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Bessora

Tendre peau de vache

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L’Homme Est Bon, C’Est Le Radeau Qui Le Corrompt

novembre 18, 2013 par Bessora 2 Comments

C’est un tableau aussi grand qu’un radeau. AccrochĂ© au musĂ©e du Louvre, il est signĂ© GĂ©ricault. Des morts vĂ©ritables y sont peints. Et d’authentiques cannibales ont fait sĂ©cher leur pitance sur les haubans de ce radeau.

le radeau de la meduse


23 juin, 5 heures aprÚs midi, Napoléon est tombé depuis un an.
Louis 18 est de retour, et aussi la capitaine Chaumareix, respectable rescapĂ© de la guillotine. À 51 ans, l’aristocrate n’a pas naviguĂ© depuis 20 ans. Mais il dirige la MĂ©duse, une frĂ©gate Ă  trois mĂąts.
Un homme tombe Ă  la mer. Et se noie. Un mousse. Juste un mousse.

chaumareix

400 passagers voguent vers Saint-Louis du Sénégal : le nouveau gouverneur, sa cour, sa famille, ses fonctionnaires coloniaux, ses militaires. Des géographes aussi, des loups de mers, des chirurgiens. Du petit peuple également.
L’arrogant Chaumareix navigue trop prĂšs des cĂŽtes. N’écoutant pas les matelots, il finit par s’échouer sur un banc, quelque part entre la Mauritanie et le SĂ©nĂ©gal. Prendre un banc de sable Ă  marĂ©e haute, c’est une honte. Mais le capitaine, chevalier des ordres royaux et de la lĂ©gion d’honneur, ne veut pas perdre la face.
La haute mer est proche.
Jeter le superflu pardessus bord pour regagner l’eau profonde. Ça ne suffit pas.
Alors construire un radeau pour stocker les provisions.


esquisse meduse

4 juillet, belle journĂ©e, flotte Le MĂ©duse. Mais le soir, une tempĂȘte se lĂšve, la mer se dĂ©monte, coque crevĂ©e.
RetirĂ© dans ses quartiers, Chaumareix et ses amis prĂ©voient un plan d’évacuation : Ă  eux les 6 chaloupes, le radeau pour les autres. Ces autres se soumettent. Et croient Ă  cette promesse : n’ayez crainte, les chaloupes vous remarqueront.

Embarquement, dans une grande confusion. Le radeau s’enfonce dĂ©jĂ  de 60 centimĂštres. On le dĂ©leste de provisions, de ses brise-lames, de son bastingage. Passagers affolĂ©s, femmes en pleurs, soldatesque hĂ©sitante. C’est un radeau de 110 m2, sans voiles ni mĂąts, oĂč s’entremĂȘlent 150 personnes. GradĂ©s, anciens bagnards ou insoumis, dĂ©serteurs, recalĂ©s des corps expĂ©ditionnaires. ConcentrĂ© de populace mĂ©prisĂ©e, mĂ©prisante, et qui n’est jamais tendre avec la vie. Ça promet.


jean-jacques rousseau
La corruption par le radeau.

De l’eau jusqu’aux genoux. Parfois jusqu’à la ceinture. Des pistolets et des coutelas cachĂ©s dans les vĂȘtements.
10 kilos de biscuits leur sont jetĂ©s dans un sac. Il tombe Ă  l’eau. On le rĂ©cupĂšre. Le radeau amarrĂ© aux chaloupes, Chaumareix, pour calmer ce peuple remuant, jure de ne jamais les abandonner. On prend la mer.
Sur le radeau, le peuple crie Vive le roi !
Un mouchoir blanc est accrochĂ© au bout d’un fusil.

Et sans témoins les représentants du pouvoir monarchique coupent les amarres.

VoilĂ  le radeau livrĂ© Ă  lui-mĂȘme, dĂ©rivant vers la haute-mer. 150 boat people viennent d’ĂȘtre sacrifiĂ©s en silence, en secret.
À bord, 5 barriques de vin, 2 d’eau douce, du biscuit imbibĂ© d’eau de mer. Tout s’engloutit en un jour. Reste un peu de vin.
Et le soir, on prie fort pour couvrir les gargouillis.
Nuit profonde, tempĂȘte tropicale. On s’agglutine. Des jambes glissent et se brisent. Des bagarres Ă©clatent. On se bouscule. On poignarde. Des corps passent par-dessus bord.


massacre a la tronçonneuse


Le lendemain. Moins 20 personnes. C’est dĂ©jĂ  plus confortable. Mais quand mĂȘme, ces cadavres qui jonchent le radeau.  Cela dit, le jour est calme, on n’oublierait presque comme l’eau de mer ronge la peau. Et comme la chaleur assĂšche les gosiers.
AriditĂ© extrĂȘme. Et puis flots dĂ©chaĂźnĂ©s.
On s’enivre pour tenir. Quelques dĂ©ments dĂ©membrent le radeau Ă  coups de hache.
Un matin, en s’éveillant un officier voit un matelot lui coupant le pied. Que fais-tu lĂ  ?
63 morts et disparus. Bon, ça fait de l’espace en plus. Mais plus d’eau douce. Et l’eau de mer remontĂ©e Ă  la taille. On mange le cuir des chapeaux. Et des linges.
Ensuite, plus rien.
PrĂȘts Ă  goĂ»ter notre premier cadavre.



cannibales

Manger les plus faibles. Ils se sont laissĂ© mourir. Ils se sont laissĂ© tuer. Mais d’abord, s’organiser. SĂ©lectionner un cadavre. Faire sĂ©cher sa viande sur les haubans. AprĂšs tout, ne reste que 27 personnes Ă  nourrir. Mais les malades ? Faut-il partager avec des malades en sursis ? Question Ă  l’ordre du jour d’un conseil improvisĂ© sous une petite tente. RĂ©solution : les malades sont un poids inutile. Il faut leur Ă©pargner des souffrances. Il faut garder le vin. Le peu qui nous reste.
Qu’on les jette à l’eau.

Papillon vole. La terre est donc proche ? Pourquoi reste-t-elle hors de portée ?
Plus de vin ni d’eau. De l’urine.
On la stocke dans des boĂźtes en fer blanc.



Fromentin
Le pays de la soif – EugĂšne Fromentin – 1877


13Úme jour, bateau au loin. Cette tache blanche, on la devine sur la toile de Géricault.
Tout le monde se lùve. Tous s’agitent. La tache blanche passe son chemin.
Ils se résignent à mourir.
Quelques-uns Ă©crivent le rĂ©cit de ces journĂ©es sur un bout de tissu. Un jour, peut-ĂȘtre, ce tĂ©moignage sera retrouvĂ©. Une justice posthume leur sera rendue ?


vu sur towardgrace.blogspot.fr/2013/04/le-job-du-negatif.html
vu sur towardgrace.blogspot.fr/2013/04/le-job-du-negatif.html


Mais la tache blanche reparaĂźt.

Et voilĂ  que sur le radeau, les cannibales fĂ©roces s’embrassent et pleurent comme des enfants.

PrĂȘts Ă  embrasser leurs prochains bourreaux.

Filed Under: Société

Reader Interactions

Comments

  1. François Prunier says

    novembre 18, 2013 at 12:45 pm

    Mais quel Ăąge avez-vous ?
    On jurerait que vous y étiez !

    Répondre
  2. François Prunier says

    novembre 18, 2013 at 12:45 pm

    Mais quel Ăąge avez-vous ?
    On jurerait que vous y étiez !

    Répondre

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