« Belle marquise, tes beaux yeux me font mourir d’amour. Il arrive ton galant philosophe. Il crève d’envie. Il te retournera gentiment, tu verras, il t’arrangera bien comme il faut.
Un extrait de Cyr@no
« Je m’introduis. La vache, une vraie maison de poupées.
J’avale deux étages en une bouchée. Il me reste encore du souffle quand j’arrive devant une porte entrebâillée. 2,1,7. Chambre 217. Palpitations. De l’autre côté, imagine-toi, Christian, une belle somnole, avec une bretelle qui tombe sur une épaule un peu molle. Mais à peine, tu vois.
Trop d’air dans les poumons, le cœur au bord de l’implosion, du vif-argent dans les veines, brûlant. J’écarte le battant. La vache, je suis tout tremblant. Un genre de fureur hormonale, une humeur de métal.
Chambre sombre comme l’origine du monde. Je passe la tête à l’intérieur. Moite, comme si mon nez frôlait l’intérieur de ses cuisses. Il va falloir te montrer, Cyr@no, que Christian te donne son poème. Tu l’énerves.
Elle se terre au-dedans. Son souffle se retient. Pour l’instant.
Je pénètre dans l’obscurité. Ne t’inquiète pas, Bichette, pas question que Christian allume la lumière.
Les lueurs du couloir extérieur font trembler des ombres. Celle d’un lit. En face, quelque chose ressemble à une penderie. Droit devant tombent des rideaux fermés. Je capte un bout de chaise pas loin d’une fenêtre. Un lustre tangue au-dessus de ma tête, des appliques sont calées contre les murs, pareilles aux oreilles de la marquise à l’entrée. Belle marquise… tes beaux yeux… joli cul ?
De la moquette se terre au sol. C’est tout ? Il me manque son souffle. Bon. Ferme la porte derrière toi, Christian. Faudrait pas qu’elle s’échappe avant ta récitation. Fais le noir, profond.
Tu peux sortir de ta planque, Cyr@no ! Christian est pris dans tes filets. Il avance vers toi. Viens dans son piège.
Je tâtonne dans le noir ardent. Ses yeux… amandes ouvertes aux iris doré. Ses pupilles dilatées de désir et de noirceur. À pas de loup, j’avance, une main sur chaque mur, je glisse vers elle.
Les murs bifurquent.
OĂą est-elle ?
Sur le lit ?
Surprends Christian et il te prendra.
Je braque à gauche. Penderie. Je la contourne, ventre au mur, je longe, les jambes écartées, les deux mains en appui sur la paroi.
Et si elle était planquée dans l’armoire ?
Marche arrière.
La vache, si elle est cachée là , elle ne pourra pas s’enfuir quand j’ouvrirai la porte. J’y vois que dalle mais je fonce, elle me prend la tête et bientôt le foutre. J’ouvre la penderie. Un manteau. Son manteau. Tu es là , sirène ? Et si Christian allumait la lumière ?
Non.
Pas de lumière dans l’origine du monde.
Je continue l’exploration jusqu’à une nouvelle porte. Celle de la salle de bains ? Elle n’y est pas, non, elle est dans la chambre, je le sais. Je le sens. La phéromone s’agite et répand ses fumets. Des humeurs d’huître qui piquent. Faut pas trembler comme ça, sirène, tes odeurs te trahissent ! Tu vas te faire repérer. Calme-toi. Christian n’est pas pressé, tu sais. Vous avez toute la nuit. Il renifle tes traces. Te sentir impatiente, tu vois, ça lui donne envie de traîner.
Un rideau, côté gauche. Velours épais, voilage. Fenêtre fermée.
Mes cuisses heurtent le plateau d’une table. Peut-être un guéridon ? Au toucher, ça ressemble à de la marqueterie. Une assiette est posée dessus. Une chaise. Assieds-toi.
Je suis aveugle, mes autres sens s’aiguisent. Cette odeur, c’est bien de la culotte mouillée. Le sexe d’une femme transpire pas loin d’ici, j’entends sa toison frémir. Mon sang bout. Attends. Entends. Mon cœur à trois cents. Mais de l’autre côté de la table elle vibre plus fort que moi.
Je fouille l’assiette. Des fruits ? Pelures épaisses. Des lychees. Gouteux. Juteux.
À tribord toute ! Un souffle vient de m’aborder. C’est toi, joli fruit ? Le souffle s’accélère. Me tourne autour. Bat en retraite. Qu’est-ce que tu attends, sirène ? Christian est là . Prends-le. »
Cyr@no, c’est chaud !
Tu peux sortir de ta planque, Cyr@no ! Christian est pris dans tes filets.
Elle ne pourra pas s’enfuir quand j’ouvrirai la porte
Qu’est-ce que tu attends, sirène ? Christian est là . Prends-le
François Prunier says
Un roman original et moderne sur la superficialitĂ©, l’apparence, la schizophrĂ©nie, qu’on se le dise !