(Get out of here ! The plates are on the other side ) اخرج من هنا! اللوحات هي على الجانب الآخر!
– Ich spreche deutsch nicht non plus, alors changez de ton, je suis touriste.
Il me sourit. Oui, he loves me. Because je suis étrangère. Il m’a d’abord prise pour une Marocaine, alors il m’a causé comme à une pauvrette. Croyant que j’étais née de la côte d’Adam, il s’est senti supérieur. Je ne suis pas issue d’une côtelette, monsieur le chef de rang, mais d’une paire de couilles savantes. Tu peux donc me cracher ta virilité à la face, j’ai l’habitude, cette grossièreté m’est si familière qu’elle m’indiffère depuis longtemps. Chez moi aussi, au Moyen-Occident, capitale Paris, les hommes ont peur des femmes. C’est implicite et larvé. Ils nous jouissent dans la gueule et nous leur rions au nez.
J’avale mon thé. Et je me régale de deux msemens. I love msemens.
En route, fillotte.
Dans mon sac, l’essentiel. I phone, liseuse, et carte de crédit, celle qui m’a payé Marrakech : trois jours, quatre nuits, petit-déjeuner compris, je ne dirai pas le prix.
Taxi. La taximan est sympa. Quand à son bonjour en vo je réponds Saluemoilescouilles, elle me souhaite Alaikoum Salam (Paix sur toi aussi) et je lui réponds Place Jemaa El Fna.
Une paix intérieure émane de l’intérieur de mon sac à main. I phone, liseuse et carte de crédit. Comment ne pas se sentir en sécurité, quand vingt-sept mille cinq cent huit pages de lecture électronique sont à portée de vos lunettes.
J’aperçois la périphérie d’un grand marché. Des touristes en couple ou en troupeau se mêlent à des gamins débraillés, filles à babouches, vieux et vieilles courbés sur des ânes. Jeans moulants, tchadors et chewing-gum. Trois siècles en un.
En route, fillotte.
Quel bazar. Ma parole, c’est le souk. Des poufs en cuir de chèvre s’accrochent à des tapis de laine. Des brûle-encens s’entassent devant des lanternes en fer forgé. Des porte-clefs en forme de babouche s’agrafent à des pieds de lampe. Regarde, fillotte, cette théière en argent berbère, c’est du métal argenté mais il est martelé, admire le travail de l’artisan, il est berbère, mais il est martelé.
Tu viens de Paris ? Dis-moi ce que tu veux, je te fais un bon prix, dis-moi combien tu payes. Regarde, le porte-savon, le coffret en bois de thuya, sens, sens comme ça sent, ça sent bon, tu sens ? Prends la pierre ponce volcanique. Qu’est-ce que tu veux, gazelle, dis moi ce que tu veux.
Je ne sais pas ce que je veux, je ne suis pas une gazelle, seulement une sirène, je veux tout, laissez-moi réfléchir, je m’en vais voilà.
Finalement je veux des tagines. Je les paierai au prix le plus bas.
Me voilà chez Hussein, Abdou, et Mourad.
Assis sur un tabouret en métal peu pittoresque, Hussein fait cuire des carottes et des boulettes de viande sur une plaque électrique. Son fils Abdou cause. Et Mourad, fils du fils, retire son T-shirt parce qu’il a chaud.
Je salue leurs couilles et ils demandent à Dieu de me bénir. Je n’ai plus de temps à perdre, il me faut des tagines de taille moyenne, et je rentrerai à l’hôtel abuser de mes lecteurs portatifs.
Le sourire aimable quoiqu’occidental, j’en choisis trois, et les pose sur la table. Mais Hussein m’invite à dîner.
– Comment tu t’appelles ? C’est joli les tagines, hein ? Tu manges avec nous ce soir.
Je le sais, ils veulent m’enlever et demander une rançon au royaume de Belgique. Alors je leur offre dix euros pour trois tagines.
– خَتَمَ اللّهُ عَلَى قُلُوبِهمْ وَعَلَى سَمْعِهِمْ وَعَلَى أَبْصَارِهِمْ غِشَاوَةٌ وَلَهُمْ عَذَابٌ عظِيمٌ (Allah a scellé ton cœur et tes oreilles ; et un voile épais te couvre la vue; pour toi il y aura un grand châtiment).
