Ce jourd’hui, à 13h, sont lancés les EGL II, au salon du livre de Paris. Me revient l’honneur délicat d’introduire, avec d’autres membres du Conseil Permanent des Ecrivains, la question du partage de valeur au stand du Centre National du Livre (F 102) … car les auteurs, ces manants, réclament pas moins de 10% de droits sur les ventes de leurs oeuvres… Venez nombreux
La valeur, c’est quoi ?
Pas question pour moi de reprendre mes vieux classeurs d’H.E.C., ni de me replonger dans la définition d’une valeur ajoutée. Ici, elle est plutôt soustraite…
Le prix d’un livre, c’est ce qu’on peut mettre théoriquement pour l’acheter. En théorie, c’est aussi ce qu’il faut pour que celui qui le fabrique puisse en vivre. Ainsi avons-nous une chaîne du Livre que, tel le producteur de cacao ou de café, l’auteur initie, et qui se poursuit en maillons, que sont l’éditeur, le diffuseur, le distributeur, le libraire.
Le tout forme un camembert, ou un gâteau si vous préférez les douceurs, qu’on se partage, sans équité.
Point de label équitable dans le secteur du livre, qui n’est pas celui du cacao, ni celui du café.
Mais à l’image du cultivateur de cacaoyers, du planteur de caféïers, ou du producteur laitier, celui qui créée est en général le plus mal payé. : de 5 à 8% du prix HT dans le secteur jeunesse, autour de 7-8% dans la BD, vers 8% dans le roman. Mais oui mais oui, le secteur du Livre est inégalitaire. Celui qui touche 8% recevra 1,51 centimes pour un livre de 20 euros. Un euro symbolique, quoi, augmenté de 51 centimes, merci.
A ce tarif là, l’auteur devrait vendre 12.000 bouquins par an pour se faire un SMIC et vivre chichement dans sa bergerie du Larzac.
Comme chacun sait, l’auteur dépasse très rarement les 10.000 exemplaires quand il est romancier. Et cela même quand il est inscrit à l’AGESSA (il est alors supposé gagner plus de 900 smics horaires, soit 9027 euros par an). Et cela même lorsqu’il passe à la télévision, à la radio et dans les journaux. Le marché du livre perd de sa valeur chaque année, et les gagnants sont de moins en moins nombreux.
La question pour l’auteur de romans, qui a le meilleur taux mais le volume le plus faible, n’est pas alors de vivre de son métier : il est rentier, ou en couple, pratique peut-être le triolisme, ou il fait trois métiers, dont l’élevage de ses enfants. Mais le minimum qu’il requiert, c’est d’être, comme l’agriculteur, le caféïculteur et cacaowoman, payé décemment : 10% minimum. Pour tous.
La valeur, ce n’est pas quoi ?
Cet euro symbolique, augmenté de 51 centimes que touche l’auteur sur son livre de 20 euros, c’est une rémunération proportionnelle. Or avant et après la mise du livre sur le marché, il existe un certains nombre de temps, qui ne sont pas valorisés.
Le temps passé à se documenter, par exemple sur les gestes du Kung-Fu, sur la culture du tabac Maryland au 17ème siècle dans le comté de Baltimore, sur l’endoctrinement d’un gamin de 17 ans parti en Syrie.
Le temps passé à écrire son premier jet. Le temps passé à écrire son deuxième jet. Le temps passé à réécrire, son troisième jet.
Le temps passé à relire et à corriger son manuscrit avant publication.
Le temps passé à courir les rencontres, dédicaces et salons.
Le temps perdu à attendre le badaud ce foutu jour où on signe au coin de la table juste à côté des chiottes.
Le temps consacré à sa formation professionnelle, initiale ou continue : écriture, dramaturgie, communication orale et écrite…
Le temps englouti dans les réseaux sociaux pour diffuser ses dernières aventures éditoriales…
Mais le partage alors ! C’est quoi !
Ces temps s’additionnent jusqu’à dépasser assez largement un temps complet sans RTT. Ils sont parfois rémunérés en partie par les pouvoirs publics, mais tout le monde n’a pas l’a chance d’en bénéficier et il ne faut pas avoir peur de réclamer, ni d’attendre 8 mois avant d’être payé pour une conférence donnée dans tel ou tel salon subventionné. Mais ces temps, qui font vivre le livre, ne sont pas rémunérés par l’éditeur, c’est la loi du marché : pas de réciprocité. Alors 10%… franchement, c’est bien le minimum. Sinon jetez-vous dans les bras des GAFAS… ou lancez-vous dans l’auto- ou la micro-édition !
Mais avant, sachez que certains d’entre nous parviennent à se faire payer au-delà de ce seuil psychologique… Plus un éditeur paie un auteur, plus il a intérêt à le soutenir. Faites-vous donc passer pour l’arrière-arrière petite-nièce de Victor Hugo ou pour le fils caché d’Emmanuel Macron, vous verrez vos taux de rémunération s’envoler !
boccara says
J’adore…..