« Le sort réservé aux tabaculteurs est absolument injuste ! », s’insurge Germinal Peiro.
Ce député périgourdin, tout droit sorti d’un roman de Zola, préside une chambre parlementaire Tabac en Dordogne. S’y joue le blues du planteur d’herbe divine périgourdine.
En effet, la Dordogne et le Lot-et-Garonne cultivent du blond tabac de Virginie. L’Aisne aussi. Sans omettre je ne sais plus qui. En tout cas, ils sont 2600 tabaculteurs en France. 0,3% de la production mondiale ( j’ai compté ).
Or le tabaculteur périgourdin est exploité par la chaîne dont il est le premier maillon. Les puissances du marché le traitent comme un vulgaire producteur de cacao ivoirien.
Car entre ce que vous payez pour encrasser vos poumons, et ce qu’il gagne pour vous empoisonner, il y a comme un décalage. Sa feuille de tabac traverse un réseau d’intermédiaires véreux, et, au bout du compte, elle vaut à peine son pesant de cacao.
Mais que les producteurs de tabac se rassurent : ils ne sont pas les seuls à être pris pour des cacaotiers ivoiriens. Les producteurs de de viande bovine, de littérature, de peinture, de sculpture, de théâtre et j’en passe sont logés à la même enseigne.
Aussi maltraités que les autres, les artistes, eux, ne s’abaissent jamais à descendre dans la rue. On risquerait de les confondre avec le commun des mortels. Or il faut bien préserver leur réputation : les artistes habitent avec des muses rousses sur le mont Olympe. Ils ont des cheveux blancs, ne fréquentent pas les syndicats, mais tutoient Zeus et les divinités cathodiques. Leur art justifie tout, leurs travers comme leur précarité : ils ont reçu un don gratuitement, alors il est juste qu’ils soient fauchés d’autant qu’ils ne travaillent pas pour de vrai ; mais quand ils sont riches, alors là oui, d’accord, on peut comprendre que tout leur soit permis, à commencer par la pédophilie.
Les tabaculteurs et autres grévistes devraient prendre exemple sur les artistes rebelles : l’on vivrait enfin dans une dictature pacifiée.
Car enfin, pourquoi le tabac ne justifierait-il pas la précarité des planteurs périgourdins ?
Un tabaculteur touche 2 euros par kilo du poison qu’il vous fourgue.
Un écrivain, lui, reçoit 1 euros par daube qu’il vous vend.
Un ouvrier du cacao reçoit quelques francs CFA par kilo de fèves.
Un plasticien se paie grâce à son auto-satisfaction.
Un peintre vous vend des illustrations bas de gamme sur des T-Shirt made in Taïwan.
Un comédien donne des ateliers théâtre dans des centres d’animation.
Et si tous ces gens-là réduisaient simplement leurs coûts de production ? Manger moins, se laver moins, emménager dans sa voiture, etc…
En effet, cela augmenterait leurs marges bénéficiaires.
Les tabaculteurs, eux, y étaient bien parvenus.
Mais ça ne suffit plus !
Car en plus d’être spoliés par l’état, Bruxelles, les non fumeurs, le lobby des patches, et Manuel Valls en personne, les tabaculteurs sont une minorité, olfactive. A la différence de la minorité visible, reconnaissable à l’oeil nu, cette minorité-là ne se repère qu’à l’odeur. Elle est aussi la plus égalitaires de toutes : si la minorité visible discrimine les aveugles, la minorité olfactive, elle, est accessible à tous. Excepté les agueusiques . Mais enfin cette communauté (ceux qui ont perdu le goût et l’odorat) est trop minoritaires pour être significative ( statistiquement et politiquement parlant).
Bref, les planteurs de tabac sont la plus équitable des minorités. A ce titre, ils mériteraient l’attention que nous portons au commerce du même nom ( oui, ton cacao équitable).
Soyez équitable avec le tabac périgourdin. Par civisme, commencez, ou recommencez à fumer, des cigarettes les plus chères possibles. Payez-vous, au prix fort, un mauvaise santé.
Longue vie aux tabaculteurs, aux écrivains, aux cacao du Brésil, à la viande bovine, aux Ivoiriens, aux plasticiens du Malawi, aux ouvriers en col blanc, aux peintres de Neuilly et à la Turquie dans l’ Europe !
Et mort à l’industrie du disque.
Mais qu’est-ce qu’elle a fumé ?
Mais qu’est-ce qu’elle a fumé ?