Une p’tite pièce pour manger, s’il vous plaît.
— Non, merci, répond Bernard.
Il voulait dire Non, désolé; mais la langue lui a fourché.
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— Je rentre juste de vacances à La Baule, dit Bernard, vingt-huit jours de tête à tête avec ma femme… Alors, laissez-moi respirer, madame : pas de petite pièce. D’abord, je n’ai que des chèques, madame. Je  ne vais pas vous faire un chèque à cinquante centimes tout d’ même.
— Je prends pas les chèques au-dessous de cinquante  francs, fait la clocharde d’une voix amère. Surtout que j’ai pas de banque, connard. Encore une petite chose : t’as l’heure ? Parce que j’ai un rendez-vous vachement important avec un homme d’affaires dans ton genre. Tu vois c’ que j’ veux dire?
Bernard s’empresse de lire l’heure à son poignet et la communique gratuitement, avec un large sourire:
— Il est 18 h 15 et nous sommes le 7 septembre, madame; excusez-moi, mais je dois vous laisser: ma femme m’attend pour dîner. Le temps d’arriver à la maison…
— C’est ça… Casse-toi pauv’ larve, sinon tu vas t’ faire gronder par ta grognasse.
Bernard s’en va.
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Une bouche de métro déploie un escalator en forme de langue grise. Elle lape Bernard et une vingtaine d’autres personnes.
Bernard se propulse dans une cohue multiforme. Il s’y fond, tout en y demeurant étranger. Insensible et aveugle à la masse dont il participe lui-même, il calcule mentalement la prime que lui rapportera la signature de ses deux derniers contrats : une assurance multirisque habitation, et une assurance multirisque divorce ; cette dernière garantit à un mari abandonné le paiement des pensions alimentaires en cas de défaillance de l’ex-épouse, mais à condition que l’impayé soit imputable au chômage, à l’invalidité, ou au décès de l’ex-femme. Le harcèlement de la mauvaise payeuse est inclus au contrat.
La foule roule dans une tranchée presque vide puis investit le quai de la ligne numéro quatorze, Météor, et, dilatée à l’extrême, ralentit, s’arrête.
Là commence l’attente du métro. Attente immobile et fébrile à la fois.
Soudain, un jeune homme à veste polaire baisse sa tête chevelue, et charge, attaque la tribu compacte, pour se frayer un passage vers un distributeur de barres chocolatées. Il perd, pendant cette opération de déblaiement, quelques pellicules blanches; éparpillées jusque-là parmi ses mèches brunes, elles se relogent, qui sur le territoire d’une épaulette en cashmere, qui sur le lopin de cuir d’un soulier en nubuck.
Le distributeur de barres chocolatées atteint, le taureau malingre regarde la vitrine Sélecta avec une perplexité infinie.
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Le métro arrive.
La tension est à son comble : la foule se sait trop grosse pour entrer dans un train déjà plein, dans un train formaté pour les masses maigres. Comme on se met au régime pour enfiler un vieux pantalon, la micro-nation métropolitaine commence, à l’entrée du train en gare, un régime éclair et dissocié, au mépris des règles diététiques les plus élémentaires.
Qui gagnera le privilège d’être trop serré dans son pantalon métropolitain? Quel minable restera sur le quai ?
Pas Bernard Frick. S’il estime sa taille trop modeste (179,5 cm), et souffre d’une calvitie précoce (35,5 ans), ses abdominaux en béton lui garantissent une volonté de fer; d’autre part, sa peau bronzée quoique blanche lui donne l’assurance des gagnants; les gagnants ne ratent pas leur correspondance, en particulier celle de 18h37.
Rater le train n’est pas digne d’un employé de la compagnie d’assurances Veuves de France, filiale des Scottish Widows, filiale du consortium financier d’Afrique de l’Ouest, qui contrôle aussi un holding allemand aux activités très diversifiées: le domaine minier, les hydrocarbures et – justement – les chemins de fer.
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Le métro s’arrête.
Les portes s’ouvrent.
Plus que trente secondes pour enfiler son pantalon métropolitain.
Le dégraissage darwinien commence.
Une lutte pour l’anorexie de l’espèce s’engage.
L’Autre est ma douleur et ma calorie; ma calorie est ma douleur.
On se bat, on se débat, on se rebat même les oreilles.
Quelques bleus plus tard, la sélection de l’espèce est achevée.
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Le jeune homme à la veste polaire n’a pas bougé de son distributeur, havre de paix chocolatée.
Indifférent au régime dissocié qui s’est déroulé derrière lui, il s’est laissé bousculer par des coudes craintifs, des mains et des pieds furieux comme autant d’enzymes gloutons. Un vieux cadre dynamique l’a mollement traité de débile anesthésié et un père de famille de fils de pute dégénéré. La tempête passée, le jeune homme et sa veste restent seuls sur le champ de bataille déserté.
Immobile face au distributeur bienveillant, le garçon s’émerveille devant la vitrine enchantée qui lui apparaît comme une terre d’asile glucidique, une promesse d’immunité métropolitaine; un abri, libéral, au libéralisme.
L’espoir est dans le chocolat rédempteur.
Il choisit un Twix, deux doigts coupe-faim!
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Et on s’offre la suite de “Les Taches D’Encre”, ici !
