Ma relation à l’œuf fut mise en péril au siècle dernier, le troisième jeudi  d’un mois de mars  très pluvieux… J’avais quatorze ans,  la saison des pluies était gabonaise.
Ma mère ayant fait prélever mes urines (ou mon sang, je ne sais plus, mais oui, ma mère a fait ça), des laborantins  y avaient détecté une quantité suspecte d’albumine.
Est-ce que tu as mangé des oeufs ? m’a demandé le docteur Morel sur un ton très soupçonneux.
Je ne pouvais nier. Ainsi, l’anathème était jeté sur les œufs, plus particulièrement leur albumine.
Quittant la clinique (un hôpital gabonais pour les Blancs, ou les Riches), je montai à l’arrière de la Mustang moutarde de maman, en me faisant cette réflexion :  or donc nous mangeons des œufs. Pourquoi mangeons-nous des œufs, alors que nous pourrions plutôt manger des olives ?
La Mustang démarra, nous traversâmes Port-Gentil fenêtres ouvertes et cheveux au vent. Maman portait des lunettes de soleil Ray-Ban, et les commères expatriées d’Elf-Gabon la regardaient passer en se demandant pourquoi elle était suisse, alors que les gens normaux étaient français.
Arrivée à la maison (une maison pour les Blancs, ou les Riches), je me couchai sur mon lit, sous un poster de Diana Ross, car j’avais décrété que je serai plus belle qu’elle. Et je me posai des questions, préhistoriques :
Quel individu de Cro-magnon, le premier,   a eu l’idée de manger un œuf ? Comment peut-on imaginer gober ce fruit tout droit sorti du trou du cul des poules ?
Car je croyais alors que l’on pondait par l’anus.
Deux enfants plus tard, je puis confirmer.
Cependant, toujours allongée sous le portrait de Diana Ross, je m’interrogeai :
Ce Cro-magnon qui le premier croisa le chemin d’un Ĺ“uf, savait-il que ça sortait du cul d’une poule ? Ou a-t-il trouvĂ© l’oeuf Ă©garĂ© sur une route, se laissant dès lors berner par son innocente apparence.
Bien entendu, comme toute question mĂ©taphysique, mes interrogations n’avaient pas de rĂ©ponse. Qui plus est, il Ă©tait 19h00, l’heure de La Minute du Parti Ă la tĂ©lĂ©vision. Je renonçai donc Ă ma rĂ©flexion pour aller entendre l’hymne Ă la gloire du père de la nation, et père, très probablement, du prochain père de la nation.
Suspendue aux lèvres du prĂ©sident Omar Bongo, je ne pus pourtant totalement libĂ©rer mes pensĂ©es de la question ovipare. Car les Ĺ“ufs, n’est-ce pas, ne sont pas très ragoĂ»tants. J’avais toutes les raisons de bannir les Ĺ“ufs de mon alimentation.  Je l’ai fait. Adieu, l’albumine, et bon vent !
Sans violence, j’exclus les Ĺ“ufs de mon alimentation, n’admettant pour exception que ceux qui, s’amalgamant avec  de la farine, du sucre, du beurre et d’autres ingrĂ©dients, donnaient les madeleines de Nice de mon grand-père, ou les crĂŞpes Ă la confiture de ma mère.
Me mettant moi-même plus tard à la pâtisserie, je tolérai les intrus dans la génoise, m’émerveillant, c’est vrai, de les voir gonfler sous l’effet du fouet et de la chaleur.
Et puis entre nous, un blanc d’œuf qui se change en neige, c’est quand même un miracle, même si je n’aime pas la meringue.
J’étais adulte, désormais, loin des vicissitudes gabonaises et de la Mustang moutarde de maman. Nous vivions, les œufs et moi,  dans un état de tolérance mutuelle.  Or un jour, je découvris que l’abominable œuf des neiges avait été vaincu par un procédé proche de la lyophilisation. L’œuf se déclinait dorénavant sous forme de poudre. Les plus grands pâtissiers n’utilisaient plus que  ça.
