Je fais souvent ce rĂȘve Ă©trange et pĂ©nĂ©trant, dâune belle Ăąme inconnue, et que j’aime sur Facebook, et qui me suit sur Twitter, et qui n’est, chaque fois, ni tout Ă fait sur le mĂȘme rĂ©seau social, ni tout Ă fait sur un autre. Virtuelle, elle rĂ©pand ses vertus et son amour du monde dans sa vaste amplitude. Buvons ses belles paroles, elles sont le sang du pape.
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« Un torchon Ă la une du Nouvel Obs cette semaine. Je ne mây commettrai pas. »
Au dĂ©but, je nâai pas osĂ© rĂ©agir au dĂ©ploiement de cette pensĂ©e (statut facebookien dâun ami virtuel). Car je nâai jamais feuilletĂ© le Nouvel Obs ailleurs que chez mon gynĂ©cologue.
AprĂšs moult hĂ©sitations, jâai pris mon courage Ă deux mains : il faut bien avoir une vie sociale, et statutaire, sur Facebook. Alors, quoiqu’ignorant de quoi l’on parlait, je me suis targuĂ©e dâun commentaire intelligent, expression de mon dĂ©sir dâintĂ©gration aux communautĂ©s des belles Ăąmes virtuelles, et savantes, ici gens de gauche Ă principes, mais pas trop (ils paient leurs femmes de mĂ©nage au noir).Alors j’Ă©cris :
« Madame, mademoiselle, monsieur, bonjour. Je mâappelle Hermenondine, suis ermite, et ne suis abonnĂ©e quâau journal de Mickey. Quelle est donc cette une dont vous parlez ? Dites-moi, ça mâintĂ©resse. »
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Hélas, mon brillant propos se dilue dans un déferlement de commentaires vertueux, immédiatement postés sous mon intervention :
« Marre aussi du Point et de lâExpress qui multiplient les Unes racoleuses. Des Ă©gouts. Ăa me dĂ©becte. », dixit une certaine Ludivine.
Et moi qui nâai jamais lu lâExpress ou le Point ailleurs que chez mon endocrinologue. Mais au moins, je sais quâils existent : mon cas nâest pas tout Ă fait dĂ©sespĂ©rĂ©. Bon sang, comment mâintroduire dans cette intĂ©ressante discussion sur Facebook ?
Dix commentateurs, plus inspirés que moi me devancent :
« Scandaleux. Les bonnes feuilles que publient lâObs sont Ă©coeurantes.
Oui. Lâauteur du livre dont on fait la promotion, lâObs nâa donc rien dâautre Ă pondre que des confessions de caniveau ?
Dâaccord avec Ludivine. Et qui a lu le papier dans Libé ?
Jâai honte. »
Moi aussi, jâai honte : non seulement je ne pratique pas LibĂ© plus que lâObs ou que lâHuma (nitĂ©, paraĂźt-il),  mais il y a dans ce dĂ©bat de bobos tant dâintelligence concentrĂ©e, tant de vivacitĂ© dâesprit, que je m’inhibe. Pourtant, comme je voudrais mâasseoir auprĂšs dâeux, sous le baobab Ă palabres, moi aussi.
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Mais pas dâidĂ©e fulgurante. Et de nouvelles belles Ăąmes de pousser le ragot, pardon, le raisonnement, encore plus loin :
« Comment, pour des raisons mercantiles, le Nouvel Observateur a-t-il pu descendre aussi bas dans lâabjection ?
 Caniveau, rien dâautre.
 Immonde, oui.
