Demain la Toussaint. Je rends un hommage particulier à l’un de ces morts, âme damnée qui s’est infiltrée, je le jure, dans les minces tuyaux de ma fibre optique.
L’affaire commence hier. A peine levée ( tôt), je me connecte sur votre blog chéri, pour vous pondre ma bonne humeur. Elle est déjà mauvaise, elle empire : je découvre, enfer et damnation ! que mon blog est hanté ! Un enfoiré d’esprit errant a pénétré mon serveur web pendant la nuit, faisant totalement disparaître et le blog et le site…
C’est ainsi que me fêtent les morts ?
Un exorcisme s’impose.
Crucifix en mains, j’entre dans mon serveur web. De toiles d’araignée l’infestent, il est dévasté… Rendue à l’emplacement de mes fichiers, je m’aperçois qu’ils ont tous disparu !
Ainsi, les morts cambriolent les serveurs distants, nuitamment.
Ô âme damnée, sache que je ne crains pas la faucheuse.
Tout le jour, sans peur et sans reproche, je sonde les voies impénétrables de la fibre optique. Au bout d’une très, très longue séance de désenvoûtement, oui, mes frères, je triomphe du vilain, je trouve le salut
Ah les morts ! Parlons-en ! Ils nous jalousent, savez-vous ? Et font disparaître nos blogs par envie.
Cela dit, il faut les comprendre.
Comprenons-les.
Si certains sont enterrés dans le respect de leur intégrité corporelle ( bon appétit, les vers ), d’autres sont privés de leurs organes avant d’être livrés aux asticots.
Beaucoup sont soumis à la diète crématoire, un régime sec, programme d’auto-combustion des calories. Très vite, le mort maigrit, il n’a même plus la peau sur les os, ne reste de lui qu’une poudre hétérogène. Un rêve d’anorexique. Mais qui aimerait se voir stocker dans une jarre, ou une vieille boite à cigares ? Celui qui est venu me déranger a peut-être fini dans une boite de chocolat vide. A travers moi, il se venge d’un affront dont je ne suis pas responsable.
Ou alors… serait-il de ceux qu’on a réduit en poudre dans des grands mixers made in Guantanamo ? Ou Abu Grahib ? Mis en bouillie de leur vivant, pour le bien de la démocratie, ces massacrés auraient de quoi nous quereller.
Mais ne nous laissons pas émouvoir par les morts, fussent-ils mixés.
La population baisse et ils ne cessent d’augmenter. Ils ne cotisent pas pour la retraite. Ils squattent impunément les cimetières et les charniers. Certains se payent le luxe de sortir de leur tombe le samedi soir pour allez hanter les vivants, ou pirater mon serveur. Et il faudrait leur rendre grâce une fois par an ? S’inquiéter des flux migratoires plutôt que des flux mortuaires ?
Des milliers d’hectares leur sont concédés, quand des milliers d’abris errent dans les rues. Des jours sont chômés pour les enterrer ou les honorer. Est-ce bien laïc ? Le culte des morts ne doit-il pas se restreindre à la vie privée ? Qui sont les intégristes qui prétendent mêler les morts à l’espace public ?
Les morts sont un fléau.
Je n’irai pas déposer une fleur sur leurs tombes. Les morts ne me pourriront ni la vie, ni la fibre optique.
Quand je serai mort, je ne ferai jamais une chose pareille !