Still, they want deux-cents dirhams. Il faut bien qu’ils vivent, non ?
Ce sont des escrocs, qu’on se le dise, qu’ils l’apprennent.
Vous êtes des escrocs. Et moi je ne suis pas une touriste comme les autres. Ayez pitié. Je suis honnête, je ne négocie pas, pas de compromis. Cent dirhams, c’est mon dernier prix. Emballez-moi ça maintenant. Je suis fatiguée.

Ils m’invitent à m’asseoir. Pour me reposer. Je dis j’ai dit cent. Je ne peux pas monter plus haut, je crains l’altitude.
! يَشْعُرُونَ يَخْدَعُونَ إِلاَّ أَنفُسَهُم وَمَا يُخَادِعُونَ اللّهَ وَالَّذِينَ آمَنُوا وَمَا. (Elle cherche à tromper Allah et les croyants. Mais elle se trompe elle-même et ne s’en rend pas compte !)
Dann gehe ich weg. (Then, I go away, oui, je m’en vais).
Le marché n’est pas conclu, ils acceptent cependant ma main tendue, la serrent avec chaleur, sauf Abdou, car la prière est proche, il ne peut me toucher, il ne touche pas les femmes avant la prière sinon il doit se laver. De toute façon, ses pognes étaient sales. Et il est si radin. Je m’en vais. Je passe la porte. Je sors. Je m’éloigne.
Je n’ai pas fait cent mètres que déjà, Mourad me rattrape. Il me prend par le bras, me reconduit dans la boutique, m’assied sur le tabouret qu’Hussein vient de libérer : ses carottes sont cuites ainsi que les boulettes.
– Cent trente ? dit Mourad sans transition.
Sa voix est surprenante de sérénité.
– J’ai dit cent.
Un nuage passe et voile les pudeurs du soleil, silence en l’échoppe. Et soudain Hussein emballe mes breloques dans du papier journal. Abdou me serre la main, malgré la prière.
– Cent, dit-il.
Mais il ne prend pas de carte de crédit. Je sors donc la monnaie de mon sac d’où déborde mon livre magique électromagnétique. Abdou le regarde avec dédain :
– Moi aussi, dit-il, j’ai un agenda électronique.
– Ce n’est pas un agenda. C’est ma bibliothèque.
Ils me rient à la face. Pour qui me prennent-ils ?
Ignorent-ils qu’avec ça, je peux télécharger les œuvres complètes de Zuhayr Ibn Abî Sulmâ ?
– Même le coran ?
– Même la bible, même le Kama Sutra, même le dictionnaire de la cuisine marocaine.
– Six cent cinquante dirhams, profère soudain Mourad.
Ses yeux noirs plongent dans mon sac à main.
– Ton souk de poche. Je t’en donne six cent cinquante dirhams.
Il veut acheter ma liseuse. Une torpeur me gagne, les aisselles me piquent, les lèvres me brûlent.
– Six cent cinquante dirhams ? Tu as dit six cent cinquante dirhams ? Soyons sérieux. Tu ne peux pas dire six cent cinquante dirhams. Tu dois dire six mille cinq cent.
– يَشْعُرُونَ أَلا إِنَّهُمْ هُمُ الْمُفْسِدُونَ وَلَكِن لا. (Certes… C’est elle la véritable corruptrice, mais elle ne s’en rend pas compte…)
– Ich spreche deutsch nicht non plus. Tu veux mon souk ? Elève ton esprit : ça fera sept mille dirhams tout compris.
Ca me fait penser à mon oncle Tati, mais il faudrait intituler le film « Ma tante », ma tante de Tati…
Ca me fait penser à mon oncle Tati, mais il faudrait intituler le film « Ma tante », ma tante de Tati…
Moi je préfère la salade aux Loukoums :o)
Moi je préfère la salade aux Loukoums :o)
J’aime bien cette texte. L’hypocrisie des vendeurs. Et ce mot « Le sourire aimable quoiqu’occidental », c’est uniquement quelqu’un qui a connu le vrai et grand rire africain qui peut dire ça.
J’aime bien cette texte. L’hypocrisie des vendeurs. Et ce mot « Le sourire aimable quoiqu’occidental », c’est uniquement quelqu’un qui a connu le vrai et grand rire africain qui peut dire ça.