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Raskolnikof says
Bon d’accord, je suis le personnage d’un chef-d’oeuvre, mais quand mĂŞme, j’aurais bien aimĂ© ĂŞtre aussi l’un des personnages des Taches d’encre…
Raskolnikof says
Bon d’accord, je suis le personnage d’un chef-d’oeuvre, mais quand mĂŞme, j’aurais bien aimĂ© ĂŞtre aussi l’un des personnages des Taches d’encre…
Marine Nationale says
Vile propagande !
Marine Nationale says
Vile propagande !
M Propre says
Mais quelle tache !
Mlle Sale says
De qui tu parles, mon proprounet (à prononcer « proprounette », car il est net, mon proprounet) ?
M Propre says
Mais quelle tache !
Mlle Sale says
De qui tu parles, mon proprounet (à prononcer « proprounette », car il est net, mon proprounet) ?
M Propre says
Bin, de Marine, pardi !
Lecteur Ă Lunettes says
Heureusement pour ta pomme, haleine de javel !
M Propre says
Bin, de Marine, pardi !
Lecteur Ă Lunettes says
Heureusement pour ta pomme, haleine de javel !
Lard Triste says
La couverture est belle, elle donne dĂ©jĂ envie d’acheter le livre, et l’extrait encore plus ! Ca, c’est de la littĂ©rature qui console : on se sent moins seul, mĂŞme aux heures de pointe…
Lard Triste says
La couverture est belle, elle donne dĂ©jĂ envie d’acheter le livre, et l’extrait encore plus ! Ca, c’est de la littĂ©rature qui console : on se sent moins seul, mĂŞme aux heures de pointe…
Martin Roi says
La clocharde pourrait faire un effort pour ĂŞtre sexy, quand mĂŞme, c’est bien d’insulter les hommes, c’est très bien mĂŞme, et c’est bien aussi de puer des pieds, mais pour le reste, il faut ĂŞtre propre et belle, merde !
La clocharde says
Tu viens faire les poubelles avec moi ?
Martin Roi says
La clocharde pourrait faire un effort pour ĂŞtre sexy, quand mĂŞme, c’est bien d’insulter les hommes, c’est très bien mĂŞme, et c’est bien aussi de puer des pieds, mais pour le reste, il faut ĂŞtre propre et belle, merde !
La clocharde says
Tu viens faire les poubelles avec moi ?
Bernard Pivotant says
Les poubelles ? Non merci, on a dĂ©jĂ donnĂ© avec cet extrait nausĂ©abond…
Amélie Nono says
Cher Bernard,
Vous avez toujours Ă©tĂ© très con, mais vraiment très, très, très con, mais depuis que vous siĂ©gez Ă l’AcadĂ©mie CONcourt, vous avez rĂ©ussi l’exploit d’empirer !
Mes félicitations !
Bernard Pivotant says
Les poubelles ? Non merci, on a dĂ©jĂ donnĂ© avec cet extrait nausĂ©abond…
Amélie Nono says
Cher Bernard,
Vous avez toujours Ă©tĂ© très con, mais vraiment très, très, très con, mais depuis que vous siĂ©gez Ă l’AcadĂ©mie CONcourt, vous avez rĂ©ussi l’exploit d’empirer !
Mes félicitations !
Soeur Tout Sourire says
Ah, que je suis malheureuse, de voir tant de douleurs ! Pauvre clocharde ! Pauvre Bernard qui se trompe ! Pauvre femme de Bernard qui n’est pas heureuse en mariage… Et vous, vous tous, qui vous disputez par commentaires interposĂ©s, alors que nous sommes tous frères et soeurs… Ouiiiiiiiinnnnnnnnnnnnnnnn
Père Austère says
Tu veux que je te console…?
Paul Austère says
Et d’une, tu m’as volĂ© mon nom, salaud !
Et de deux, la vioc au sourire Ă©dentĂ© n’a qu’Ă lire Les taches d’encres pour se consoler, car Lard Triste a bien raison, ça console, ça fait rire et c’est vrai ! J’aurais rĂŞvĂ© d’Ă©crire un tel chef d’oeuvre !
Soeur Tout Sourire says
Ah, que je suis malheureuse, de voir tant de douleurs ! Pauvre clocharde ! Pauvre Bernard qui se trompe ! Pauvre femme de Bernard qui n’est pas heureuse en mariage… Et vous, vous tous, qui vous disputez par commentaires interposĂ©s, alors que nous sommes tous frères et soeurs… Ouiiiiiiiinnnnnnnnnnnnnnnn
Père Austère says
Tu veux que je te console…?
Paul Austère says
Et d’une, tu m’as volĂ© mon nom, salaud !
Et de deux, la vioc au sourire Ă©dentĂ© n’a qu’Ă lire Les taches d’encres pour se consoler, car Lard Triste a bien raison, ça console, ça fait rire et c’est vrai ! J’aurais rĂŞvĂ© d’Ă©crire un tel chef d’oeuvre !
Tchotcho says
Merci de nous faire voyager, distraire, instruire, changer!
Tchotcho says
Merci de nous faire voyager, distraire, instruire, changer!
Laurent says
C’est assez ordinaire comme histoire. Enfin, pas vraiment dans les paroles des personnages, mais dans le contexte. Je trouve la clocharde assez drĂ´le. Avec quel homme d’affaires a-t-elle un rendez-vous? Je pense qu’elle bluff, non?
Laurent says
C’est assez ordinaire comme histoire. Enfin, pas vraiment dans les paroles des personnages, mais dans le contexte. Je trouve la clocharde assez drĂ´le. Avec quel homme d’affaires a-t-elle un rendez-vous? Je pense qu’elle bluff, non?