Confirmation du chef d’escale librevillois : après l’annulation du vol Air Gabon n° 429 pour cause indĂ©pendante de, le vol n° 362, 14h45, Ă destination d’Abidjan est annulĂ© parce que. Venez demain, 06h00, vous verrez bien.
Dodo à Lalala, chez mon très grand frère, son 4*4, ses 4 enfants, ses 2 chiens Tana et Narive, et son pote de passage. Pilote à Air Gabon, le pote est sur les nerfs, il ne vole plus depuis 18 jours trois quarts, tous les 727 sont en révision, et lui il rouille. Venez demain, 06h00, vous verrez bien.
Demain, 06h00, arrivĂ©e Ă l’aĂ©roport après maints dĂ©tours pour esquiver les contrĂ´les de police. Enregistrement de bagages pour vol hypothĂ©tique, formalitĂ©s douanières concrètes, salle d’embarquement, nombreux passagers Ă destination de Cotonou, Abidjan, Pointe-Noire, Johannesburg, attente, vous verrez bien, en attendant certains dorment sur des bancs depuis 4h du matin.
Et soudain un Boeing, cru 747, paraît sur le Tarmac. Réquisitionné la veille par le président de la République et sa cour. Une escapade à Paris.
08h30. Somnolente, je devine une hôtesse qui vient chercher deux enfants vêtus comme pour une première communion. Ils voyagent seuls sur Pointe-Noire, comprenons-nous. Bientôt un avion, alors ? Déferlement de passagers vers le comptoir d’embarquement, boarding passes dressés vers le ciel. Pourtant aucune confirmation de vol, juste un haut-parleur qui menace :
Les véhicules immatriculés 5984 GL1C et 0946GL1C sont priés de quitter devant le salon présidentiel.
Mais miracle, un petit avion arrive sur la piste, pour qui, pour qui ? Pour Pointe-Noire. Scènes de liesse, les passagers, à destination de, montent au septième ciel, leur avion s’envole, disparaît dans une purée de poix céleste. Dix minutes après, retardement de haut-parleur :
Les passagers à destination de Pointe-Noire sont priés de se présenter en salle d’embarquement pour embarquement immédiat
09h30. Des militaires déroulent un tapis rouge devant le 747 réquisitionné par le président de la République et sa cour.
10h00. Communication officielle : le vol sur Johannesburg d’hier soir  est reportĂ© Ă cet après-midi. Chers passagers, veuillez vous rendre au restaurant-bar le Calao, oĂą un petit dĂ©jeuner vous sera servi en attendant une confirmation Ă Â midi.
11h00. Deux groupes d’animation et une fanfare se positionnent autour du tapis rouge pour chanter Yaya Bongo. Mais oui, papa Bongo va bientĂ´t quitter le salon prĂ©sidentiel pour prendre l’avion rĂ©quisitionnĂ©. 32 passagers en attente d’Abidjan, Pointe-Noire et Johannesburg, se collent aux vitres pour applaudir la sortie prĂ©sidentielle.
Yaya Bongo s’est envolĂ© vers Paris, une vague humaine se dĂ©ploie tout Ă coup depuis l’extĂ©rieur, et se brise sur la carrelage de la salle d’embarquement : retour de passagers, ceux de Pointe-Noire ; leur avion a dĂ©collĂ©, volĂ© dans la purĂ©e, tournĂ© au-dessus de l’aĂ©roport congolais, mais faute de visibilitĂ© ils n’ont pas pu atterrir et sont rentrĂ©s Ă Libreville. Mon inquiĂ©tude grandit.
13 heures. Une hĂ´tesse mime un signe intraduisible. Personne n’ayant rien compris, tout le monde se prĂ©pare, et s’Ă©chauffe. Personnellement  j’insulte un NigĂ©rian qui m’écrase le pied. Pour me racheter une bonne conscience j’offre un chewing-gum à une fillette en provenance de Pointe-Noire, mais aussi Ă Â destination de, si vous avez bien suivi.
