Ça ne sert à rien, je sais. Mais j’y vais quand même tous les vendredis matins. Il faut y aller, pour avoir cette foutue carte. La consultation est gratuite, mais impossible d’acheter le médecin. Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Baisage en levrette, Savonette impériale, Voyage en terre jaune… Je lui ai tout proposé, il n’a rien voulu prendre. Même pas un glougoutage du poireau. Et pourtant je glougloute avec de la menthe.
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Bonjour, je m’appelle Marcelle Lapompe, péripatéticienne presque agréée.
La plupart du temps je tapine à mon compte.
Des fois avec des collègues.

Hier soir, j’en ai branlé sept ou huit, avec une seule main.
En général, ils préfèrent ma main droite. De la gauche, je leur chatouille la cuisse, et après j’enfile un doigt dans l’orifice de leur choix (en principe, le troufignon). Mais en ce cas, il faut rajouter deux francs et vingt-cinq sous. Et si le cul n’est pas propre, je prends encore trente-trois sous.
Trente-trois, c’est l’âge du Christ.
Moi, je vais à la messe tous les dimanches. Vous pensez, alors, si je sais compter. Voir mes tarifs ci-dessous.
Comme vous voyez, je manie bien la langue.
Marcelle Lapompe, c’est moi.
N’écoutez pas ceux qui racontent que mon vrai nom ce serait Renée Dunan.
Fumisterie. Est-ce que j’ai une gueule de Renée ? Non, j’ai une face de Marcelle. Et puis moi, contrairement à d’autres, je ne porte pas de culotte en jersey de soie.
Jésus-Christ lui-même n’aurait pas porté de culotte en jersey. Alors moi, c’est Marcelle Lapompe, compris ? Pas Renée Dunan ! Ceux qui prétendent le contraire, c’est des jaloux ! Des chie-froid et des pisse-vinaigre qui m’envient ma petite entreprise.
[/twocol_one] [twocol_one_last]Parce que, je n’ai peut-être pas encore ma carte professionnelle, mais je suis comme qui dirait presque agréée : tous les vendredis matins, je vais à la consultation obligée des prostituées. Normalement c’est pour avoir la carte de propreté. Mais comme j’ai besoin de piqûres, le docteur ne veut pas me donner cette foutue carte professionnelle.
Pourtant, il est joli mon catalogue.
Ma maison ne manque pas de clients.
Je l’ai appelée le Sénat.
Parfaitement je glougloute du poireau de sénateur, mais pas que, et sans carte professionnelle !
Je fais du suçage à la menthe clandestin.
Mon meilleur cru, c’est la pissette sur la quéquette (ou dans la bouche).
Jamais mes clients ne m’ont demandé ma carte professionnelle, eux.
Et ceux qui me traitent de Renée Dunan ou de canular, je les encanule et je leur pisse à la raie. Gratis !

Bon allez, je vais à ma consultation. De toute façon, c’est obligatoire pour quiconque veut bordeliser.
Oh, rien de très compliqué. On te fait une prise de sang. Chez moi, elle est toujours positive : je n’ai pas encore la vérole, mais j’ai la syphilis depuis toujours.
Ben quoi ? C’est quand même pas la chtouille !
Et puis on me soigne. Les piqûres du docteur me font du bien. Mais rien à faire pour qu’il me donne la carte.
La visite et les soins sont gratuits, oui. Le docteur n’est pas payé. C’est l’état qui paye. C’est pour la santé publique.
Pour ce qui est du docteur, je lui ai bien proposé un glougoutage en rétribution de sa charité, et pour l’inciter à m’établir une carte professionnelle.
J’en connais, moi, des syphilitiques qui ont réussi à s’en dégoter une.
Mais pour moi, rien à faire. Le docteur ne veut pas.
Pourtant il est vraiment très gentil : il m’a avortée six fois ces dix dernières années.
Depuis, plus de problèmes. Je crois bien que suis enfin stérile.
Un petit, j’en ai eu un, évidemment, il y a une douzaine d’années. On a eu beau faire, il n’a pas voulu passer. Alors il est né. Le docteur et sa femme l’ont adopté. Eux, ils avaient beau essayer, rien à faire, ils n’arrivaient pas à en avoir.
Un joli cadeau que je leur ai fait, pas vrai ?
Eh ben même après ça, il n’a jamais voulu me faire ma carte, ce salopard…
Intéressante, cette Mademoiselle Lapompe…
Quand je pense qu’il manque parfois les affichages des prix dans les grandes surfaces, je ne suis pas étonné, ils sont ailleurs !
JNVSTP
Le Gougloutage de poireaux à la pastille de menthe ? J’en parle dès ce soir à qui de droit !