Il n’en fallut pas davantage pour que je bannisse totalement l’œuf de ma maison. Je ne cuisinai plus qu’à l’œuf en poudre, auquel il faut, en principe, rajouter un peu d’eau. Je n’en rajoutai jamais, de peur de voir la poudre providentielle prendre une consistance d’œuf véritable.
Seulement voilĂ , quelques mois plus tard, je rencontrai Gordon Ramsay.
Le tyran britannique dirigeait, d’une main de fer, un jeu télévisé culinaire appelé MasterChef. Un hachoir menaçant dans les mains, le maître ordonnait à des esclaves de réaliser, en trois minutes,  des œufs Bénédicte.
Dieu, ces œufs coulant comme fond le chocolat … Cette sauce hollandaise caressant doucement l’albumine saisie… Une vague de désir s’empara de moi…
Cette nuit-là , je me réconciliai avec  les œufs que j’avais toujours abhorrés.
Ĺ’ufs, je vous aime !
Gloire à toi, gros dégueulasse qui le premier goba ce blanc fruit né du cloaque d’une poule !
Le vrai et seul Bruno says
Madame Bessora qui vient de nous pondre « Cyrano » (une pâle copie remise au goĂ»t du jour de l’excellente pièce signĂ©e Rostand) se met Ă philosopher sur la poule. Que retenir de cet article ? Les plaisirs des colons blancs Ă manger des Ĺ“ufs en plein milieu de l’Afrique. Je ne retiendrai qu’une chose : la mustang Ă©tait de couleur moutarde. Au lieu de nous conter vos souvenirs d’enfance, vous auriez mieux fait de nous donner la recette des Ĺ“ufs BĂ©nĂ©dicte.
JNVSP
Le vrai et seul Bruno says
Madame Bessora qui vient de nous pondre « Cyrano » (une pâle copie remise au goĂ»t du jour de l’excellente pièce signĂ©e Rostand) se met Ă philosopher sur la poule. Que retenir de cet article ? Les plaisirs des colons blancs Ă manger des Ĺ“ufs en plein milieu de l’Afrique. Je ne retiendrai qu’une chose : la mustang Ă©tait de couleur moutarde. Au lieu de nous conter vos souvenirs d’enfance, vous auriez mieux fait de nous donner la recette des Ĺ“ufs BĂ©nĂ©dicte.
JNVSP
Dr Spock says
N’ayant pas fait d’enfants par moi-mĂŞme,ni jamais chiĂ© d’oeufs, je ne puis dire si l’oeuf sort ou non par le cul de la poule;mais, par contre, Ă©tant français d’origine française sur au moins une gĂ©nĂ©ration, je confirme que les gens normaux, sont Français! Quand au blanc d’oeuf en poudre, je viens d’en dĂ©couvrir la vĂ©ritable utilisation, abusĂ© que je fus par l’Ă©tiquette indiquant: Ligne et Plaisir.
Dr Spock says
N’ayant pas fait d’enfants par moi-mĂŞme,ni jamais chiĂ© d’oeufs, je ne puis dire si l’oeuf sort ou non par le cul de la poule;mais, par contre, Ă©tant français d’origine française sur au moins une gĂ©nĂ©ration, je confirme que les gens normaux, sont Français! Quand au blanc d’oeuf en poudre, je viens d’en dĂ©couvrir la vĂ©ritable utilisation, abusĂ© que je fus par l’Ă©tiquette indiquant: Ligne et Plaisir.
Soeur Sourire says
Immaculée conception, gloire à toi, ma Poule !
tu nous a donnĂ© l’omelette sans casser les oeufs, c’est un nouveau miracle !
Rentrez dans vos coquilles, Bruno les mécréants !
L’aurĂ©ole n’est-elle pas jaune d’oeuf ? Et l’aube blanche d’oeuf ?
Alléluia Dieu Dieu !
Soeur Sourire says
Immaculée conception, gloire à toi, ma Poule !
tu nous a donnĂ© l’omelette sans casser les oeufs, c’est un nouveau miracle !
Rentrez dans vos coquilles, Bruno les mécréants !
L’aurĂ©ole n’est-elle pas jaune d’oeuf ? Et l’aube blanche d’oeuf ?
Alléluia Dieu Dieu !