L’Esprit Frappeur de ma Fibre Optique

Voyez cette immonde face verte…

Cette épine dorsale luciférienne, ce regard torve et sournois, cette dentition d’anthropophage et ces cornes du cocu !
L’avez-vous reconnu ?
Oui, c’est LUI ! L’esprit frappeur de ma fibre optique ! Il est revenu me hanter ces jours-ci, en pleine saison des amours. Confondrait-il la Saint-Valentin avec la Toussaint, Halloween, ou la fête des morts ?
Tout commence mardi dernier.
Je relis pour la septième fois le chapitre trente-huit d’un mien prochain roman. J’ai besoin, pour boucler cette affaire provisoire, de connaître la date de signature d’un traité de paix anglo-américain. Comme nombre de traités, il s’appelle le Traité de Paris. Il y en tellement de ces Traités de Paris, on finira par confondre toutes les guerres qu’ils sont censés achever.

J’ouvre donc une fenêtre Google sur le Net et saisis l’expression « Traité de Paris fin guerre indépendance américaine« . J’appuie sur Enter, et clic, le monde s’arrête ! Ni Firefox, ni Internet Explorer, ni Opéra ne veulent me livrer la page fondamentale ! Fin de la libre circulation des données numériques ?Je panique.
Je me précipite dans mon salon. Il héberge ma Neufbox, de même qu’un vieux routeur dont je n’ai plus l’utilité, et un modem antédiluvien, dont je n’ai pas le coeur de me défaire. Et dans tout ça, des fils électriques s’entremêlent. Il est même impossible de savoir lesquels sont branchés, et si oui, à quoi.
Alors que faire… Dans la tradition judéo-chrétienne, un seul rite s’impose en cas de panne de réseau : débrancher la Neufbox et compter jusqu’à dix. Puis la reconnecter. Et le monde des croisés se remet, en principe, à tourner.
Je compte jusqu’à onze. Rebranchement.
Ô enfer et damnation ! Ô fibre optique ennemie ! Voilà qu’en plus d’une coupure Internet, je souffre d’une coupure de téléphone et d’une maladie de télévision !
Seigneur SFR ! Pourquoi m’as-tu abandonnée au pied de la croix ! Va-t-il falloir que je me traîne jusqu’en Sorbonne pour trouver cette fichue date du Traité de Paris ! Devrai-je, par ta faute, recruter des documentalistes que je ne peux m’offrir ? Franchement, seigneur SFR, et toi, stupide esprit frappeur de ma fibre optique, est-ce que vous croyez que j’ai le temps d’aller fouiner dans des bibliothèques pour parachever mon chef d’oeuvre ?! Est-ce je n’ai pas déjà suffisamment sué par le passé, pour aboutir une thèse qui ne m’a même pas valu les félicitations du jury ?( j’ai eu une mention très honorable quand même, je tiens à le souligner).

J’appelle illico le service démonologie de la société SFR.
Ces cons-là n’ont aucun exorciste sous la main. Je proteste.
Que l’on vienne hanter ma fibre optique le jour de la Toussaint, je veux bien. D’ailleurs, on est venu la hanter ce jour-là. Mais enfin, un 8 février ? Six jours avant la Saint-Valentin ?
Désolé, mademoiselle, nous ne pourrons vous envoyer un exorciste que mardi prochain. En attendant, connectez-vous à un hotspot.
Hotspot ? Qu’est-ce encore que cette proposition pornographique ?
Un hotspot n’est pas porno, mademoiselle. C’est un réseau ouvert à tous les abonnés. Le temps de chargement des pages est beaucoup, beaucoup,beaucoup plus long qu’avec votre fibre individuelle. Mais c’est mieux que rien en attendant l’exorciste.

Dépitée, je rejoins sans délai mon espace de travail et découvre en effet un réseau appelé SFR-Public. Mais après trois heures de supplications numériques, il refuse toujours de répondre à la requête  » Traité de Paris guerre d’indépendance américaine ». La panne persiste. Et elle persistera pendant six jours !

Six jours sans téléphone , sans internet et sans télé !
Six jours coupée du monde !
Non, je n’irai pas chercher mon information en Sorbonne ! Merde alors ! Je ne vais pas me mettre à ouvrir des livres d’histoire sous prétexte que des esprits viennent frapper ma fibre optique !

Six jours, j’ai attendu l’exorciste. Et mon messie est arrivé. Et il m’a purifié la fibre.
Depuis ? Je vais beaucoup mieux, oui, merci, amen.