Franchement, est-ce quâil nây a rien dâautre dâintĂ©ressant dans le monde ? »
Jâignore toujours de quoi on jacasse, mais enfin une idĂ©e me vient. La pondre de suite, illico avant que quelquâun ne me la pique ! Pour eux seuls les moiteurs de mon front blĂȘme (Verlaine) :
« Madame, mademoiselle, monsieur, bonjour. Je mâappelle Hermenondine, suis toujours ermite. Sâil nây a rien dâautre dâintĂ©ressant dans le monde ? Jâai lâhonneur de vous annoncer que oui. »
Je nâai pas encore fini mon intervention que la dissertation collective avance encore :
« Je dĂ©teste cette conne (l’auteure dont il est question), pas du tout vĂ©nale, hein, nan nan nan. Jâai des nausĂ©es depuis ce matin. Vraiment, il nây a rien dâautre dâintĂ©ressant dans le monde ?
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« Madame, mademoiselle, monsieur, bonjour. Oui, il y a dâautres choses intĂ©ressantes dans le monde. Tenez, le magnifique documentaire dâAnne Georget sur lâĂ©thique sur Arte etâŠÂ »
Et fausse manip. Nouvelle effusion dâun esprit pur :
 « Lâabjection dans toute sa hideur. Ceci dit,  je nâai pas lu le bouquin. Câest quoi la polĂ©mique ?
 Madame, mademoiselle, monsieur, bonjour. Le Centre d’Ăthique Clinique existe depuis 2002, Ă moitiĂ© des mĂ©decins, Ă moitiĂ© des spĂ©cialistes de sciences humaines (droit, philosophie, sociologie, psychanalyse etc). Il peut ĂȘtre saisi quand une personne hospitalisĂ©e va mourir. Mais que la famille et lâĂ©quipe soignante ne sâaccordent pas sur lâopportunitĂ© des soins. »
Autres invasions sous mon dernier commentaire. On m’ignore :
« Le livre nâest pas sorti alors je ne l’ai pas lu, mais je ne lâaime pas.
Rien que l’idĂ©e me met l’estomac dans la bouche.
Suis-je mal baisĂ©e de penser que c’est de la prostitution intellectuelle ?
Moi, en tout cas,   je ne lui ferai pas de pub mĂȘme si je ne lâai pas lu.
Madame, mademoiselle, monsieur, bonjour. Je ne sais toujours pas de quel vomi et de quels Ă©gouts vous vous dĂ©goutez la prostitution dâĂȘtre mal baisĂ© en communautĂ© virtuellement. Mais. Oui, il y a dâautres choses dans le monde, et mĂȘme Ă Saint-Germain des PrĂ©s. Par exemple, Koulamoutou, capitale de lâOgoouĂ© Lolo. Par ailleurs, avez-vous lu la derniĂšre Ă©nigme de Mickey ? »
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« De toute façon, cette relation avec… aprĂšs lâaffaire et puis celle ! Il faut le vouloir ! Je nâachĂšterai pas son livre. Ce qui se passe dans le vrai monde est plus intĂ©ressant.
 Cher monsieur, oui, en effet, documentez-vous sur les coraux.
Elle et lui ? Qui ça intéresse ? Pas moi.
Et Libé qui fait ses choux gras là dessus.
Je suis déçu du Nouvel Obs. OĂč sont passĂ©s nos intellectuels ? »
Je m’interroge : ils sortent tous de lâĂ©cole Alsacienne ou quoi ?
Cher monsieur, je ne connais pas la dame sur qui vous vous dĂ©versez, et le monsieur qui s’est dĂ©versĂ© en elle non plus. Mais le stylo 3d, vous connaissez ? »
Ă rage, ĂŽ dĂ©sespoir, ĂŽ cĂŽte de bĆuf et Facebook ennemis. Pourquoi personne ne rĂ©agit Ă mes rĂ©actions aux rĂ©actions rĂ©actives ? Que le diable les emporte.
Va Ă la fange, hĂ©ros de la pensĂ©e du jour, avale le sperme virtuel de Lui, vomit masquĂ© sur Elle, puisque ça t’enchante, va donc, belle Ăąme autoproclamĂ©e, je suis une sale bĂȘte, mais ne te hais point.
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