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Bessora

Tendre peau de vache

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Louise X

octobre 8, 2018 par Bessora 1 Comment


Elle s’appelle Louise, ne sait pas oĂč poser son regard bleu perforant. Robe et chapeau noir, avec un bandeau strict qui lui recolle les oreilles. Pour sa bouche de travers on n’a rien pu faire, en plus elle tire un peu la gueule, c’est peut-ĂȘtre un deuil.

Les mains sont sagement posĂ©es sur la robe austĂšre, voilĂ  qu’on lui tire le portrait. Tout Ă  coup elle entrevoit une espĂšce de spectre. A un siĂšcle et demie de lĂ , son arriĂšre-arriĂšre-petite fille exhume sa photo d’une boite Ă  chaussures et lui dit :
– Putain, qu’est-ce que t’es moche.
  La vision se précise, Louise est un peu sidérée de ce visage qui lui paraßt et qui lui demande :
– C’est quoi ton nom de jeune fille ?
Louise ne répond pas.
Me reste deux choix : fouiner dans les archives du pays de Gex et de Savoie, ou dans le pays de Google.
Le pays de Google est plus facile d’accùs, d’autant que je n’ai pas de voiture.
En route.
Deux clics pour trouver des intĂ©gristes de la gĂ©nĂ©alogie. Ils ont dĂ©jĂ  importĂ© des milliers de milliers d’actes depuis les registres d’état civil. Branches paternelles uniquement. C’est Ă  dire que les femmes n’étant que les filles ou les Ă©pouses, on ne remonte par leur piste, on se fout de leurs mĂšres qui n’ont fait que les Ă©lever, elles et leurs frĂšres. Alors je trouve les frĂšres, tel celui-ci mort Ă  deux mois en 1837, et dont le prĂ©nom s’est perpĂ©tuĂ© sur quatre gĂ©nĂ©rations. Les frĂšres, les maris, les pĂšres des frĂšres et des maris, et les grands-pĂšres, toujours cĂŽtĂ© paternel.
Partie du pays de Gex et de Savoie je prends des dĂ©tours pour remonter l’autre piste, la germanophone, Ă  la recherche d’une grand-mĂšre, d’une arriĂšre, d’une arriĂšre-arriĂšre. Aucune trace. Des hommes seuls.
Ils étaient trafiquants de fromage.
FrappĂ©s du sceau de l’infamie entre 14 et 18. Prison, ruine, et pour finir grippe espagnole.
Ça fait une veuve qui Ă©lĂšve seule quatre enfants, des p’tits Bosch, bandits d’une beautĂ© scandaleuse.
Pas comme Louise.
AĂŻeule chĂ©rie qu’est-ce que t’es moche.
Mais nulle trace de toi et de la veuve héroïque dans les archives numériques.
Pas une coupure de presse, avis mortuaire compris.
C’est un voile qu’on jette sur nos mĂšres. Le mĂȘme qu’on veut enlever aux femmes musulmanes. Ce n’est pas leur soumission  qui nous dĂ©range. C’est qu’elles ne se soumettent pas Ă  notre volontĂ©. C’est qu’elles nous rĂ©sistent. C’est qu’elles ne plient pas.
Tu n'as pas la gueule d'une femme qui plie, Louise. J'aime bien ta sale gueule. 

Filed Under: Celle qui partage, Celle qui tranche, Uncategorized

Reader Interactions

Comments

  1. René Sulic, inspecteur à la Sûreté de Fribourg says

    novembre 27, 2018 at 2:13 pm

    Les yeux bleus, voire transparents, parlent en faveur d’ une Farouche. Le regard aussi. L’enquĂȘte se dirigerait donc du cĂŽtĂ© du Wildstrubel.
    Mais, dira-t-on, la photo a Ă©tĂ© prise Ă  Nyon. Quand les Farouches ont-ils dĂ©barquĂ© en Suisse romande? Fin XIXe, si l’on se rĂ©fĂšre Ă  la rubrique judiciaire des gazettes de l’Ă©poque.
    Il s’agit donc bien d’une ancĂȘtre venue des Alpes bernoises.
    A mon avis.

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