Je suis Ravi, Ravi B. Bakshi, poĂšte, compositeur et physicien quantique, spĂ©cialiste de la catastrophe ultraviolette. Il sâagit dâune hypothĂšse trop burlesque pour ĂȘtre dĂ©veloppĂ©e ici.
AprĂšs que je me fus mariĂ© Ă une Anglaise, et que jâeus les trois filles que nous avions dĂ©sirĂ©es, une cavitĂ© utĂ©rine sâest substituĂ©e Ă ma glande prostatique.
A lâĂ©chographie, elle mesure neuf centimĂštres de haut pour sept de large et quatre et demie dâĂ©paisseur. Ma matrice a toutes les caractĂ©ristiques dâun utĂ©rus ayant dĂ©jĂ enfantĂ©, et porte deux fibromes sous-muqueux et interstitiels.
Cette catastrophe hormonale a été diagnostiquée tout récemment.
Mes testicules, jâavais bien senti quâils sâĂ©taient rĂ©tractĂ©s. Il semblerait, toujours dâaprĂšs mon Ă©chographie, quâils soient remontĂ©s dans mon abdomen, oĂč ils se sont convertis en ovaires.
Mon pĂ©nis aussi, oui, il sâĂ©tait considĂ©rablement raccourci, au fil des annĂ©es. Il sâest ramenĂ© aux dimensions dâun clitoris. Maintenant, je comprends pourquoi. Je mâen suis inquiĂ©tĂ©. Ma femme, elle, sâen est rĂ©jouie ( elle a toujours eu un trĂšs gros clitounet).

Bien sĂ»r, notre vie sexuelle a Ă©voluĂ©, depuis la catastrophe hormonale. Tout comme la physique classique a dĂ», en son temps, sâadapter aux aberrations de la catastrophe ultraviolette : bref, nous nous adonnons Ă un lesbianisme hĂ©tĂ©rosexuel.
Non, je nâai pas rĂ©ellement souffert de ma mĂ©tamorphose.
Mes rÚgles sont brÚves et réguliÚres, peu douloureuses. Mon fibrome ne mesure que 28 mm, il ne saigne pas.
Mon pĂ©nis ne me manque pas, non. Il mâa toujours un peu encombrĂ©.
Sinon, jâĂ©tais dĂ©jĂ imberbe. Ma voix, certes, est dĂ©sormais un peu aigĂŒe Ă mon goĂ»t. Jâavoue quâelle  me gĂȘne parfois : une voix grave en impose toujours plus au tĂ©lĂ©phone.

Bref, dâun point de vue physiologique, la catastrophe hormonale ne prĂ©sente pas dâinconvĂ©nients majeurs. Y a qu’Ă voir Caster Semenya. Maintenant, du point de vue sociologiqueâŠÂ bon allez… je passe sur la diminution de mon salaire depuis que mon changement de sexe a Ă©tĂ© officialisĂ© Ă lâĂ©tat civil.
Oh⊠Jâavais dĂ©jĂ connu les affres de la sĂ©grĂ©gation. Car je suis nĂ© dans la caste des Brahmane Pir Ali. Câest une dĂ©jection de la sociĂ©tĂ© hindoue, depuis que le grand vizir Ali Pir, mon ancĂȘtre, sâest converti Ă lâislam avec ses deux frĂšres. Il Ă©tait grand vizir et devint vulgaire Mohamed.
JâĂ©tais physicien enturbannĂ© et me voici femme voilĂ©e.
Je porte le voile en signe  de rĂ©sistance Ă lâorthodoxie masculine, et hindoue.
Pourtant, des misogynes islamophobes prĂ©tendent mâen libĂ©rer.
Ne vous imaginez pas que je crois aux Dieux des livres, des chants, ou des républiques.
Je conçois plus volontiers un Absolu, dont lâexistence me semble rĂ©vĂ©lĂ©e par les aspects extraordinaires de la matiĂšre. Cela dit, je ne suis pas sĂ»r(e) que cet(te) Etre suprĂȘme soit nĂ©cessairement bien disposĂ© Ă notre Ă©gard. Peut-ĂȘtre sommes-nous du bĂ©tail Ă Ses yeux. De la boustifaille dont Il-Elle se nourrit. Peut-ĂȘtre suis-je le jouet de ses expĂ©riences ?
Au bout du compte, lâespace et le temps ne sont-ils pas quâun mode de notre sensibilité ?
Peut-ĂȘtre existĂ©-je encore comme homme, dans un univers parallĂšle.  Peut-ĂȘtre suis-je dans une superposition des Ă©tats homme et femme. Comme le chat de Schrödinger, mort et vif Ă la fois.
Issu dâune sous-caste, je ne suis pas dâun naturel optimiste, vous lâaurez compris.
Mais cet utĂ©rus, câest une bĂ©nĂ©diction de lâEsprit quantique.
Car ce dont jâai le plus souffert, je crois, câest dâavoir Ă©tĂ© un homme. La plupart  des hommes que je connais sâennuient. Car on leur prĂȘte, a priori, toutes les qualitĂ©s. Alors ils nâen trouvent aucune Ă conquĂ©rir. Moi, je passe mon temps Ă me battre contre ceux qui veulent me soumettre. Et contre celles qui veulent mâĂ©manciper.
Jâaimerai bien, oui, Ă©crire le monologue de mon vagin quantique. Ăa ferait une jolie histoire dâhormones ultraviolettes.