Ceux d’entre vous qui se trouvaient en Ile de France le 13 septembre dernier en ont été témoins : un déluge s’est abattu sur la région ce jour-là. Pierre Bisiou avait choisi cette date pour organiser, en la librairie le Divan, une rencontre avec la reine de la littérature coréenne, Han Kang ? Il m’y a conviée alors qu’il sait très bien que je n’ai jamais eu de parapluie.
C’est qu’il voulait me punir : je suis un auteur chiant. A ce propos, voir Négociateur, Justice à Tout prix. Kevin Spacey et Samuel L. Jackson y négocient âprement leurs contrats d’édition, parce qu’ils font partie d’un syndicat affilié à la CGT. Alors ils sont invités à des rencontres littéraires quand il pleut.On n’est pas auteur chiant impunément.
De telles invitations m’arrivent assez souvent. Ecrivain ascendant ours mal léché, j’ai souvent une bonne excuse pour ne pas y aller : Madrid m’attend, je suis en dérangement, petit problème de connexion, mon réseau sera rétabli dès le 31 février… Mais on ne dit pas non à Pierre Bisiou et à Han Kang, surtout quand Philippe Lafitte et Mamadou Mahmoud Ndongo sont de la partie.
La rencontre débute à 19h00. Du fait d’une maladie auto-immune qu’on appelle la ponctualité suisse, j’arrivée sur place à 18h51. Attention, je peux aussi sortir ma maladie auto-immune inverse, l’intermittence gabonaise. Par une énigme que je vous soumets, et qui sera éventuellement résolue en commentaire, mon dos est trempé, alors que mon gilet est parfaitement sec. Des amateurs de littérature arrivent en nombre vers 19h03. N’ayant pas accès à leur dossier médical, je ne connais pas la nature de leur maladie auto-immune, et quand bien même, je ne balancerais pas.
Escortée d’un Pierre Bisiou échevelé et d’un Xavier Belrose à Lunettes (Team Serpent), Han Kang arrive, de même que sa traductrice et une très belle comédienne venue lire quelques pages. Reste Irène (troisième larronne de la team Serpent), discrètement assise dans un coin avec ses yeux noisettes et ses cheveux oranges, ou plutôt blonds vénitiens. Elise et Slavka sont aussi là, prêtes à lancer le pitch pour la presse.
Micros en marche, la rencontre commence. J’ai la tête ailleurs que sur les épaules, alors je ne comprends rien, le français pas mieux que le coréen. Mais peu à peu, la voix d’Han Kang m’emporte. C’est un velours qui agrippe, une douceur qui m’envoûte (parce que je suis une brute). Peu à peu, je quitte mon éclipse, ma tête revient se visser à mon cou. Il faut savoir que je souffre d’un syndrome d’ubiquité double : dans l’espace, mais aussi le temps. Aussi, je me trouvais sur le port de Bristol en 1684. Mais par un tour de force qui prouve qu’elle est magicienne, Han Kang a réussi à me ramener en cette librairie, à Paris, le 13 septembre 2017.
Une heure et demie passe sans être vue. La séance est levée, vient le moment des signatures, une file d’attente se constitue. Elle est assez longue pour qu’avec Philippe et Mamadou, nous causions boutique : tu préfères sortir en janvier ou en septembre ? Enfin, Han Kang me dédicace l’un de ses livres La Végétarienne (j’ai oublié Leçons de grec à la maison). Je m’apprête à filer tel l’éléphant dans le magasin de porcelaine, mais Pierre Bisiou déboule pour me dénoncer en ces termes : DearHanBessorasheisawriter…ouipublisherinfebruari). Inspirée par cet anglais approximé, je lui sers à mon tour un anglais à la sauce coréenne. Oui, jadis un juge a rendu cette sentence proverbiale : je parlerais anglais comme une vache de Corée. Maintenant que vous savez, vous n’aurez plus d’excuses : lisez Leçons de grec.
J’ai rien compris. Cela doit être du Coréen.
Comment pardonner l’impardonnable
Semant le trouble dans l’eau calme ?
La vie est-elle imperméable
Aux larmes perdues d’une palme ?
Deviendras-tu l’impitoyable
Perçant mes nuits grâce au napalm ?
Tous les jours je pense à toi,
Cependant cela me nuit;
Mon crime laisse pantois
Comme quand sonne minuit;
Incompris de ton patois
Je m’accroche à tes ennuis.