire et un chapeau à bandeaux pour leur recoller les oreilles. Les mains rigides sont croisées sur leurs habits mortuaires. J’aimerais bien les voir jouer au Monopoly.
Féminitude = (Féminité+Négritude)* filiation² * 3,141618?
Féminitude. Alors bien sûr, Simone de Beauvoir. La référence à placer. Son sexe n°2. Malgré tout le respect qui lui est dû, je dois avouer qu’il m’est tombé des mains. Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Trois fois. À chaque lecture commencée, je me suis endormie. Il paraît que le sexe deuxième de Simone de Beauvoir aurait changé ma vie. Mais je n’ai rien compris.
Bessora, vous avez donc un utérus.
Peut-être.
Peut-être ? Pourquoi peut-être ? Vous n’en avez pas ? Vous. . . n’en avez plus ? Votre utérus vous a-t-il quittée ? Êtes-vous née sans matrice ? Êtes-vous un bébé Thalidomide ?
Pardon, je ne voudrais blesser personne et surtout pas Mme Simone. Mais je suis nulle en féminitude.
Comment votre ovaire droit détermine-t-il votre destin littéraire ?
Pardon, je ne voudrais blesser personne et surtout pas les patriarches féministes. Mais je suis nulle en filiation. Si ça peut vous faire plaisir, je veux bien admettre que mon ovaire droit détermine mon destin littéraire. Mes hormones sont mon encre, j’écris à la plume d’oie.
Écrit-on différemment quand on a ses règles ?
Pardon, mais je suis nulle en réglitude. Mais oui, bien sûr, le flux d’en bas alimente celui d’en haut. Quand j’ai mes règles j’écris en rouge. Mais la quintessence de l’écriture, je pense, viendra après la ménopause. D’ailleurs j’ai déjà une queue à la place du sacrum. Je vous montre ?
Oui mais. . . d’abord. . . une femme écrit-elle comme un homme ?
Non. Les hommes sont d’une planète différente, tous les astrologues s’accordent là-dessus. Les hommes portent la violence en eux. Les événements récents l’ont montré : quel homme n’a pas déjà violé une femme ? Nous les femmes. . . Nous sommes d’un bloc. Nous sommes toutes mères, sans quoi nous ne serions pas femmes. De quoi d’autre parlerions-nous que des femmes qui sont mères ? Les autres n’en sont pas (de la femme).
Oui, mesdames, messieurs, une écriture de femme est toujours reconnaissable : elle porte numéro 5 de Chanel. Ou numéro 2 de Beauvoir.
Bon, maintenant je peux m’autoproclamer porte-parole des femmes qu’on n’entend pas. Leur marcher sur la tête pour me faire valoir. Parler en leur nom. Il paraît que mon utérus me donne la légitimité pour le faire. Et par la mélanine, je serais une ambassadrice africaine, désignée par le nord de l’hémisphère nord.
Ces fables politiques qu’on maquille en vérités définitives.
Mes fables sont ailleurs.
Et ce ne sont que des fables.
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