En cette avant-veille de Noël, je me suis réveillée avec une angine. Je dois pourtant écrire 50.000 signes avant le 22, et clôturer la version n°2 du tome second de ma Dynastie des Boiteux. Tant pis pour vous, point de billet inédit aujourd’hui. Peut-être gagnez-vous au change… Recevez donc cette bonne feuille, extraite du Testament de Nicolas. Ce monstre, ce paria qu’il faudrait mettre à mort. Quant à moi, je vous retrouve en 2018. Bonne fêtes les amis !
« Longtemps, j’ai eu peur de mourir. J’en paniquais la nuit, congelé de frousse et grelottant au fond de mon lit. Est-ce que le temps s’arrête quand on est mort ? Dès le déclin du jour, quand le soleil commençait à baisser, l’angoisse me montait. Ça m’a toujours pourri la vie, l’effroi. L’idée de mort me trottait dans la tête, le néant me retournait l’estomac. Tout poisseux de sueurs, j’étais, dans mes draps. Et puis j’ai compris, Salomé. J’ai compris d’où venait l’épouvante: pas de la mort, la mort qui vient, mais de la vie, la vie qui ne va pas. Elle n’avait pas de sens, ma vie. Ma vie était bête.C’était le sens, qui manquait. J’ai trouvé le sens. Maintenant, je n’ai plus jamais peur.
Dis-donc, elle a encore poussé ta barbe aujourd’hui. La religion, c’est une chose, mais il faut que tu penses à ton avenir. Ce n’est pas parce que tu crois en l’Islam que tu n’as pas le droit de te marier, de faire des enfants. Tu ne voudrais pas être écolo, plutôt ? Tu ne vas pas aller à l’école en djellaba, quand même ?
Ce n’est pas une djellaba, c’est un kamis. Qu’il regarde dans le dico. Mais papa est plutôt inculte. Un looser, en réinsertion. Pas taillé pour le monde, papa. Le monde n’est taillé pour personne. Avant, je veux dire quand j’avais peur de mourir, je m’accrochais aux branches pourries du monde, comme tout le monde. Je n’avais pas d’ailes, mais je me faisais croire que je pouvais voler. Bon fils, bon élève, bel avenir et consommation, c’était mon ambition. Mais tu n’as jamais fini de donner des preuves. Quoique tu fasses, Salomé, y en aura toujours pour te regarder de haut. Celui qui toise sent la rose, mais son cœur est sale, son âme, toute pourrie. Lui le juste, toi le méchant. Lui le penseur libre, toi un imbécile de converti. De toi, il n’a rien à apprendre: tu es un primitif gaulois sous influence islamiste. Il te le fait comprendre poliment.
Comme un juge, il te parle gentil. C’est toi qui ne sais pas te tenir. Toi, tu n’as rien compris. Longtemps, j’ai encaissé sans broncher. Comme un plouc grec ou un petit Africain, j’étais. Accoutumé à l’humiliation, dur à la douleur, j’étais. En miettes, mais je me disais Tu te recolleras demain. C’est la peur de mourir, qui me paralysait. Mais quand tu acceptes la mort, quand tu la laisses t’embrasser, tu te sens pousser des ailes. Tout devient possible. Doucement, tu te détaches de tes branches avariées. Libéré, tu vois clair: ici-bas ne compte pas; ta mort peut servir une cause plus grande que toi. »
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