Assis à califourchon sur l’équateur, Face Cuite taillait une flûte dans un roseau, la croupe au vent. Il leva les yeux et aperçut au loin Fesse Crue se découpant sur la ligne d’horizon. Tout juste débarqué d’une goélette, Fesse Crue, qui portait son pantalon trop bas, s’engageait sur la plage.
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Le jeune marin fut long à rejoindre la ligne de séparation des hémisphères. Apercevant Face Cuite, il crut voir un singe, quoiqu’il n’en eût jamais vu.
Et Face Cuite crut voir un fantôme, quoiqu’il n’en eût jamais vu non plus, du moins à l’heure qu’il était, dix-huit heures six.
Ce premier malentendu fut long à dissiper, si tant est qu’il le fût un jour. Mais ce matin-là, tandis que Christophe Colomb fêtait son vingtième anniversaire et l’Inquisition ses deux cents quarante ans, les deux adolescents se toisèrent longuement. Christophe Colomb n’avait pas encore découvert les Indiens. Et les Cathares, déjà, avaient été décimés dans l’Albigeois.
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Fesse Crue demeura en Afrique quelques temps, ramassant d’avenants coquillages et rédigeant un intéressant journal de voyage. Il signa ce récit de l’un de ses noms célèbres, Escobar, ignorant que son descendant trafiquerait l’héroïne en Colombie.
Là-dessus, il quitta l’île de São Tomé, et repartit chez lui. Il ne fut pas long à revenir. Les lieux lui avaient parus propices à l’édification d’une prison, où seraient parqués des repris de justice et autres hérétiques, en particulier des Juifs hostiles à la Vraie Religion.
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Le matin du retour de Fesse Crue, Face Cuite était caché dans un bananier juché sur l’équateur.
De son promontoire végétal posé à mi-chemin des pôles, le cuit constata que le cru portait son pantalon toujours aussi bas, et qu’il était très accompagné. Ceux qui l’escortaient étaient pâles comme la mort, une armée de fantômes, or les esprits n’avaient jamais assiégé la plage en aussi grand nombre, surtout à l’heure qu’il était, dix-huit heure six. Etait-ce le présage d’une malédiction ? Qu’avait-il fait pour mériter cela ? Le pagne de raphia dérobé à sa voisine ? Il le rendrait.
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Et le seizième siècle fut là. Paris fêta la Saint-Barthélemy. Mais par un étrange prodige, Face Cuite et Fesse Crue étaient toujours adolescents. Ils étaient déjà vieux mais ne prenaient pas une ride de sagesse. Ils se croisaient parfois dans l’ascenseur qui desservait les douze étages de leur bananier mais ils se parlaient peu.
Un matin, Face Cuite partit à la rencontre de Fesse Crue, négocier un arrangement : Viande Mal Cuite, lui dit-il, j’ai pêché. Mais tu peux désormais repartir : j’ai rendu le pagne de raphia volé à ma voisine, et bientôt, j’irai libérer le Darfour, et après je ne serai plus musulman. Va, va donc en paix, retourne d’où tu viens, dépense un peu moins dans les boys et occupe-toi de ta sécurité sociale et de ton éducation nationale.
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Fesse Crue lui répondit ceci : Crème Brûlée, Voulons que l’édit du feu Roi de Glorieuse Mémoire, notre très honoré seigneur et père, du 23 avril 1615, soit exécuté dans nos îles. C’était l’article 1 du code noir. Et un jour François de La Tulipe de Hollande libéra le royaume Mandingue. Car ses fesses crues étaient les préférées de Dieu, et parce que Face Cuite était poursuivi par la malédiction de Cham.
Et Fesse Crue d’embrasser Face Cuite : dans mes bras, petit frère, longue vie au pape.
Et Face Cuite de répondre : dans mes bras, grand ami, longue vie à l’équidé de Roumanie.
Si vous voulez le savoir, ils ne peuvent plus se sentir depuis longtemps, leur haine rentrée est même antérieure à L’ Origine du monde de Courbet. Mais l’un et l’autre excellent dans l’art subtil de l’hypocrisie, longue vie à la francofaunie
François Prunier says
Qu’est-ce que ce sera quand débarqueront les petites fesses verdâtres de Pluton !