Il y a quelques jours, j’ai reçu un courrier de la Caisse de prévoyance de l’Etat genevois. On me sommait de prouver que j’étais toujours de ce monde. Comment me présenterais-je à ces guichets, moi qui suis mort un 7 juillet du siècle dernier?
J’avais un petit problème d’alcoolisme, une dépendance légère aux antidépresseurs, et une tumeur pas si maligne dans le gosier, mais je n’ai rien vu venir.
Assis dans mon vieux Chesterfield je regardais l’Inspecteur Derrick à la télé, et de battre mon coeur s’est arrêté. Je n’ai pas fait exprès. Je suis mort sans préméditation. Et la Caisse de prévoyance de l’Etat Genevois voudrait me retirer mes droits à la retraite ?
Est-ce de ma faute, vraiment, si le service cancérologie de l’hosto ne s’est pas alerté de ne plus me voir venir ?
La compagnie d’électricité non plus, ne s’est pas inquiétée. Après six mois d’impayés, courant coupé. La procédure, quoi. C’est tout.
Mon loyer, je le payais par virement depuis trente ans. Rubis sur l’ongle, automatique. C’est simple, mon propriétaire n’a jamais rien à eu à me rapprocher. Pas la moindre anicroche en trois décénnies, pas même un dégât des eaux. Alors bien sûr, il ne pouvait pas imaginer. Mais les voisins ! Ils auraient quand même pu sentir.

Pour tout dire (au point où j’en suis…), ils ont senti. Mais c’était plus simple de mettre ça sur le dos d’un rat crevé, supposée crevure qui aurait traîné dans une bouche d’aération. Ni une ni deux, dératiseur et désinsectisation. Là-dessus, aspersion de parfum pour couvrir les odeurs résiduelles.
Pendant 8 jours, ils se sont fait croire que le problème était résolu.
Jusqu’à ce que je recommence à me manifester. Je le répète, ce n’était pas intentionnel. Quant aux voisins, pas envie de s’emmerder. Bouche-toi le nez, c’est les vacances. La vie continue !
Et maintenant cette lettre. On me précise que je dois répondre avant le 31 juillet. C’est la canicule, et on demande aux morts et aux retraités de se présenter aux guichets étatiques. ET d’envoyer d’abord tout un tas de paperasse certifiée ! Enquêtes de vie, ça s’appelle, une routine pour la Caisse.
Il s’agit bien entendu de s’assurer qu’aucune prestation indue n’est délivrée, ce qui léserait l’ensemble des assurés.
Bonnes pratiques, quoi. Deux jeunes personnes se sont paraît-il déjà présentées pour annoncer qu’elles avaient omis de déclarer le décès de leurs grands-parents.
De la famille, j’en ai. De mon vivant, on ne se voyait pas souvent. Mon ex ne supportait plus mon haleine, ma fille avait honte de mon logement social. Huit ans qu’ils n’ont plus pris de mes nouvelles. Trois que je n’en ai plus donné.
Et on voudrait me retirer ma pension de vieillesse ?
Après les vacances, voici un article plein de gaieté. On ne peut que le recommander…enfin presque. JNVSTP
Ce narrateur exagère ! Il ose se plaindre ! Alors qu’il a la chance (peut-être) d’être libéré ! Nous, pendant ce temps-là, on vit (sûrement) ! Zut alors !