Avion non identifiable sur la piste, et non annoncĂ©. Son moteur tourne pendant dix minutes quand soudain un vĂ©hicule de couleur brune et de marque Nissan fond sur lui. Un fringant commandant de bord sort de la voiture après l’avoir garĂ©e au pied de la vieille carlingue. Un type de Luanda, collĂ© Ă mon postĂ©rieur par un effet de la foule, me souffle dans l’oreille que ce commandant ne voulait pas travailler parce que c’est dimanche.
Enfin embarquement des passagers Ă destination d’Abidjan. Par un petit escalier nous montons dans l’avion sans y croire, et nous avons raison de ne pas y croire car le premier embarquĂ© est stoppĂ© en haut de l’escalier. Dix-sept minutes de barrage inexpliquĂ©, puis autorisation d’accès Ă bord. La porte se referme, merde, je n’aurais pas dĂ» monter pour Abidjan, j’aurais dĂ» voler directement vers Paris, qu’allais-je faire en cette galère aĂ©rienne, trop tard.
Seconde classe, je m’assieds Ă cĂ´tĂ© du type de Luanda, dĂ©collĂ© de mon arrière-train. Nerveuse, une hĂ´tesse tire un rideau entre  la classe affaires et la seconde. Je lui demande un verre d’eau. Elle me l’apporte avec tant de gentillesse que je lui demande Quoi, qu’est-ce qui se passe ? La grève, m’explique-t-elle. Les commandants sont en grève depuis le 24. Air Gabon le savait très bien, mais cette saletĂ© de compagnie capitaliste n’a pas voulu l’Ă©bruiter. On a de la chance d’avoir embarquĂ©, le pilote n’aurait pas dĂ» travailler, vu qu’il est en grève. Non, dĂ©solĂ©e, vous n’aurez rien Ă manger, SERVAIR est en grève aussi.
DĂ©collage. L’homme de Luanda se dĂ©tend. Maintenant qu’on est dans l’avion, c’est bon, il dit. Mais l’avion tangue bizarrement. Et je jurerais sentir une odeur de brĂ»lĂ©. Je n’aurai pas dĂ»…
Le commandant de bord prend le micro : Mesdames, messieurs, suite Ă un incident technique, nous retournons sur Libreville. L’homme de Luanda me respire bruyamment dans l’oreille gauche. Je l’entends transpirer. Je l’entends pâlir. Je l’entends demander à l’hĂ´tesse : C’est pas trop grave ? Trop dĂ©tendue pour ĂŞtre honnĂŞte, elle rĂ©pond : Ah… On espère ! Qu’allais-je faire en cette galère ivoirienne ?
Le rĂ©acteur droit fume dĂ©jĂ sĂ©rieusement. Derrière moi, trois BĂ©ninois rient aux Ă©clats, et devisent Ă propos de la mort, qu’ils  voient du bon cĂ´tĂ©. Moi, cĂ´tĂ© pile ou cĂ´tĂ© face la mort ne m’intĂ©resse pas. Je ferme les yeux, et j’entends d’autant mieux la voix tremblante qui s’Ă©lève au fond de l’avion, pour chanter que JĂ©sus est grand.
18h00. Veuillez retourner en salle d’embarquement, s’il vous plaît, le vol reprendra dès après détection et réparation de la panne.
Fred says
Arf, ça me rappelle mon premier voyage au Cameroun avec Air Cameroun… Ils sont aussi « sĂ©rieux » qu’Air Gabon : On ne sait pas quand on va partir et on ignore si on va arriver :o)
Fred.
Fred says
Arf, ça me rappelle mon premier voyage au Cameroun avec Air Cameroun… Ils sont aussi « sĂ©rieux » qu’Air Gabon : On ne sait pas quand on va partir et on ignore si on va arriver :o)
Fred.
Jacques Cyris says
Je me souviens du « gros LĂ©on », le 747 d’ « Air Gabon, la meilleure solution ! »
Jacques Cyris says
Je me souviens du « gros LĂ©on », le 747 d’ « Air Gabon, la meilleure solution ! »
François Prunier says
Ca donne envie…
François Prunier says
Ca donne envie…